La Bibliothèque d'APOLLODORE d'Athènes

Livre I

Traduction Ugo Bratelli, juin 2001

I, 1, 1. Le premier à étendre sa domination sur le monde fut Ouranos. Il épousa Gaia, et leurs premiers enfants furent les Centimanes [1] , Briarée, Gyès et Cottos. Nul n’était plus grands ou plus forts qu’eux, et chacun d’eux avait cent bras et cinquante têtes.

I, 1, 2. Après eux, d’Ouranos Gaia enfanta  les Cyclopes, Argès, Stéropès et Brontès, qui avaient un seul oeil au milieu du front. Mais Ouranos enchaîna ses propres enfants et les jeta dans le Tartare (la région ténébreuse au fond de l’Hadès, aussi loin de la surface de la terre que la terre l’est du ciel).

I, 1, 3. Naquirent ensuite les Titans, Océan, Coéos, Hypérion, Japet, et Cronos le plus jeune. Et leurs soeurs furent elles aussi appelées Titanides : Thétis, Rhéa, Mnémosyne, Phoebé, Dioné et Thya.

I, 1, 4. Mais Gaia souffrait beaucoup à cause de la perte de ses fils précipités dans le Tartare ; c’est pourquoi elle persuada les Titans d’attaquer leur père : puis, comme arme, elle donna à Cronos une faucille d’acier. Ils l’assaillirent tous ensemble, sauf Océan. Cronos coupa les parties génitales de son père et les jeta dans la mer ; du sang gicla, et des gouttes naquirent les Érinyes : Alecto, Tisiphone et Mégère. Ainsi les Titans détrônisèrent-ils leur père. Ils ramenèrent à la lumière leurs frères emprisonnés dans le Tartare, et confièrent le pouvoir à Cronos.

I, 1, 5. Mais la première mesure de Cronos fut d’enfermer de nouveau tous ses frères dans le Tartare ; après quoi, il épousa sa soeur, Rhéa. Gaia et Ouranos, cependant, lui avaient fait une prophétie : qu’un fils lui naîtrait qui lui arracherait le pouvoir. Aussi, dès qu’un de ses enfants naissait, Cronos, aussitôt, l’avalait. La première à naître — et à être avalée — fut Hestia ; puis Déméter et Héra, et enfin Hadès et Poséidon.

I, 1, 6. Furieuse, Rhéa s’enfuit en Crète : elle était enceinte de Zeus, et c’est justement en Crète qu’elle le mit au monde, dans une caverne du mont Dicté. Puis elle le confia aux Curètes et aux Nymphes Adrastée et Idas, les filles de Mélissé.

I, 1, 7. Elles nourrirent l’enfant avec le lait d’Amalthée, alors que les Curètes, en armes, surveillaient le nouveau-né à l’intérieur de la caverne, en frappant fortement leurs lances contre leurs boucliers, afin que cette clameur empêchât Cronos d’entendre les vagissements de son fils. Entre-temps, Rhéa enveloppa une pierre dans des langes, et elle la présenta à Cronos : et celui-ci, imaginant bien qu’il s’agissait du dernier né, l’engloutit.

I, 2, 1. Zeus était désormais devenu grand. Alors il demanda à Métis, la fille d’Océan, de l’aider dans son entreprise : Métis donna à boire à Cronos un puissant médicament qui le contraignit à vomir d’abord la pierre, puis, à la suite, tous ses enfants qu’il avait avalés. Avec eux, Zeus fit la guerre à Cronos et aux Titans. Ils combattaient depuis dix ans quand Gaia prédit à Zeus qu’il vaincrait bientôt, s’il prenait comme alliés ceux qui avaient été emprisonnés dans le Tartare. Alors Zeus tua Campé, leur gardienne, et ainsi parvint-il à libérer les captifs de leurs chaînes. Ce fut en cette occasion que les Cyclopes fournirent à Zeus le tonnerre et la foudre et les traits de foudre ; à Hadès, ils donnèrent le casque qui rend invisible, et à Poséidon le trident. Ainsi équipés, ils vainquirent aisément les Titans ; puis ils les emprisonnèrent dans le Tartare, sous la garde des Centimanes. Zeus, Hadès et Poséidon se partagèrent le pouvoir ; à Zeus revint le royaume du ciel ; à Poséidon celui de la mer, et à Hadès celui des Enfers.

I, 2, 2. Les Titans eurent de nombreux enfants. D’Océan et de Téthys naquirent les Océanides : Asia, Styx, Électre, Doris, Eurynomé, Amphitrite et Métis ; de Coéos et de Phoebé naquirent Astérie et Léto ; Hypérion et Thya eurent Éos, Hélios et Séléné. De Crios et d’Eurybie — la fille de Pontos [la Mer] — naquirent Astrée, Pallas et Persès ;

I, 2, 3. Japet et Asie eurent Atlas (celui qui soutient la voûte du ciel sur ses épaules), Prométhée, Épiméthée et Ménoetios : ce dernier fut foudroyé par Zeus pendant la guerre contre les Titans, et précipités dans le Tartare.

