La BibliothÈque d'APOLLODORE d'AthÈnes

Épitomé

Traduction Ugo Bratelli, juillet 2004

I

1. Le troisième exploit de Thésée fut de tuer, à Crommyon, la truie appelée Phaïa, du nom de la vieille femme qui l’avait élevée : certains disent qu’elle était la fille d’Échidna et de Typhon.

2. Puis il tua Sciron, le Corinthien, fils de Pélops, ou peut-être de Poséidon. Sciron habitait sur le territoire de la Mégaride, et contrôlait ce promontoire rocheux, qui, de son nom, fut appelé roche scironienne. Tous ceux qui passaient par là, Sciron les contraignait à lui laver les pieds ; dès qu’ils avaient fini de les lui laver, il les jetait dans la mer où une gigantesque tortue les dévorait. Mais Thésée l’attrapa par les pieds et le précipita dans la mer.

3. Son cinquième exploit eut lieu à Éleusis où il tua Cercyon, le fils de Branchos et de la Nymphe Argiopé. Cercyon obligeait tous les passants à le défier à la lutte, et il les tuait immanquablement : mais Thésée réussit à le soulever et à le fracasser contre terre.

4. Son sixième exploit fut le meurtre de Damastès que certains appellent Polypémon. Celui-là habitait au bord de la route. Il possédait deux lits, l’un très petit et l’autre très grand ; et tous ceux qui passaient par là, il leur proposait d’être ses hôtes. Mais, ensuite, ceux qui étaient petits de taille il les allongeait dans le grand lit et il leur déboîtait toutes les articulations jusqu’à les faire devenir aussi grands que le lit ; et les grands, par contre, il les mettait dans le petit lit, et il sciait les membres de leur corps, qui dépassaient.

5. Thésée nettoya ainsi la route, et arriva enfin à Athènes. Médée, qui entre-temps avait épousé Égée, complota contre lui ; elle persuada son mari de se méfier de Thésée, en lui faisant croire qu’il tramait quelque chose à ses dépens. Ainsi Égée, sans savoir qu’il s’agissait de son fils, s’inquiéta-t-il, et il envoya Thésée tuer le taureau de Marathon.

6. Le jeune homme y alla et le tua, puis il revint à Athènes ; alors Égée lui offrit à boire une coupe contenant du poison, que Médée achevait de préparer. Thésée avait déjà approché la coupe de ses lèvres, et, dans le même temps, il tendait à son père, pour lui en faire cadeau, l’épée qu’il avait avec lui : aussitôt Égée reconnut que c’était son fils, et il renversa la coupe de ses mains. Quand Thésée sut qu’il était le fils d’Égée, et qu’il comprit les machinations de Médée, il la bannit de la cité.

7. Thésée fut ensuite tiré au sort parmi les jeunes gens qui devaient faire partie du tribut à Minos (c’était la troisième fois) ; mais on dit aussi qu’il se porta volontaire. Le navire hissa des voiles noires, et Égée recommanda à son fils de hisser des voiles blanches, s’il revenait sain et sauf.

8. Quand Thésée arriva en Crète, Ariane, la fille de Minos, tomba amoureuse de lui, et elle lui promit qu’elle l’aiderait, si elle obtenait en retour la promesse qu’il la mènerait à Athènes en tant qu’épouse. Thésée en fit le serment, et Ariane obligea Dédale à lui révéler la sortie du labyrinthe.

9. Conseillée encore par Dédale, elle donna à Thésée un fil grâce auquel il pourrait sortir : Thésée l’attacha à la porte et, en le tirant derrière lui, il entra. Ayant débusqué le Minotaure précisément dans la partie la plus reculée du labyrinthe, il le tua à coups de poings puis, en rembobinant le fil, il rebroussa chemin et sortit. Dans la nuit, il arriva à Naxos avec Ariane et les jeunes gens qu’il avait sauvés. Mais là, Dionysos fut pris d’amour pour Ariane et l’enleva ; il l’amena à Lemnos et s’unit à elle. De leur union naquirent Thoas, Staphylos, Œnopion et Péparéthos.

10. Affligé par le sort d’Ariane, Thésée repartit, mais il oublia de hisser les voiles blanches. Égée, du haut de l’acropole, aperçut de loin flotter sur le navire les voiles noires, et il pensa que son fils était mort : alors il se jeta dans le vide et mourut.

11. Thésée lui succéda sur le trône d’Athènes, et il tua les cinquante fils de Pallas. Thésée tua aussi tous ses autres adversaires, et il eut le pouvoir absolu.

12. Quand Minos s’aperçut de la fuite de Thésée et de ses compagnons, il en tint Dédale pour responsable, et il l’enferma dans le labyrinthe avec son fils Icare, que Dédale avait eu de Naucraté, une esclave de Minos. Alors Dédale construisit des ailes, et les attacha sur son propre dos et sur celui de son jeune fils, en lui recommandant de ne pas voler trop haut, afin que les rayons du soleil ne fassent pas fondre la colle qui tenait assemblées les plumes, ni non plus trop près de la mer, afin que l’humidité n’alourdisse pas les ailes.

13. Mais Icare, emporté par l’enthousiasme, oublia les recommandations de son père, et vola toujours plus haut. La colle fondit alors, et le garçon tomba dans cette portion de mer qui, à partir de son nom, s’appela ensuite Icarios, et il mourut. Dédale, par contre, se sauva, et il parvint à arriver à Camicos, en Sicile.

14. Minos se lança à la poursuite de Dédale, et, dans chaque région qu’il traversait, il montrait aux habitants un gros coquillage en colimaçon ; ses hérauts promettaient une très grosse récompense à celui qui réussirait à faire passer un fil de lin dans la spirale du coquillage ; seul Dédale, pensait Minos, en serait capable, et de cette façon il découvrirait sûrement où il se trouvait. Et un jour, Minos arriva aussi à Camicos, en Sicile, à la cour de Cocalos, là même où Dédale se cachait ; et là également il fit voir le coquillage.

15. Cocalos le prit, déclara qu’il était en mesure de faire passer le fil, et porta le coquillage à Dédale. Dédale alors fit un petit trou dans le coquillage, puis il attacha le fil de lin à une fourmi, il la fit entrer par là et elle, ensuite, sortit par la partie opposée, après avoir tiré le fil sur toute la longueur de la spirale du coquillage. Quand Minos constata que le problème avait été résolu, il comprit que Dédale se trouvait à la cour de Cocalos, et il demanda qu’il lui fût remis. Cocalos le lui promit et, en attendant, il invita Minos à faire une halte, en étant son hôte : alors qu’il prenait son bain, les filles de Cocalos le tuèrent — certains disent qu’il fut ébouillanté.

16. Thésée combattit aux côtés d’Héraclès contre les Amazones ; il enleva Antiope, peut-être Mélanippé, comme certains le soutiennent ; Simonide, par contre, affirme qu’il s’agissait d’Hippolyté. Pour cette raison, les Amazones firent la guerre à Athènes. Dans la bataille qui se déroula près de l’Aréopage,  les Amazones furent vaincues par Thésée qui se trouvait à la tête des Athéniens.

17. De l’Amazone, Thésée eut un fils, Hippolyte ; ensuite Deucalion lui donna en épouse Phèdre, la fille de Minos. Mais durant la cérémonie des noces, l’Amazone que Thésée avait tout d’abord épousée, se présenta à l’improviste, armée de pied en cap, en compagnie des autres Amazones ; et déjà elle s’apprêtait à massacrer tous les membres présents. Mais aussitôt les portes furent fermées et l’Amazone fut tuée. Certains soutiennent cependant que cette femme fut tuée par Thésée au cours de la bataille.

18. Phèdre donna à Thésée deux enfants, Acamas et Démophon ; puis elle tomba amoureuse du fils de l’Amazone, Hippolyte, et elle chercha à l’attirer à elle. Mais Hippolyte haïssait toutes les femmes, et il refusa toute avance. Alors Phèdre, de crainte qu’Hippolyte n’en rapporte le fait à son père, ouvrit toutes grandes les portes de sa chambre à coucher, déchira ses vêtements et feignit d’avoir été violentée par Hippolyte.

19. Thésée la crut ; il pria alors Poséidon de détruire Hippolyte. Ainsi, un jour où Hippolyte menait son char sur les bords de la mer, Poséidon fit surgir des ondes un taureau. Les chevaux, terrorisés, se cabrèrent, et le char fut renversé et se brisa. Hippolyte, empêtré dans les rênes, fut traîné et mourut. Et quand son amour insensé fut connu, Phèdre se pendit.

20. Ixion tomba amoureux d’Héra et il chercha à lui faire violence ; quand Héra le lui répéta, Zeus voulut s’assurer qu’il en allait bien ainsi. Alors il prit une nuée, il lui donna l’aspect d’Héra, et il la mit dans le lit à côté d’Ixion. Celui-ci sortit pour se vanter d’avoir fait l’amour avec Héra, et aussitôt Zeus l’attacha à une roue, qui, sans aucune cesse, le fit tourner dans le ciel au gré du vent : et encore aujourd’hui Ixion expie ainsi son crime. De l’union d’Ixion et de cette nuée naquit ensuite un Centaure.

21. Thésée combattit aux côtés de Pirithoos quand celui-ci fit la guerre aux Centaures. Pirithoos s’était fiancé à Hippodamie, et au banquet participèrent aussi les Centaures, qui étaient ses parents. Le vin coulait à flots, et les Centaures, qui n’étaient pas habitués à le boire, s’enivrèrent ; aussi, quand l’épouse arriva, ils cherchèrent à la violenter. Alors Pirithoos prit les armes et les attaqua avec l’aide de Thésée, qui en tua plusieurs.

22. Cænéus était né femme, mais, après que Poséidon se fut unie à elle, elle obtint du dieu de devenir un homme invulnérable. Pour cette raison, dans la bataille contre les Centaures, il ne se préoccupa aucunement des blessures, et il en tua un très grand nombre : mais les rescapés le neutralisèrent, il l’étendirent à terre et l’ensevelirent sous un tas de troncs de sapins.