I, 2, 4. De Cronos et de Philyra naquit Chiron, le Centaure mi-homme mi-cheval ; et d’Éos et d’Astrée naquirent les vents et les astres. De Persès et d’Astérie naquit Hécate ; de Pallas et de Styx naquirent Niké [la Victoire], Cratos [la Force], Zélos [l’Émulation], et Bias [la Violence].

I, 2, 5. Zeus, ensuite, institua comme solennel le serment sur l’eau du Styx, qui coule d’une roche du Tartare : cet honneur lui fut donné en récompense pour l’aide que Styx lui avait apportée, avec ses enfants, dans la guerre contre les Titans.

I, 2, 6. De Gaia et de Pontos naquirent Phorcos, Thaumas, Nérée, Eurybie et Cétos. De Thaumas et d’Électre naquirent Iris et les Harpyes, Aéllos et Ocypété. Phorcos et Cétos eurent les Phorcydes et les Gorgones, dont nous reparlerons dans le récit des aventures de Persée.

I, 2, 7. De Nérée et de Doris naquirent les Néréides. Voici leurs noms : Cymothoé, Spéio, Glauconomé, Nausithoé, Halié, Érato, Sao, Amphitrite, Eunicé, Thétis, Euliméné, Eunice, Agavé, Eudore, Doto, Phérusa, Galatée, Actéa, Pontoméduse, Hippothoé, Lysianassa, Cymo, Eioné, Halimédé, Plexaure, Eucrante, Proto, Calypso, Panope, Cranto, Néoméris, Hipponoé, Ianira, Polynomé, Autonoé, Mélité, Dioné, Nésaea, Déro, Évagoré, Psamathé, Eumolpe, Ione, Dynamene, Ceto et Limnoria.

I, 3, 1. Zeus épousa Héra, avec laquelle il eut Hébé, Ilithyie et Arès. Mais il s’unit aussi avec beaucoup d’autres femmes, mortelles et immortelles. Avec Thémis, la fille d’Ouranos, Zeus engendra les Saisons — Eirênê [la Paix], Eunomie [l’Ordre] et Dikè [la Justice] —, et les Moires : Clothô, Lachésis et Atropos. De Dioné, il eut Aphrodite, et d’Eurynomé, fille d’Océan, il eut les Grâces — Aglaé, Euphrosyne et Thalie. De Styx il eut Perséphone, et de Mnémosyne, il eut les Muses : d’abord Calliope, puis Clio, Melpomène, Euterpe, Érato, Terpsichore, Uranie, Thalie et Polymnie.

I, 3, 2. De Calliope et d’Oeagre (ou peut-être d’Apollon, c’est la version la plus répandue) naquirent Linos, qui fut ensuite tué par Héraclès, et Orphée, le grand musicien : avec son chant il savait émouvoir même les pierres, même les arbres. Un jour, son épouse Eurydice fut mordue par un serpent, et mourut ; alors Orphée descendit dans les Enfers, décidé à la récupérer, et il persuada Hadès de la renvoyer sur terre. Le dieu posa une condition à sa promesse : sur le chemin du retour, Orphée ne devrait jamais se retourner pour regarder son épouse avant d’arriver chez lui. Mais Orphée désobéit : il se retourna, regarda Eurydice et elle dut redescendre aux Enfers. Orphée fut le fondateur des Mystères de Dionysos. Les Ménades le tuèrent, et le mirent en pièces, puis il fut enseveli en Piérie.

I, 3, 3. Clio tomba amoureuse de Piéros, le fils de Magnétès : c’était la vengeance d’Aphrodite, pour le mépris avec lequel Clio avait parlé de son amour pour Adonis. La Muse, donc, s’unit à Piéros, dont elle eut Hyacinthos : Thamyris, le fils de Philammon et de la Nymphe Argiopé, tomba amoureux de lui, et c’est ainsi que naquit pour la première fois l’amour homosexuel. Apollon, lui aussi ensuite, tomba amoureux de Hyacinthos. Mais un jour, en lançant un disque, involontairement il le tua. Thamyris était d’une beauté exceptionnelle, et jouait de la lyre à la perfection, si bien d’ailleurs qu’il osa défier les Muses dans une compétition musicale. Les conditions étaient les suivantes : si Thamyris était vainqueur, il pourrait faire l’amour avec toutes les muses ; si au contraire il perdait, elles pourraient lui ôter ce qu’elles voulaient. Naturellement les muses se montrèrent supérieures, sans conteste. Et elles enlevèrent à Thamyris et la vue et l’art de la lyre.