23. Quand Pirithoos se mit en tête d’épouser une fille de Zeus, Thésée passa un accord avec lui : Pirithoos l’aida à enlever de Sparte Hélène, qui avait alors douze ans, et Thésée, en contre-partie, descendit dans l’Hadès pour demander la main de Perséphone, pour Pirithoos.

24. Cependant les Dioscures, avec les Lacédémoniens et les Arcadiens, occupèrent Athènes, enlevèrent Hélène et emmenèrent, prisonnière, la fille de Pitthée, Éthra ; Démophon et Acamas, en revanche, réussirent à s’enfuir. Les Dioscures rappelèrent alors Ménesthée de son exil, et ils lui donnèrent la souveraineté sur Athènes. Quand Thésée descendit dans l’Hadès avec Pirithoos, il fut victime d’une grande machination. Sous le prétexte de leur offrir l’hospitalité, Hadès les fit asseoir sur le Trône de l’Oubli ; et aussitôt leur corps resta collé au siège, tandis que des serpents sinueux montaient la garde. Pirithoos resta enchaîné pour toujours ; Thésée, en revanche, fut libéré par Héraclès, et il retourna à Athènes. Là, il fut banni par Ménesthée ; il se rendit alors à la cour de Lycomède : mais Lycomède le jeta dans un précipice et le tua.

II.

II, 1. Tantale purge sa peine dans l’Hadès : il demeure immergé dans un marais, une pierre suspendue au-dessus de la tête ; il peut voir, autour de lui, des arbres lourds de fruits,  qui croissent sur les rives. L’eau lui arrive au menton, mais quand il veut la boire, elle se retire ; et quand il veut cueillir un fruit, l’arbre et ses fruits sont poussés par le vent jusqu’aux nuages. Certains disent que Tantale a été puni parce qu’il révéla aux hommes les mystères des dieux, et parce qu’il donna l’ambroisie à ses compagnons.

II, 2. Brotéas, qui était un chasseur, n’honorait pas Artémis ; de plus, il déclara que le feu ne pouvait lui porter atteinte. Il perdit la raison et se jeta dans les flammes.

II, 3. Pélops, après avoir été tué et cuisiné lors du festin des dieux, ressuscita plus beau qu’avant, et, en raison de sa suprême beauté, devint l’amant de Poséidon ; ce dernier lui fit don de son char volant ; il pouvait aussi aller sur la mer, sans même mouiller les roues.

II, 4. OEnomaos, le roi de Pise, avait une fille, Hippodamie ; soit qu’il fût amoureux d’elle, comme certains le soutiennent, ou bien soit qu’il eût reçu un oracle (selon lequel il serait tué par l’époux de sa fille), personne encore ne l’avait prise pour femme. Son père n’était pas parvenu à la convaincre de coucher avec lui, et, en attendant,  il tuait tous ses prétendants.

II, 5. OEnomaos détenait en effet des armes et des chevaux que lui avait donnés Arès, et il défiait dans un concours les prétendants de sa fille. Le prétendant devait emmener Hippodamie sur son char, puis se rendre jusqu’à l’Isthme de Corinthe ; OEnomaos, armé, le poursuivait ; s’il le rejoignait, il pouvait le tuer. Seul celui qui ne se serait pas fait rattraper obtiendrait la main d’Hippodamie. Et de cette façon il tua de nombreux prétendants – douze suivant certains ; il coupait leurs têtes et les plantait à l’entrée de son palais.

II, 6. Pélops à son tour demanda sa main ; Hippodamie, devant sa beauté, tomba amoureuse de lui, et elle persuada Myrtilos, le fils d’Hermès, de l’aider. Myrtilos était en effet l’aurige d’OEnomaos.

II, 7. Myrtilos l’aimait et désirait trouver grâce à ses yeux ; c’est pourquoi il ne fixa pas les clous dans les essieux des roues du char d’OEnomaos, et celui-ci perdit la course : les rênes s’enroulèrent autour de lui, il fut traîné à terre et mourut. Nombreux sont ceux qui disent qu’il fut tué par Pélops. En mourant il maudit Myrtilos, car il avait découvert sa traîtrise, appelant sa mort de la main même de Pélops.

II, 8. Ainsi Pélops épousa Hippodamie ; un jour, en compagnie de Myrtilos, ils arrivèrent en un certain endroit ; Pélops s’éloigna un moment, en quête d’eau pour sa femme qui avait soif. C’est alors que Myrtilos essaya de violer Hippodamie. Quand elle lui raconta ce qui s’était passé, Pélops précipita Myrtilos dans la mer — qui prit le nom de Myrto — près du cap Géreste. Myrtilos, alors qu’il tombait, maudit la race de Pélops.

II, 9. Pélops, cependant, atteignit l’océan, où Héphaïstos le purifia ; de retour ensuite à Pise, il monta sur le trône d’OEnomaos, après avoir conquis toute la région qui s’appelait alors Apia et Pélasgiotide, et que maintenant, de son nom, on appelle Péloponnèse.

II, 10. Les fils de Pélops étaient Pitthée, Atrée, Thyeste, et d’autres. La femme d’Atrée était Aéropé, fille de Catrée, qui tomba amoureuse de Thyeste. Un jour, Atrée fit vœu de sacrifier à Artémis l’animal le plus beau qui naîtrait dans son troupeau. Mais quand naquit une brebis en or, on dit qu’il renia son vœu, égorgea l’animal et conserva sa toison dans un coffre. Mais Aéropé la donna à Thyeste par qui elle avait été séduite.

II, 11. Un oracle avait ordonné aux Mycéniens de se choisir pour roi un fils de Pélops, et Atrée et Thyeste furent appelés. Comme on se demandait à qui revenait le royaume, Thyeste déclara au peuple que le royaume devait revenir à celui qui possédait la toison d’or ; Atrée fut d’accord ; Thyeste montra la toison, et devint roi.

II, 12. Zeus envoya Hermès auprès d’Atrée pour lui conseiller de passer un accord avec Thyeste : Atrée recevrait le royaume si le soleil inversait son cours. Thyeste accepta, et le soleil se coucha à l’est. À ce témoignage divin de l’usurpation de Thyeste, Atrée obtint le règne et exila Thyeste.

II, 13. Quand ensuite il apprit l’adultère, Atrée envoya un messager chargé de dire qu’il désirait se réconcilier. Thyeste revint, mais Atrée, feignant toujours de se montrer amical, tua les enfants que Thyeste avait eus d’une Naïade, Aglaos, Calliléon et Orchoménos, alors qu’ils étaient assis sur l’autel de Zeus comme suppliants. Il les découpa en morceaux, qu’il fit cuire, et qu’il servit ensuite à Thyeste, après avoir mis de côté les extrémités. Thyeste les mangea, et c’est alors qu’Atrée lui montra têtes, mains et pieds, puis, de nouveau, il l’exila.

II, 14.  Thyeste, qui cherchait par tous les moyens une manière de se venger d’Atrée, interrogea l’oracle ; la réponse lui commanda d’avoir un fils de sa propre fille. Il obéit, et, avec sa fille, il engendra Égisthe. Quand il eut grandi, et su qu’il était le fils de Thyeste, Égisthe tua Atrée et remit Thyeste sur le trône.

[II, 15. La nourrice mena Agamemnon et Ménélas chez Polyphide, souverain de Sicyone ; et ce dernier, à son tour, les mena chez Œnée l’Étolien. Peu après, de nouveau Tyndare les fit revenir ; ils contraignirent Thyeste, réfugié sur l’autel d’Héra, à jurer qu’il irait à Cythère. Ils devinrent les beaux-fils de Tyndare, en épousant ses filles. Agamemnon s’unit à Clytemnestre, après avoir tué son premier mari, Tantale, le fils de Thyeste, ainsi que son fils tout juste né ; et Ménélas épousa Hélène.]

II, 16. Agamemnon devint roi de Mycènes et épousa Clytemnestre, la fille de Tyndare, après que Thyeste lui eut tué son précédent mari, ainsi que son enfant. Agamemnon et Clytemnestre eurent un garçon, Oreste, et trois filles, Chrysothémis, Électre et Iphigénie. Ménélas épousa Hélène, et régna sur Sparte quand Tyndare abdiqua en sa faveur.

III, 1. Mais plus tard Alexandre enleva Hélène, à l’instigation de Zeus, dit-on : de cette manière, sa fille deviendrait célèbre, pour avoir déclenché une guerre entre l’Europe et l’Asie. D’autres, toutefois, soutiennent que Zeus cherchait ainsi à glorifier la race des demi-dieux.

III, 2. Quoi qu’il en soit, Éris lança une pomme, prix de la plus belle, et invita Héra, Athéna et Aphrodite à entrer en compétition. Zeus ordonna à Hermès de la porter à Alexandre, sur le mont Ida, pour qu’il soit leur juge. Toutes promirent à Alexandre des dons. Héra lui offrit, s’il lui accordait la victoire, la souveraineté sur tous les hommes ; Athéna lui promit la victoire à la guerre ; et Aphrodite l’amour d’Hélène. Il choisit Aphrodite. Sur des navires construits par Phéréclos, Alexandre partit pour Sparte.

III, 3. Le jeune homme resta l’hôte de Ménélas pendant neuf jours ; mais le dixième, le roi dut partir pour la Crète, afin d’assister aux funérailles de son grand-père, Catrée ; Alexandre persuada Hélène de s’enfuir avec lui. Hélène abandonna sa petite fille, Hermione, âgée de neuf ans ; elle emporta tous les biens qu’elle put et, de nuit, elle s’enfuit avec Alexandre.

III, 4. Mais Héra provoqua une terrible tempête qui les contraignit à jeter l’ancre à Sidon. Alexandre, redoutant d’être poursuivi, s’attarda en Phénicie et à Chypre. Quand ensuite il estima le danger passé, il gagna Troie avec Hélène.

III, 5. Cependant, certains déclarent que Hermès, sur ordre de Zeus, enleva Hélène, la mena en Égypte et la confia à Protée, le roi des Égyptiens. Alexandre serait allé à Troie en compagnie d’un simulacre d’Hélène, fait de nuées.

III, 6. Quand Ménélas s’aperçut de l’enlèvement, il alla à Mycènes chez son frère Agamemnon, et lui demanda de rassembler, depuis la Grèce tout entière, une armée pour marcher contre Troie. Agamemnon dépêcha des messagers auprès de chacun des rois, en leur rappelant leur ancien serment, et exhorta chacun à combattre pour la sécurité de leur propre femme, car cet affront avait touché la Grèce entière. La plupart d’entre eux était favorable à la guerre. Ils se rendirent aussi à Ithaque, chez Ulysse.

III, 7. Mais Ulysse n’avait aucunement l’intention de participer à la guerre ; il fit mine d’être fou. Palamède, le fils de Nauplios, comprenant qu’il les trompait, décida de le confondre. Alors qu’Ulysse feignait un accès de démence, il le suivit ; puis, brusquement, il arracha des bras de Pénélope son petit enfant Télémaque, et sortit son épée comme s’il voulait le tuer. Craignant pour son fils, Ulysse avoua son jeu, et participa à la guerre.

III, 8. Ulysse captura un Phrygien et le contraignit à écrire une fausse lettre, comme si elle avait été envoyé par Priam à Palamède, et qui révélait une trahison ; ensuite, après avoir caché de l’or dans la tente de Palamède, il fit tomber la lettre au milieu du camp. Agamemnon la lut, trouva l’or et remit Palamède aux alliés afin qu’il soit lapidé comme traître.

III, 9. En compagnie d’Ulysse et de Talthybios, Ménélas se rendit à Chypre, chez le roi Cyniras, pour l’amener à participer à l’expédition. Cyniras offrit des cuirasses, dons pour Agamemnon, et jura qu’il enverrait cinquante navires ; par la suite il n’en envoya qu’un, commandé par le fils de Mygdalion, les autres étaient de petites embarcations de terre cuite qu’il jeta à la mer.

III, 10. Les filles d’Anios (fils lui-même d’Apollon), Elaïs, Spermo et Oeno, étaient appelées « productrices de vin » ; Dionysos leur avait donné le pouvoir de produire de la terre l’huile, le blé et le vin.

III, 11. L’armée se rassembla à Aulis. Voici la liste de ceux qui participèrent à l’expédition contre Troie : dix chefs venus de Béotie avec quarante navires ; quatre chefs d’Orchomène, avec trente navires ; quatre chefs de Phocide, avec quarante navires ; les Locriens commandés par Ajax, le fils d’Oïlé, avec quarante navires ; les Eubéens commandés par Éléphénor, fils de Chalcodon et d’Alcyoné, avec quarante navires ; les Athéniens commandés par Ménesthée, avec cinquante navires ; les Salaminiens commandés par Ajax, fils de Télamon, avec vingt navires.

III, 12. D’Argos, Diomède, fils de Tydée, et ses hommes, avec quatre-vingts navires ; de Mycènes, Agamemnon, fils d’Atrée et d’Éropé, avec cent navires ; de Lacédémone, Ménélas, fils d’Atrée et d’Éropé, avec soixante navires ; de Pylos, Nestor, fils de Nélée et de Chloris, avec quarante navires ; d’Arcadie, Agapénor, avec sept navires ; d’Élée, Amphimaque et ses hommes, avec quarante navires ; de Doulichion, Mégès, fils de Phyléos, avec quarante navires. À la tête des Céphalléniens, Ulysse, fils de Laërte et d’Anticlée, avec douze navires ; à la tête des Étoliens, Thoas, fils d’Andræmon et de Gorgé, avec quarante navires ;

III, 13. à la tête des Crétois, Idoménée, fils de Deucalion, avec quarante navires ; à la tête des Rhodiens, Tlépolème, fils d’Héraclès et d’Astyoché, avec neuf navires ; à la tête des Syméens, Nirée, fils de Charopos, avec trois navires. De Cos, Phidippos et Antiphos, fils de Thessalos, avec trente navires.

III, 14. À la tête des Myrmidons, Achille, fils de Pélée et de Thétis, avec cinquante navires. De Phylace, Protésilas, fils d’Iphiclos, avec quarante navires ; de Phérès, Eumélos, fils d’Admète, avec onze navires. D’Olizon, Philoctète, fils de Poeas, avec sept navires. À la tête des Aénianes, Gunéos, fils d’Ocytos, avec vingt-deux navires. De Tricca, Podalirios […] avec trente navires ; d’Orménos, Eurypylos […] avec quarante navires ; de Magnésie, Prothous, fils de Tenthredon, avec quarante navires.

Au total, mille trois cents navires, quarante-trois commandants, trente contingents.

III, 15. Tandis que l’armée stationnait à Aulis, lors d’un sacrifice à Apollon, un serpent, de l’autal, s’élança vers un platane voisin, où se trouvait un nid ; il en dévora les huit passereaux et leur mère (cela faisait neuf), puis il se changea en pierre. Calchas déclara que c’était là un signe de la volonté de Zeus : neuf années s’écouleraient, et seulement à la dixième les Grecs s’empareraient de Troie. Ils se préparaient donc à partir à l’assaut de Troie.

III, 16. Agamemnon était le commandant de l’armée tout entière, et Achille amiral de la flotte ; il avait alors quinze ans.

III, 17. Les Grecs ignoraient la route qui menait à Troie. Ils débarquèrent en Mysie et la mirent à sac, croyant qu’il s’agissait de Troie. Le roi des Mysiens, Télèphe, fils d’Héraclès, constatant que son territoire avait été mis à feu et à sang, arma son peuple et poursuivit les Hellènes jusqu’à leurs navires ; il tua nombre d’entre eux, parmi lesquels Thersandre, le fils de Polynice, qui avait opposé résistance. Mais quand Achille surgit sur lui, refusant de faire front, il prit la fuite. Dans sa fuite, il trébucha contre un sarment de vigne et fut blessé à la cuisse d’un coup de lance.

III, 18. Les Grecs quittèrent la Mysie et reprirent la mer ; mais une violente tempête divisa la flotte, et chaque commandant retourna dans sa propre patrie. Certains évaluent à vingt ans la durée de la guerre de Troie : et ceci parce qu’après l’enlèvement d’Hélène, deux années furent nécessaires pour équiper complètement l’armée grecque ; ensuite, après que partis de Mysie ils eurent atteint la Grèce, huit autres années s’écoulèrent avant qu’ils ne reviennent à Argos et se rendent de nouveau à Aulis.

III, 19. Quand ils furent de nouveau réunis à Argos, après huit ans, le grave problème se présenta une fois de plus, à propos de la route à prendre, car nul capitaine n’était en mesure d’indiquer le chemin de Troie.

III, 20. Cependant, Télèphe, dont la blessure ne parvenait pas à guérir, avait reçu un oracle d’Apollon : sa blessure guérirait à la condition qu’elle fût soignée par celui qui l’avait occasionnée. Alors, vêtu de haillons, de Mysie il se rendit à Argos, et supplia Achille de lui prodiguer ses soins, promettant, en retour, de leur indiquer la route de Troie. Achille le soigna avec la rouille qu’il recueillit en grattant sa lance de frêne du Pélion. Une fois guéri, Télèphe leur montra la route, et Calchas, grâce à son art de la divination, confirma la justesse de l’information.

III, 21, E. Quand ils eurent pris la mer depuis Argos, et qu’ils atteignirent Aulis pour la seconde fois, l’absence de vent immobilisait la flotte.

ES. Calchas déclara qu’ils ne pourraient pas mettre à la voile si, à la déesse Artémis, n’était pas sacrifiée la plus belle des filles d’Agamemnon. Il disait que la déesse était en colère contre Agamemnon :

S. selons les uns, parce que, après avoir atteint une biche lors d’une partie de chasse à Icarie, il affirma que pas même Artémis n’aurait pu la sauver [faire mieux] ; selons les autres, parce qu’Atrée ne lui avait pas offert en sacrifice l’agneau d’or.

III, 22, S. À cette réponse, Agamemnon envoya Ulysse et Talthybios auprès de Clytemnestre, pour lui demander qu’elle leur confie Iphigénie, alléguant une promesse faite à Achille, qu’Agamemnon la lui donnerait pour femme, pour le récompenser de sa bravoure. Clytemnestre l’envoya ; Agamemnon la plaça sur l’autel ; déjà il s’apprêtait à l’égorger quand Artémis l’enleva, la mena chez les Taures et fit d’elle la prêtresse de son culte. À sa place, Artémis mit sur l’autel une biche [un cerf] ; certains disent qu’elle rendit la jeune fille immortelle.

III, 23, E. Ayant levé l’ancre à Aulis, ils arrivèrent à Ténédos. Y régnait Ténès, le fils de Cygnos — certains disent d’Apollon — et de Procléia. Exilé par son père, c’est là qu’il s’était établi.

III, 24. De sa femme Procléia, fille de Laomédon, Cygnos avait eu un fils, Ténès, et une fille, Hémithéa ; puis il s’était marié avec Philonomé, la fille de Tragasos. Mais cette dernière, amoureuse de Ténès, et incapable de le séduire, l’avait calomnié auprès de son père, Cygnos, en lui disant qu’il avait cherché à la corrompre, et qu’elle avait même un témoin, le joueur de flûte Eumolpos.

III, 25. Cygnos la crut. Il enferma Ténès et sa sœur dans un coffre qu’il jeta à la mer. Le coffre échoua sur l’île de Leucophrys ; Ténès mit pied à terre et colonisa l’île que de son nom il appela Ténédos. Quand plus tard Cygnos apprit la vérité, il fit lapider le joueur de flûte et enterrer vive sa femme.

III, 26. Constatant que les Grecs se dirigeaient vers Ténédos, Ténès tenta de les en éloigner en leur lançant des pierres ; mais Achille, avec son épée, le frappa à la poitrine et le tua, malgré la recommandation de Thétis, de ne pas tuer Ténès car, s’il le faisait, lui-même périrait des mains d’Apollon.

III, 27. Lors d’un sacrifice à Apollon, un serpent jaillit de l’autel et mordit Philoctète. La blessure était incurable, et son odeur intenable. Comme les guerriers n’arrivaient plus à supporter cette odeur, Ulysse, sur l’ordre d’Agamemnon, abandonna Philoctète à Lemnos, avec seulement l’arc d’Héraclès. Et là, dans cette île déserte, il parvint à survivre en chassant les oiseaux de ses flèches.

III, 28, ES. Repartis de Ténédos, ils [les Grecs] firent route vers Troie. Ulysse et Ménélas furent envoyés pour demander la restitution d’Hélène et de ses biens. Les Troyens, réunis en assemblée, non seulement se refusèrent à rendre Hélène, mais ils voulaient aussi tuer les ambassadeurs.

III, 29, ES. Ces derniers furent sauvés par Anténor, et les Grecs, alors, révoltés par l’outrecuidance des Barbares, s’armèrent et marchèrent contre eux. Thétis recommanda à Achille de ne pas être le premier à descendre du navire, car le premier à débarquer serait aussi celui qui mourrait le premier.

S. Quand ils apprirent que la flotte approchait, les Barbares prirent les armes et coururent vers la mer, cherchant à s’opposer au débarquement à l’aide de jet de pierres.

III, 30, ES. Le premier qui mit pied à terre fut Protésilas ; après avoir tué plusieurs Barbares, il fut abattu par Hector. Sa femme, Laodamie, continua de l’aimer, même après sa mort, à tel point qu’elle avait fabriqué une statue à son image, et se consolait avec elle.

E. Les dieux furent pris de pitié, et Hermès ramena Protésilas des Enfers. Quand elle le vit, Laodamie se réjouit, croyant qu’il revenait sain et sauf de Troie ; mais quand il fut à nouveau reconduit vers les Enfers, elle se tua.

III, 31, S. Après la mort de Protésilas, Achille débarqua avec ses Myrmidons et, d’une pierre qu’il lui lança à la tête, il tua Cycnos. En le voyant sans vie, les Barbares s’enfuirent vers la citadelle : c’est alors que tous les Grecs sautèrent à bas des navires et emplirent la plaine de cadavres. Ensuite, ayant contraint les Troyens à se retrancher derrière leurs murs, ils établirent le siège autour de Troie, et tirèrent leurs navires au sec.

III, 32, S. Les Barbares avaient perdu courage. Achille tendit un piège à Troïlos, dans le temple d’Apollon Thymbréen, et le tua ; puis il pénétra nuitamment dans la cité et captura Lycaon. Avec les plus braves de ses compagnons, il mit à sac le territoire et gagna l’Ida, à la recherche du bétail d’Énée et de Priam. Énée s’enfuit ; après avoir tué les gardiens et Mestor, le fils de Priam, Achille emporta le troupeau.

III, 33, S. Il se rendit maître de Lesbos et de Phocée, de Colophon et de Smyrne ; puis de Clazomènes et de Cymé ; et, après elles, d’Égialé et de Ténos, qu’on appelle les Cent Villes. Ensuite, l’une après l’autre, il conquit Adramytion [Adramyt(t)ium] et Sidé, Endion, Linaéon et Colone. Il s’empara également de Thèbes Hypoplacienne et de Lynerssos, mais aussi d’Antandros et de nombreuses autres.

III, 34, S. Neuf ans plus tard, des alliés rejoignirent les rangs des Troyens. Des villes voisines, Énée, le fils d’Anchise, et, avec lui, Archélochos, et Acamas le fils d’Anténor et de Théano, à la tête des Dardaniens. Pour les Thraces vint Acamas, fils d’Eusoros ; pour les Cicones, Euphémos, fils de Trézen ; pour les Paeoniens, Pyraechmès ; pour les Paphlagoniens, Pylaemnès, fils de Bisaltès ; de Zélée arriva Pandaros, le fils de Lycaon ;

III, 35, S. d’Adrastéia, Adraste et Amphion, les fils de Mérops. D’Arisbé, Asios, le fils d’Hyrtacos ; de Larissa, Hippothoos, fils de Pélasgos ; de Mysie, Chromios et Ennomos, fils d’Arsinoos ; d’Alizones, Odios et Épistrophos, fils de Mécisté ; de Phrygie, Phorcys et Ascanios, fils d’Arétaon ; de Méonie, Mesthlès et Antiphos, fils de Talaemenès ; de Carie, Nastès et Amphimachos, fils de Nomion ; de Lycie, Sarpédon, fils de Zeus, et Glaucos, fils d’Hippolochos.

IV, 1, S. Achille ne participait pas à la guerre, car il était en colère à cause de Briséis… [Lacune] …la fille du prêtre Chrysès. Les Barbares reprirent ainsi courage et sortirent de la ville. Alexandre affronta Ménélas en combat singulier, mais il eut le dessous et Aphrodite l’enleva. Pandaros décocha une flèche contre Ménélas et rompit la trêve.

IV, 2, E. Diomède, au cours de ses exploits, blessa Aphrodite qui était venue porter secours à Énée, puis il affronta Glaucos ; mais, se rappelant l’amitié qui unissait leurs parents, ils échangèrent leurs armes.

IV, 2, ES. Hector défia en combat singulier le plus brave des guerriers ; nombreux sont qui se présentèrent ; le sort désigna Ajax. Il l’emportait sur Hector quand la nuit tombait, et les hérauts les séparèrent.

IV, 3. S. Les Grecs élevèrent un mur et creusèrent une tranchée pour protéger le port. Après une bataille qui eut lieu dans la plaine, les Troyens repoussèrent les Grecs jusqu’à ce mur. Alors les Grecs envoyèrent Ulysse, Phénix et Ajax en ambassade auprès d’Achille pour lui demander de revenir combattre, en lui promettant Briséis, et d’autres dons encore.

IV, 4. À la nuit tombée, Ulysse et Diomède furent envoyés pour espionner le camp troyen ; ils tuèrent Dolon, le fils d’Eumélos, et le thrace Rhésos ; allié des Troyens, ce dernier était arrivé la veille et, sans encore avoir participé à la guerre, il avait établi son campement loin des troupes troyennes et de la tente d’Hector. Ils tuèrent également douze guerriers qui dormaient près de lui, puis menèrent ses chevaux aux navires.

IV, 5. Le jour suivant, une violente bataille éclata ; Agamemnon, Diomède, Ulysse, Eurypylos et Machaon furent blessés, et les Grecs mis en déroute. Hector ouvrit une brèche dans le mur qu’il franchit ; après le retrait d’Ajax, il incendia les navires.

IV, 6. Quand Achille vit le navire de Protésilas en flammes, il envoya Patrocle commander les Myrmidons, après lui avoir fait endosser ses propres armes et donné ses chevaux. Quand ils l’aperçurent, les Troyens, le prenant pour Achille, s’enfuirent. Patrocle les pourchassa jusqu’aux murs ; il tua nombre d’entre eux, parmi lesquels Sarpédon, le fils de Zeus ; mais il fut ensuite blessé par Euphorbe avant d’être tué par Hector.

IV, 7. Une bataille acharnée éclata autour de son cadavre ; c’est à grand-peine qu’Ajax, déployant des actes de bravoure, parvint à récupérer son cadavre. Achille, renonçant à sa colère, reprit Briséis. D’Héphaïstos, il reçut une armure complète, qu’il endossa et se jeta dans la bataille. Il poursuivit les Troyens jusqu’au fleuve Scamandre ; il tua nombre d’entre eux, parmi lesquels Astéropée le fils de Pélégon, fils lui-même du fleuve Axios. Le fleuve se rua sur lui avec fureur.

IV, 8. À son tour, Héphaïstos poursuivit le fleuve et par un grand feu en assécha les eaux. Achille tua Hector en combat singulier ; il attacha ses chevilles à son char et le traîna jusqu’aux navires. Après les funérailles de Patrocle, il célébra des jeux en son honneur, et Diomède sortit vainqueur à la course de chars ; Épéos à l’épreuve du pugilat, et Ajax et Ulysse à celles de la lutte. Après ces jeux, Priam se rendit auprès d’Achille, racheta le cadavre d’Hector et lui donna une sépulture.

V, 1, E. Penthésilée, la fille d’Otrérès et d’Arès, avait tué involontairement Hippolyté, et elle avait été purifiée par Priam. Au combat, elle tua de nombreux [ennemis], et parmi eux, Machaon. Plus tard, elle mourut de la main d’Achille, lequel, après sa mort, tomba amoureux d’elle et tua Thersite qui se moquait de lui.

V, 2. Hippolyté était la mère d’Hippolyte ; on l’appelait aussi Glaucé et Mélanippé. À la cérémonie de mariage de Phèdre, Hippolyté se présenta armée, en compagnie de ses Amazones, et elle déclara qu’elle avait l’intention de tuer les hôtes de Thésée. Un combat éclata et elle mourut. C’est sa compagne Penthésilée qui la tua, sans le vouloir, ou bien Thésée ou bien encore ses compagnons : face à l’attitude des Amazones, ils se hâtèrent de refermer les portes, la neutralisèrent à l’intérieur et la tuèrent.

[V, 2, S. En pleine bataille, la fille d’Otrérès en tua de nombreux, et elle mourut de la main d’Achille.]

V, 3, E. Memnon, le fils de Tithonos (Tithon) et d’Éos, arriva à Troie à la tête d’un puissant contingent d’Éthiopiens. Il tua de nombreux Grecs, parmi lesquels Antilochos, et il mourut lui aussi de la main d’Achille. Après avoir poursuivi les Troyens, Achille fut atteint au talon, d’une flèche lancée par Alexandre (Pâris) et Apollon, aux portes Scées.

V, 4. Une bataille s’éleva autour de son cadavre. Ajax tua Glaucos, fit porter les armes d’Achille aux navires, chargea son corps sur ses épaules et l’emmena au milieu des ennemis sous une pluie de projectiles, tandis qu’Ulysse affrontait les assaillants.

V, 5, S. La mort d’Achille remplit l’armée de désespoir. Les Grecs l’ensevelirent dans l’île Blanche (Leuké), après avoir mêlé ses ossements à ceux de Patrocle. On raconte qu’après sa mort, Achille  épousa Médée aux îles des Bienheureux. Des jeux furent célébrés en son honneur : Eumélos remporta la course de chars, Diomède la course à pieds, Ajax l’épreuve du lancer du disque, Teucer celle du tir à l’arc.

V, 6, ES. Ses armes, mises en jeu, reviendraient au guerrier le plus brave,  et Ajax et Ulysse entrèrent en compétition.

V, 6, S. Le jugement fut rendu par les Troyens, mais selon certains par les alliés, qui les attribuèrent à Ulysse.

V, 6, ES. Bouleversé de chagrin, Ajax ourdit un guet-apens nocturne contre l’armée. Mais Athéna le frappa de démence et le poussa, l’épée à la main, contre les troupeaux : en proie au délire, il massacra les bêtes et les bergers, les prenant pour des Achéens.

V, 7, ES. Plus tard, sa raison revenue, il se tua. Agamemnon interdit que son corps fût brûlé : des hommes morts à Ilion, lui seul repose dans un cercueil. Sa tombe se trouve sur le promontoire Rhétée (Rhoété).

V, 8, E. La guerre durait depuis dix ans déjà, et les Grecs perdaient courage, quand Calchas prophétisa que Troie ne pourrait être conquise sans le concours de l’arc et des flèches d’Héraclès. À cette nouvelle, Ulysse, en compagnie de Diomède, se rendit auprès de Philoctète, à Lemnos ; il s’empara, par la ruse, de son arc, et le persuada de faire voile vers Troie. Philoctète, arrivé à Troie, fut guéri par Podalirios ; il tua Alexandre d’une flèche.

V, 9. Après la mort d’Alexandre, Hélénos et Déiphobe se disputèrent la main d’Hélène. Déiphobe fut élu, et Hélénos quitta Troie pour le mont Ida. Comme Calchas avait déclaré qu’Hélénos connaissait les oracles qui protégeaient la cité, Ulysse tendit un guet-apens à Hélénos, le captura et le mena dans le camp grec.

V, 10. Hélénos fut contraint de révéler de quelle manière Ilion pourrait être prise : premièrement, les os de Pélops devaient être portés dans le camp des Grecs ; deuxièmement, Néoptolème devait prendre part à la guerre ; troisièmement, le Palladion, tombé du ciel, devait être dérobé : de fait, tant que le Palladion demeurerait à Troie, la cité serait inexpugnable.

V, 11. À ces paroles, les Grecs firent venir les os de Pélops ; ils envoyèrent Ulysse et Phoenix à Scyros auprès de Lycomède, qui persuadèrent Néoptolème de quitter l’île. Arrivé dans le camp des Grecs, Néoptolème reçut d’Ulysse, qui les lui donna sans hésiter, les armes de son père avec lesquelles il tua de nombreux Troyens.

V, 12. Par la suite, Eurypylos, fils de Télèphe, se joignit aux Troyens, à la tête d’un important contingent de Mysiens. Il combattit avec courage, avant d’être tué par Néoptolème.

V, 13. Ulysse et Diomède se portèrent aux abords de la cité ; Ulysse laissa Diomède l’attendre ; après s’être infligé des blessures et recouvert de haillons, il entra incognito dans la ville comme un mendiant. Mais Hélène le reconnut. Avec son aide, il déroba le Palladion, tua de nombreuses sentinelles puis, secondé par Diomède, il porta la statue aux navires.

V, 14. Quelque temps plus tard, Ulysse eut l’idée de construire un cheval de bois, qu’il soumit à Épéios qui était architecte. Ce dernier fit couper du bois sur le mont Ida et construisit un cheval, creux à l’intérieur, avec des ouvertures sur les flancs. Ulysse persuada cinquante guerriers parmi les plus valeureux à y entrer (trois mille suivant l’auteur de la Petite Iliade), tandis que les autres, à la nuit venue, devaient mettre le feu à leurs tentes, lever l’ancre, prendre position à Ténédos et revenir par mer la nuit suivante.

V, 15. On suivit son conseil ; on fit entrer dans le Cheval les plus courageux des guerriers, aux ordres d’Ulysse. Sur le Cheval, il était écrit : « Les Grecs consacrent ce don à Athéna pour le retour dans leur patrie ». Puis ils brûlèrent leurs tentes, laissèrent Sinon à terre, qui devait allumer un feu — un signal — et, la nuit venue, ils mirent à la voile et se postèrent à Ténédos.

V, 16. À l’aube, les Troyens virent que le camp des Grecs était désert ; croyant que leurs ennemis avaient fui, remplis d’allégresse, ils tirèrent le Cheval dans leur ville, le placèrent devant le palais de Priam et délibérèrent sur ce qu’il convenait de faire.

V, 17. Cassandre soutint qu’à l’intérieur se trouvaient des guerriers armés ; le devin Laocoon était d’accord avec elle ; aussi, qui voulait le brûler, qui le jeter dans un précipice. Mais la majorité estima qu’il fallait l’épargner, comme une offrande votive à la divinité ; on se prépara donc aux sacrifices et aux festins.

V, 18. Apollon leur envoya un signe : des îles voisines arrivèrent par mer deux serpents qui dévorèrent les fils de Laocoon.

V, 19. À la nuit tombée, quand tous étaient profondément endormis, les Grecs, ayant quitté Ténédos, firent route vers Troie. De la tombe d’Achille, Sinon alluma un feu pour les guider. Hélène, tournant autour du cheval, appelait les guerriers, en imitant la voix de chacune de leurs femmes. Anticlos voulut répondre, mais Ulysse lui ferma la bouche.

V, 20. Quand ils se furent assurés que leurs ennemis étaient endormis, les Grecs ouvrirent les portes du cheval et en descendirent, armés. Échion, le fils de Porthéos, mourut le premier, en tombant [du haut] ; les autres descendirent à l’aide d’une corde, puis gagnèrent les murs, ouvrirent les portes et firent entrer leurs compagnons revenus à terre de Ténédos.

V, 21. Les Grecs en armes se répandirent dans la ville, pénétrèrent dans les maisons et tuèrent ceux qui étaient endormis. Néoptolème tua Priam qui s’était réfugié sur l’autel de Zeus erchéios.

V, 21, E. Alors que Glaucos, le fils d’Anténor, s’enfuyait vers sa maison, Ulysse et Ménélas le reconnurent et, grâce à leurs armes, lui sauvèrent la vie. Énée chargea son père sur ses épaules et se sauva ; les Grecs l’épargnèrent en raison de sa pietas.

V, 22. Après avoir tué Déiphobe, Ménélas mena Hélène aux navires ; Aethra, la mère de Thésée, y fut conduite également, par les fils de Thésée, Démophon et Acamas ; on dit d’eux qu’ils étaient venus à Troie tardivement. Ajax le Locrien aperçut Cassandre embrassant le simulacre d’Athéna ; il lui fit violence, et c’est pourquoi, dit-on, le simulacre tourne les yeux vers le ciel.

V, 23. Les Troyens ayant été tués, les Grecs mirent le feu à la ville, et se partagèrent le butin. Ils offrirent des sacrifices à tous les dieux, puis ils jetèrent Astyanax du haut des murs, et égorgèrent Polyxène sur la tombe d’Achille.

V, 24. À titre de récompense particulière, Agamemnon prit Cassandre, Néoptolème Andromaque, et Ulysse Hécube ; certains, toutefois, disent qu’Hélénos prit Hécube avec lui, et qu’avec elle il se rendit en Chersonèse ; là, Hécube se métamorphosa en chienne, et il l’ensevelit dans le lieu qu’aujourd’hui on appelle le Tombeau de la Chienne.

V, 25. Quant à Laodicé, la plus belle des filles de Priam, elle fut engloutie dans un ravin sous les yeux de tous.

V, 25, S. Troie détruite, les Grecs se disposaient à lever l’ancre, quand Calchas les retint, disant qu’Athéna était en colère contre eux, à cause de l’acte impie d’Ajax.

V, 25 (ES). Ils s’apprêtaient à tuer Ajax, mais il se réfugia sur un autel ; alors ils l’épargnèrent.

VI, 1, S. Ensuite ils se réunirent au sein d’une assemblée ; Agamemnon et Ménélas se querellèrent, car Ménélas soutenait qu’il fallait partir, alors qu’Agamemnon commandait de demeurer et d’offrir des sacrifices à Athéna.

VI, 1, (ES). Diomède, Nestor et Ménélas mirent à la voile ensemble ; les deux premiers firent un bon voyage ; Ménélas, quant à lui, fut victime d’une tempête ; il perdit tous ses navires, moins cinq avec lesquels il aborda en Égypte.

VI, 2, E. Amphilochos, Calchas, Léontéos, Podalirios et Polipoétès laissèrent les navires à Ilion ; ils se rendirent à pied à Colophon où ils enterrèrent le devin Calchas. Un oracle disait en effet que Calchas mourrait s’il rencontrait un autre devin plus fort que lui ;

VI, 3. ils reçurent de fait l’hospitalité de Mopsos, fils d’Apollon et de Mantô, qui défia Calchas dans une épreuve d’art mantique. Il y avait, dans les environs, un figuier sauvage, et Calchas demanda : « Combien de figues a-t-il ? » ; « Dix mille » répondit Mopsos « c’est-à-dire un médimne plus une ».

VI, 3, S. Calchas les compta, en trouva dix mille, c’est-à-dire l’équivalent d’un médimne plus une figue, selon la prévision de Mopsos.

VI, 4. Il y avait une truie grosse et Mopsos demanda à Calchas combien de petits elle portait dans son ventre. « Huit » répondit Calchas ; alors Mopsos sourit et dit : « L’art mantique de Calchas est bien éloigné de la précision ; moi, en revanche, qui suis fils d’Apollon et de Mantô, je possède la vision parfaite donnée par l’exactitude de la divination, et j’affirme que la truie a dans son ventre, non huit porcelets, ainsi que le déclare Calchas, mais bien neuf, et tous mâles, et qu’à coup sûr elle mettra bas demain à la sixième heure ». Cela se passa ainsi, et Calchas mourut de chagrin, et fut enterré à Notium.

VI, 5. Après avoir sacrifié, Agamemnon leva l’ancre et se dirigea vers Ténédos. Thétis  apparut et persuada Néoptolème de demeurer deux jours encore et d’accomplir des sacrifices, et il resta. Mais les autres embarquèrent et, à Ténos, ils furent victimes d’une tempête. Athéna avait en effet demandé à Zeus de provoquer une tempête contre les Grecs, et de nombreux navires sombrèrent.

VI, 6, ES. Athéna frappa d’un trait de foudre le navire d’Ajax. Son navire coula à pic, Ajax trouva refuge sur un rocher et déclara qu’il avait survécu contre la volonté d’Athéna. Mais Poséidon l’entendit, et d’un coup de trident fit éclater le rocher. Ajax tomba dans la mer et mourut, et son corps, poussé sur le rivage par le courant, fut enseveli par Thétis à Myconos.

VI, 7, ES. Les autres [Grecs] furent poussés nuitamment vers les côtes de l’Eubée ; Nauplios alluma des feux de signalement sur le promontoire Capharée ; les Grecs, imaginant qu’il s’agissait d’un de leurs compagnons qui s’était sauvé, se dirigèrent vers la lumière, mais les navires se fracassèrent contre les roches Capharées, et de nombreux hommes périrent.

VI, 8, E. Parce qu’en effet Palamède, fils de Nauplios et de Clyméné fille de Catrée, était mort lapidé à cause des machinations d’Ulysse. Quand il l’apprit, Nauplios embarqua pour rejoindre les Grecs, réclamant que la mort de son fils soit vengée.

VI, 9, E. Mais il dut rebrousser chemin sans avoir rien obtenu, car personne ne voulait s’opposer au roi Agamemnon, avec la complicité duquel Ulysse avait tué Palamède. Alors Nauplios, tout le long des côtes de la Grèce, poussa les femmes des chefs grecs à tromper leurs maris absents : Clytemnestre avec Égisthe ; Égialée avec Cométès, le fils de Sthénélos, et Méda, l’épouse d’Idoménée, avec Leucos.

VI, 10, E. Leucos par la suite la tua, en même temps que sa fille Clisithyra qui s’était réfugiée  dans un temple ; puis il souleva dix cités de Crète, et y instaura une tyrannie. Après la guerre de Troie, quand Idoménée aborda en Crète, Leucos le chassa.

VI, 11, E. Nauplios avait déjà tramé tout cela, quand il apprit que les Grecs retournaient dans leur patrie ; alors il alluma des feux au cap Capharée, celui que maintenant on appelle Xylophagos [Mangebois] : les Grecs suivirent la lumière, croyant qu’il s’agissait d’un port, et se brisèrent sur les rochers.

VI, 12, E. Néoptolème resta deux jours à Ténédos sur le conseil de Thétis, puis, en compagnie d’Hélénos, il marcha vers le pays des Molosses ; Phénix mourut en cours de route ; il l’ensevelit. Ayant combattu et vaincu les Molosses, il devint leur roi ; d’Andromaque un fils lui naquit, Molossos.

VI, 13, E. Hélénos fonda une cité en Molossie et s’y établit ; Néoptolème lui donna pour femme sa mère, Déidamie. Pélée fut chassé de Phthie par les fils d’Acaste, et mourut ; alors Néoptolème s’empara du royaume de son père.

VI, 14, E. Quand Oreste fut frappé de folie, Néoptolème enleva son épouse, Hermione, qui lui avait été promise à Troie. C’est pour cette raison qu’il fut tué à Delphes par Oreste. D’autres, toutefois, disent qu’il se rendit à Delphes pour demander à Apollon de venger la mort de son père, qu’il saccagea les offrandes et mit le feu au temple, et c’est pourquoi il fut tué par Machairéos le Phocéen.

VI, 15, E. Après de nombreuses errances, les Grecs abordèrent des territoires divers ; qui s’établit en Libye, qui en Italie ; les uns en Sicile, certains dans les îles proches de l’Ibérie, d’autres encore sur les rives du fleuve Sangarios ; et certains même s’installèrent à Chypre.

VI, 15, S. Ceux qui firent naufrage au cap Capharée furent menés tantôt ici, tantôt là : Gounéos en Libye ; Antiphos, le fils de Thessalos, en terre des Pélasges, dont il se rendit maître, et qu’il appela Thessalie ; Philoctète en Italie, chez les Campaniens. Phidippos s’établit à Andros, avec ceux de Cos ; Agapénor à Chypre, et d’autres ailleurs encore.

VI, 15, a. Apollodore et d’autres rapportent ce qui suit : Gounéos, ayant laissé ses navires,  poussa plus avant en Libye, jusqu’au fleuve Cinyps, où il s’établit. Mégès et Protoos périrent en Eubée, au cap Capharée, avec de nombreux autres compagnons. Quand Protoos fit naufrage au cap Capharée, les Magnésiens qui l’accompagnaient furent poussés vers la Crète où ils s’installèrent.

VI, 15, b. Après la destruction d’Ilion, Ménesthée, Phidippos, Antiphos et les compagnons d’Éléphénor et de Philoctète naviguèrent ensemble jusqu’au cap Mimas. Ensuite Ménesthée se rendit à Mélos, et monta sur le trône, car le roi Polyanax était mort. Antiphos, le fils de Thessalos, se rendit chez les Pélasges et, s’étant emparé de leur territoire, il l’appela Thessalie. Phidippos, avec ceux de Cos, fut entraîné jusqu’à Andros, puis à Chypre où il s’établit. Éléphénor mourut à Troie, mais ses compagnons, poussés vers la mer Ionienne, s’établirent à Apollonie, en Épire. Les compagnons de Tlépolème abordèrent en Crète, avant d’être poussés par les vents vers les îles ibériques où ils s’installèrent. Les compagnons de Protésilas furent poussés vers Pelléné[1], non loin de Canastrum. Philoctète arriva en Italie, chez les Campaniens ; il combattit les Lucaniens et s’établit à Crimissa, dans les environs de Crotone et de Thourion [Thurium] ; et, ses errances terminées, ils éleva un temple à Apollon Aléos[2], auquel il consacra aussi son arc : ainsi parle Euphorion.

VI, 15, c. Le Navaethus est un fleuve d’Italie. Selon Apollodore et les autres auteurs, on l’appela ainsi pour cette raison : après la prise de Troie, les filles de Laomédon, soeurs de Priam — Aéthylla, Astyoché et Médésicaste —, emmenées avec les autres prisonnières en cette partie de l’Italie, pour échapper à l’esclavage en Grèce mirent le feu aux navires ; c’est pourquoi le fleuve fut nommé Navaethus[3] et les femmes furent dites Nauprestides. Les navires étant perdus, les Grecs qui se trouvaient avec elles s’établirent en ce lieu.

VI, 16. C’est avec peu de navires que Démophon aborda dans le territoire des Thraces Bisaltes. Phyllis, la fille du roi, tomba amoureuse de lui ; son père la donna en mariage à Démophon, avec son royaume pour dot. Mais Démophon voulut retourner dans sa patrie ; après avoir juré, et juré encore de revenir, il partit. Phyllis l’accompagna jusqu’au lieu dit des « Neuf routes », et lui remit un coffret en lui disant qu’il contenait un objet consacré à la Mère des dieux, Rhéa, et en lui conseillant de ne pas l’ouvrir tant qu’il conserverait l’espoir de revenir auprès d’elle.

VI, 17. Démophon arriva à Chypre, et s’y établit. Le délai d’attente passé, Phyllis maudit Démophon et se tua. Démophon ouvrit le coffret : frappé de terreur, il sauta sur son cheval, s’élança à bride abattue et mourut : car le cheval fit une chute et Démophon, désarçonné, tomba sur son épée. Ses compagnons s’établirent à Chypre.

VI, 18. Podalirios se rendit à Delphes et demanda au dieu où s’établir ; l’oracle lui répondit de s’installer dans la ville où, si le ciel tombait, il ne subirait aucun dommage. Il s’établit en Chersonèse de Carie, en un lieu entouré par les montagnes sur tout le cercle de l’horizon.

VI, 19. Amphilochos, le fils d’Alcméon, qui, au dire de certains, arriva à Troie sur le tard, fut poussé par une tempête chez Mopsos. On raconte qu’ils se battirent en duel pour le royaume, et qu’ils s’entre-tuèrent.

VI, 20. C’est à la suite de bien des vicissitudes que les Locriens atteignirent leur patrie ; et trois ans plus tard, un malheur s’abattit sur la Locride. L’oracle leur répondit qu’ils devaient apaiser Athéna à Ilion, en envoyant deux vierges suppliantes, et ce, pendant mille ans. Les premières tirées au sort furent Périboéa et Cléopâtra.

VI, 21. Quand elles arrivèrent à Troie, poursuivies par les habitants, elles trouvèrent refuge dans le sanctuaire. Elles ne s’approchaient pas de la déesse ; elles balayaient et lavaient le sanctuaire ; elles ne sortaient pas du temple, elles avaient la tête rasée, elles étaient vêtues d’une tunique et marchaient pieds nus.

VI, 22. À la mort des deux premières, d’autres furent envoyées : c’est de nuit qu’elles pénétraient dans la ville, pour ne pas être tuées si elles étaient aperçues hors du sanctuaire. Plus tard, les Locriens envoyèrent aussi des nouveau-nés avec leurs nourrices. Mais après mille années, après les guerres de Phocide, les Locriens cessèrent d’envoyer des suppliantes.

VI, 23, ES. Revenu à Mycènes avec Cassandre, Agamemnon fut assassiné par Égisthe et Clytemnestre : ils lui donnèrent une tunique sans manches et sans col et, pendant qu’il l’enfilait, ils le tuèrent ; c’est ainsi qu’Égisthe régna sur Mycènes. Ils tuèrent aussi Cassandre.

VI, 24, ES. Mais une des filles d’Agamemnon, Électre, enleva son frère Oreste ; elle le confia ensuite au Phocéen Strophios afin qu’il l’élève ; il l’éleva avec son fils, Pylade. Devenu grand, Oreste se rendit à Delphes et demanda au dieu s’il pouvait châtier les assassins de son père.

VI, 25, ES. Le dieu y consentit. Oreste gagna secrètement Mycènes en compagnie de Pylade, et tua Égisthe et sa mère. Peu de temps après, il fut frappé de folie. Persécuté par les Érinyes, il arriva à Athènes où, jugé sur l’Aréopage, il fut absous.

VI, 25, S. Suivant les traditions, le jugement fut rendu par les Érinyes, par Tyndare, par Érigoné, la fille d’Égisthe et de Clytemnestre. À égalité des voix, il fut absous.

VI, 26, ES. Quand il voulut savoir comment il pourrait se délivrer de sa folie, le dieu lui répondit qu’il guérirait s’il s’emparait de la statue en bois qui se trouvait chez les Taures.

VI, 26, S. Les Taures sont un peuple scythe ; ils tuent les étrangers et les jettent dans le feu sacré qui brûle dans leur temple, et qui monte des Enfers à travers une roche.

VI, 27, ES. Arrivé en Tauride, avec Pylade, Oreste fut découvert, capturé et mené enchaîné devant le roi Thoas, qui les envoya tous deux auprès de la prêtresse. Mais sa soeur, qui officiait en tant que prêtresse chez les Taures, le reconnut ; Oreste s’enfuit en sa compagnie, après avoir volé la statue en bois.

VI, 27, S. Elle fut portée à Athènes où, à présent, elle est appelée [Artémis] Tauropole. Mais certains disent qu’Oreste fut poussé par une tempête sur l’île de Rhodes […] et que la statue, sur la foi d’un oracle, fut consacrée sur un mur de fortification.

VI, 28, E. De retour à Mycènes, Oreste donna sa soeur Électre pour femme à Pylade ; lui épousa Hermione — Érigoné suivant une autre tradition ; il eut un fils, Tisaménos. Il mourut à Oresthée, en Arcadie, des suites d’une morsûre de serpent.

VI, 29, ES. Ménélas, à la tête de ses cinq navires, aborda au cap Sounion, en Attique. Mais, de nouveau, les vents le poussèrent vers la Crète ; il erra longtemps encore, entre la Libye et la Phénicie, entre Chypre et l’Égypte, et il amassa de grandes richesses.

VI, 30. ES. Certains disent qu’il retrouva Hélène à la cour de Protée, le roi d’Égypte ; jusqu’alors en effet, Ménélas n’avait eu avec lui qu’un simulacre [d’Hélène], fait de nuées. Après avoir erré huit années durant, il aborda à Mycènes ; il y trouva Oreste qui avait déjà vengé le meurtre de son père. De retour à Sparte, il reconquit son royaume.

VI, 30. S. La déesse Héra le rendit immortel ; il s’en alla vivre aux Champs Élysées avec Hélène.

VII, 1. Au dire de certains, Ulysse erra au large de la Libye ; d’autres disent vers la Sicile, d’autres encore vers l’Océan, ou peut-être encore dans la mer Tyrrhénienne.

VII, 2. Ayant quitté Ilion, il aborda à Ismaros, la ville des Cicones, dont il s’empara par la force et qu’il mit à sac, épargnant seulement Maron qui était le prêtre d’Apollon. Quand les Cicones, qui habitaient à l’intérieur des terres, vinrent à l’apprendre, ils prirent les armes contre lui ; il s’enfuit par la mer, après avoir perdu six hommes par navire.

VII, 3. Il débarqua dans le pays des Lotophages et envoya quelques-uns de ses compagnons en éclaireurs. Mais ils goûtèrent au loto, et demeurèrent là où ils étaient. Car en ce pays poussait un fruit très doux, nommé loto, qui faisait perdre la mémoire à celui qui le mangeait. Quand il apprit cela, Ulysse retint ses autres compagnons, et ramena de force aux navires ceux qui avaient mangé du loto. Il leva l’ancre et arriva au pays des Cyclopes.

VII, 4. Ayant laissé tous ses autres navires près d’une île voisine, c’est avec un seul qu’il gagna la terre des Cyclopes ; il y débarqua en compagnie de douze hommes. Non loin de la mer se trouvait une caverne ; Ulysse y pénétra, avec une outre du vin que lui avait donné Maron. C’était la caverne de Polyphème, fils de Poséidon et de la nymphe Thoosa, un géant sauvage et cannibale, qui avait un oeil unique au milieu du front.

VII, 5. Ils allumèrent un feu, sacrifièrent des chevreaux et mangèrent à volonté. C’est alors qu’arriva le Cyclope ; il poussa ses brebis à l’intérieur de la caverne, dont il ferma l’entrée par un énorme rocher ; apercevant  des hommes, il mangea quelques-uns d’entre eux.

VII, 6. Alors Ulysse lui donna à boire un peu du vin de Maron ; il but et en redemanda ; et quand il eut bu, il demanda à Ulysse comment il s’appelait. Ulysse lui répondit qu’il s’appelait Personne. Polyphème répondit qu’il mangerait Personne après tous les autres, que c’était là l’hospitalité qu’il lui offrait en échange. Puis, vaincu par l’ivresse, il s’endormit.

VII, 7. C’est alors qu’Ulysse trouva par terre un bâton ; il l’aiguisa avec l’aide de quatre de ses compagnons, en fit durcir la pointe au feu et aveugla le Cyclope. Polyphème hurla, et appela à son secours tous les autres cyclopes des environs. Ils arrivèrent et lui demandèrent qui lui faisait mal ; « Personne ! » répondit-il. Persuadés que personne ne lui faisait du mal, ils s’en allèrent.

VII, 8. Quand son troupeau bêla pour aller au pâturage, Polyphème ouvrit la porte de la caverne, mais il resta sur le seuil et, les mains tendues, il tâtait toutes ses bêtes. Ulysse attacha ensemble trois moutons, et se glissa sous le ventre du plus gros ; ainsi il put sortir caché au milieu du troupeau. Puis il libéra ses compagnons des liens qui les maintenaient aux moutons, poussa ces derniers vers les navires et, tandis qu’il prenait le large, il cria au cyclope qu’il était Ulysse et qu’ils avaient réussi à lui échapper.

VII, 9. Un devin[4] avait dit au cyclope qu’il serait aveuglé par Ulysse ; quand il entendit ce nom, il saisit des rochers énormes qu’il jeta dans la mer. Le navire les évita de justesse. C’est depuis lors que la colère de Poséidon poursuivit Ulysse.

VII, 10. Ayant repris la mer avec toute sa flotte, Ulysse atteignit les Îles éoliennes, dont Éole était le roi. Zeus lui avait confié la maîtrise des vents, qu’il pouvait apaiser et déchaîner. Le roi accorda l’hospitalité à Ulysse, et lui donna une outre de cuir, dans laquelle il avait renfermé les vents. Après lui avoir indiqué quels vents seraient propices à sa navigation, il fit lier l’outre à son navire. Ainsi Ulysse, grâce aux vents favorables, eut une navigation heureuse. Quand il fut proche d’Ithaque, que déjà il apercevait la fumée s’élever des toits des maisons, il s’endormit.

VII, 11. Mais ses compagnons, imaginant qu’il y avait de l’or dans l’outre, l’ouvrirent, libérant ainsi tous les vents : ils furent à nouveau repoussés loin des côtes, vers la haute mer. Ulysse revint auprès d’Éole et le pria de lui offrir une fois encore un vent favorable. Mais le roi le chassa de son île, en lui disant que les dieux lui étaient contraires, et qu’il ne pouvait rien faire pour le sauver.

VII, 12. Ulysse reprit la mer ; il arriva dans le pays des Lestrygons et amarra son navire loin du port. Les Lestrygons étaient cannibales et leur roi était Antiphatès. Ulysse, qui souhaitait savoir qui étaient les habitants, envoya des hommes pour s’informer. La fille du roi les rencontra et les mena auprès de son père.

VII, 13. Celui-ci se saisit de l’un d’eux, et le dévora ; les autres s’enfuirent. Le roi les poursuivit, en criant et en appelant à lui les Lestrygons. Ils parvinrent jusqu’au bord de la mer ; en jetant des pierres, ils brisèrent les navires et mangèrent les hommes. Ulysse coupa le cordage de son navire et mit à la voile ; les autres navires furent perdus, corps et biens.

VII, 14. C’est avec un seul navire qu’Ulysse aborda l’île d’Ééa. Circé y vivait, fille d’Hélios [le Soleil] et de Persès, et soeur d’Éétès ; elle connaissait toutes les magies. Ulysse divisa ses hommes en deux groupes, et le sort voulut qu’il reste à garder le navire, tandis qu’Euryloque, avec vingt-deux compagnons, se rendit auprès de Circé.

VII, 15. Elle les invita tous à entrer, mais Euryloque resta dehors. Elle offrit à chacun une boisson à base de fromage, de miel, de farine et de vin, à laquelle elle avait mélangé une drogue. Quand ils eurent bu, elle les toucha de sa baguette magique et les métamorphosa, qui en loups, qui en porcs, qui en ânes, qui en lions.

VII, 16. Mais Euryloque fut témoin de la scène, et il alla tout raconter à Ulysse. Ulysse se rendit chez Circé, avec le moly qu’Hermès lui avait donné. Il plongea le moly dans le breuvage, et seul il ne fut pas victime de l’enchantement. Alors il dégaina son épée et voulut tuer Circé ; mais elle apaisa sa colère, et redonna à ses compagnons leur aspect humain. Ulysse lui fit jurer de ne leur faire aucun mal ; puis il s’unit d’amour avec elle. Il eut un fils, Télégonos.

VII, 17. Il demeura une année dans l’île, puis il parcourut l’océan. Il offrit des sacrifices aux âmes des morts ; sur le conseil de Circé, il interrogea le devin Tirésias ; il vit les âmes des héros et des héroïnes[5] ; il vit aussi sa mère Anticlée, et Elpénor qui avait trouvé la mort dans la maison de Circé, à la suite d’une chute.

VII, 18. Il revint auprès de Circé, puis il mit à la voile, cap sur l’île des Sirènes. Filles d’Achéloos et d’une des Muses, Melpomène, les Sirènes s’appelaient Pisinoé, Aglaopé, Thelxiepia. L’une jouait de la lyre, une autre chantait, et l’autre jouait de la flûte ; grâce à quoi elles persuadaient les navigateurs de s’arrêter. De la taille aux pieds,  elles avaient l’aspect d’oiseaux.

VII, 19. Quand il passa devant elles, Ulysse voulut entendre leur chant ; suivant le conseil de Circé, il boucha les oreilles de ses compagnons avec de la cire, après quoi, il se fit attacher au mât. Comme le chant des Sirènes le persuadait de s’arrêter, il supplia ses compagnons de le détacher ; mais ils resserrèrent ses liens, et ainsi il put poursuivre sa route. Une prophétie disait que les Sirènes mourraient si un navire passaient devant elles sans s’arrêter ; de fait, elles périrent.

VII, 20. Ensuite, Ulysse parvint à une bifurcation : d’un côté les Planctes[6], et de l’autre deux énormes rochers : sur l’un se trouvait Scylla, fille de Crataeis et de Triénus ou bien de Phorcys, au visage et à la poitrine de femme, et qui avait, à partir des flancs, six têtes et douze pattes de chiens ;

VII, 21. sur l’autre il y avait Charybde qui, trois fois par jour, avalait l’eau et la rejetait. Sur le conseil de Circé, il évita de passer près des Planctes. Il longea le rocher de Scylla, tout armé à l’avant du navire. Scylla apparut, se saisit de six de ses compagnons, et les dévora.

VII, 22. Ensuite Ulysse atteignit Trinacrie, l’île d’Hélios où paissaient ses vaches. Comme le temps n’était pas propice à la navigation, il s’y arrêta. Mais, comme ils manquaient de vivres, ses compagnons tuèrent quelques vaches et les mangèrent. Hélios le rapporta à Zeus et, quand Ulysse mit à la voile, Zeus envoya une foudre contre lui.

VII, 23. Le navire fut détruit. Ulysse, cramponné au grand-mât, parvint près de Charybde. Quand Charybde eut avalé le mât, il s’agrippa à un figuier sauvage qui surplombait le rocher, et attendit. Et quand il vit le mât de nouveau rejeté, il se jeta dessus et il arriva dans l’île Ogygie.

VII, 24. Calypso, la fille d’Atlas, l’y accueillit ; elle coucha avec lui, et lui donna un fils, Latinos. Ulysse demeura cinq ans auprès d’elle, puis il se fabriqua un radeau et reprit la mer. Mais au large le radeau fut mis en pièces par la colère de Poséidon, et Ulysse fut jeté nu sur la terre des Phéaciens.

VII, 25. La fille du roi des Phéaciens, Nausicaa, qui était en train de laver les vêtements, entendit ses supplications : elle le mena chez son père, qui l’accueillit, lui offrit des présents et le renvoya dans sa patrie avec une escorte. Mais Poséidon, irrité contre les Phéaciens, pétrifia le navire et recouvrit leur cité d’une montagne.

VII, 26. Quand il arriva dans sa patrie, Ulysse trouva sa maison dévastée. Le croyant mort, de nombreux prétendants aspiraient à épouser Pénélope.

VII, 27. Cinquante-sept[7] étaient venus de Doulichion : Amphinomos, Thoas, Démoptolème, Amphimaque, Euryale, Paralos, Événoridès, Clytios, Agénor, Eurypylos, Pylaeménès, Acamas, Thersilochos, Hagios, Clyménos, Philodémos, Méneptolème, Damastor, Bias, Telmios, Polyidos, Astylochos, Schédios, Antigonos, Marpsios, Iphidamas, Argios, Glaucos, Calydonéos, Échion, Lamas, Andraemon, Agérochos, Médon, Agrios, Promos, Ctésios, Acarnan, Cycnos, Pséras, Hellanicos, Périphron, Mégasthénès, Thrasymède, Orménios, Diopithès, Mécistée, Antimachos, Ptolémaeos, Lestoridès, Nicomachos, Polypoétès, Céraos.

VII, 28. De Samé, vingt-trois : Agélaos, Pisandre, Élatos, Ctésippos, Hippodochos, Eurystratos, Archémolos, Ithacos, Pisénor, Hypérénor, Phéroétès, Antisthénès, Cerbéros, Périmède, Cynnos, Thriasos, Étéonéos, Clytios, Prothoos, Lycaéthos, Eumélos, Itanos, Lyammos.

VII, 29. De Zacynthe, quarante-quatre[8] : Eurylochos, Laomédès, Molébos, Phrénios, Indios, Minis, Liocritos, Pronomos, Nisas, Daemon, Archestratos, Hippomachos, Euryale, Périallos, Événoridès, Clytios, Agénor, Polybos, Polydoros, Thadytios, Stratios, Phrénios, Indios, Daesénor, Laomédon, Laodicos, Halios, Magnès, Oloétrochos, Barthas, Théophron, Nissaeos, Alcarops, Périclymène, Anténor, Pellas, Celtos, Périphas, Orménos, Polybos, Andromédès.

VII, 30. D’Ithaque, douze : Antinoos, Pronoos, Liodès, Eurynomos, Amphimachos, Amphialos, Promachos, Amphimédon, Aristratos, Hélénos, Doulichéos, Ctésippos[9].

VII, 31. Ils s’étaient installés dans le palais d’Ulysse, et ils ruinaient son bétail dans leurs festins. Pénélope fut contrainte de promettre qu’elle se choisirait un nouveau mari, lorsqu’elle aurait fini de tisser le suaire de Laërte ; cela faisait maintenant trois années qu’elle tissait, car ce qu’elle tissait pendant la journée, elle le défaisait la nuit venue. C’est ainsi que les Prétendants furent trompés par Pénélope, jusqu’à ce qu’elle fût démasquée.

VII, 32. Ayant appris ce qui se passait chez lui, Ulysse, déguisé en mendiant, alla trouver Eumée. Il se fit connaître de Télémaque, et entra dans la ville. En chemin, ils rencontrèrent le chevrier Mélanthios, l’un des serviteurs, qui les traita avec mépris. Une fois au palais, Ulysse mendia sa nourriture auprès des Prétendants ; croisant un mendiant nommé Iros, il se battit avec lui. Ensuite il révéla à Eumée et à Philoetios son identité ; avec eux et Télémaque, il mit au point un plan contre les Prétendants.

VII, 33. Pénélope donna aux Prétendants l’arc d’Ulysse, que lui avait jadis offert Iphitos, et elle déclara qu’elle épouserait celui qui arriverait à le tendre. Nul n’y parvint. Alors Ulysse, ayant reçu l’arc, tua les Prétendants avec ses flèches, secondé par Eumée, Philoetios et Télémaque. Il tua aussi Mélanthios ainsi que les servantes qui couchaient avec les Prétendants. Puis il se fit reconnaître de sa femme et de son père.

VII, 34. Après avoir sacrifié à Hadès, Perséphone et Tirésias, Ulysse traversa l’Épire à pied. Il arriva en Thesprotie, où, suivant en cela la prophétie de Tirésias, il offrit des sacrifices à Poséidon pour apaiser sa colère. Callidicé régnait alors sur les Thesprotes ; elle le supplia de rester et lui offrit son royaume. Ils eurent un fils, Polypoétès.

VII, 35. Après son union avec Callidicé, Ulysse régna sur les Thesprotes et vainquit les peuples voisins qui lui avaient fait la guerre. À la mort de Callidicé, Ulysse laissa le trône à son fils et revint à Ithaque. Il vit que Pénélope lui avait donné un autre fils, Poliporthès.

VII, 36. Télégonos, ayant appris de Circé qu’il était le fils d’Ulysse, s’embarqua à la recherche de son père. Arrivé à Ithaque, il pilla le bétail d’Ulysse ; celui-ci intervint pour défendre son troupeau, et Télégonos le blessa de la lance qu’il tenait à la main, dont la pointe se terminait par un piquant de raie. Ulysse mourut.

VII, 37. Quand il eut reconnu son père, après l’avoir longtemps pleuré, Télégonos transporta son corps auprès de Circé ; il y mena aussi Pénélope qu’il épousa. Circé les envoya tous deux dans l’Île des Bienheureux.

VII, 38. Certains disent que Pénélope fut séduite par Antinoos, et qu’Ulysse la renvoya chez son père Icarios. Arrivée en Arcadie, à Mantinée, d’Hermès elle aurait eu un fils, Pan.

VII, 39. D’autres disent qu’Ulysse lui-même la tua, parce qu’elle s’était laissé séduire par Amphinomos.

VII, 40. On raconte aussi qu’Ulysse, accusé par ses propres serviteurs pour ses crimes, choisit Néoptolème comme juge, qui régnait sur les îles au large de l’Épire. Et Néoptolème, imaginant qu’il se rendrait facilement maître de la Céphallénie, une fois Ulysse éloigné, condamna ce dernier à l’exil. Alors Ulysse se rendit en Étolie, auprès du roi Thoas, le fils d’Andraemon. Il épousa la fille du roi, qui lui donna un fils, Léontophonos ; il mourut à un âge avancé.

FIN


[1] Pelléné ou Pallène, en Macédoine.

[2] L’Errant, le Vagabond.

[3] Formé de deux mots grecs « navire » et « brûlé ».

[4] Ce devin s’appelle Télémos (Belfiore, Dictionnaire de mythologie grecque et romaine, Larousse 2003)

[5] Ulysse est descendu aux Enfers.

[6] Roches errantes cf. Homère, Odyssée, (XII, 61).

[7] Apollodore en cite cinquante-trois.

[8] Apollodore en cite quarante et un.

[9] La graphie à adopter est toutjours un peu casse-tête : pourquoi, par exemple, Philodémos (et non Philodème) alors que juste à côté il y a Méneptolème (et non Méneptolémos) ? Les exemples sont innombrables (Antigon/e/os ; Pisandr/e/os ; Polyb/e/os, etc.). J’ai retranscrit ici la graphie du Dictionnaire de mythologie grecque et romaine (Jean-Claude Belfiore, Larousse, 2003), article Prétendants, page 531.