I, 3, 4. Euterpe s’unit au fleuve Strymon, et de lui elle eut Rhésos, qui fut ensuite tué par Diomède à Troie ; mais il y en a qui disent qu'il naquit de Calliope. De Thalie et d’Apollon naquirent les Corybantes, et de Melpomène et d’Achéloos les Sirènes, dont nous reparlerons dans le récit des aventures d’Ulysse.

I, 3, 5. Héra engendra Héphaïstos sans aucun rapport sexuel. Homère soutient au contraire qu’Héphaïstos est aussi le fils de Zeus. Ce fut précisément Zeus qui le jeta du haut du ciel, la fois où Héphaïstos chercha à aider Héra qui était enchaînée. Zeus l’avait suspendue en dehors de l’Olympe, parce qu’elle avait osé provoquer une tempête contre Héraclès, alors qu’il naviguait à la conquête de Troie. Héphaïstos tomba sur l’île de Lemnos et en resta boiteux ; mais Thétis le sauva.

I, 3, 6. Zeus s’unit aussi avec Métis, qui avait tenté de lui échapper en prenant sans arrêt des formes diverses, mais en vain. Quand elle fut enceinte, Zeus, par la ruse, l’avala, avant qu’elle ne puisse accoucher. On avait en effet prédit qu’elle aurait une fille ; mais si après elle avait accouché de nouveau, ce serait un garçon destiné à devenir le maître du Ciel. À cause de cette crainte, Zeus avait avalé Métis ; et quand arriva le moment de la délivrance, il ordonna à Prométhée de lui frapper la tête avec sa hache (d’autres disent au contraire que ce fut Héphaïstos qui le fit) : et hors de la tête de Zeus bondit Athéna, toute armée, là, sur les rives du fleuve Triton.

I, 4, 1. Parmi les filles de Coéos, l’une d’elle, Astérie, pour échapper aux ardeurs amoureuses de Zeus, se transforma en caille et se jeta dans la mer. D’elle naquit une ville, qui prit son nom, Astérie ; par la suite, elle fut appelée Délos. Léto, au temps où Héra la chassait de toutes les terres à cause de son amour pour Zeus, un jour arriva à Délos, et finalement put accoucher d’Artémis. Artémis elle-même, ensuite, fit office de sage-femme, et Léto accoucha aussi d’Apollon.

Artémis se consacra à l’art de la chasse, et elle voulut rester vierge. Apollon, quant à lui, apprit l’art de la prophétie de Pan, le fils de Zeus et de Timbréos, et il se rendit à Delphes, où, à cette époque, Thémis rendait des oracles. Mais le serpent Python, qui gardait l’oracle, l’empêcha de s’approcher des fissures par lesquelles s’exhalaient les prophéties : alors Apollon le tua, et il se rendit maître de l’oracle. Peu de temps après, il tua aussi Tityos, né de Zeus et d’Élara, la fille d’Orchoménos. Zeus, par crainte d’Héra, après avoir séduit la jeune fille, l’avait cachée sous la terre, et avait amené à la lumière l’enfant dont Élara était enceinte, un géant énorme du nom de Tityos. Alors que Léto se rendait à Pytho, Tityos la vit et, saisi d’une frénésie terrible, il chercha à la violer ; elle appela ses enfants à l’aide, et aussitôt ils le tuèrent avec leurs flèches. Tityos fut aussi puni après sa mort : au fond de l’Hadès, de fait, son coeur est éternellement dévoré par des vautours.

I, 4, 2. Apollon tua aussi Marsyas, le fils d’Olympos. Marsyas avait retrouvé la flûte qu’Athéna avait jeté parce que, disait-elle, en jouer lui déformait le visage. Le jeune homme entra en compétition musicale avec Apollon : les conditions étaient ainsi posées : le vainqueur ferait ce que bon lui semblerait du vaincu. Le concours eut lieu. Apollon joua de la lyre à l’envers et mit au défi Marsyas d’en faire autant avec son instrument. Mais cela était vraiment impossible. Ainsi Apollon sortit vainqueur, il suspendit Marsyas à un pin élevé, puis il le tua en l’écorchant vif.

I, 4, 3. Artémis, de son côté, tua Orion à Délos. On dit de lui qu’il fut d’une stature gigantesque, parce que né de la terre. Mais Phérécyde soutient qu’il fut le fils de Poséidon et d’Euryalé. Quoi qu’il en soit, il avait reçu de Poséidon le don de pouvoir marcher sur les eaux. Sa première épouse fut Sidé, qu’Héra jeta dans l’Hadès parce qu’elle avait osé rivaliser avec elle en beauté. Un jour, Orion arriva à Chios et demanda la main de Méropé, la fille d’Oenopion. Oenopion l’enivra, et, tandis qu’il était assoupi, l’aveugla, puis le jeta sur une plage. Alors Orion se rendit à l’atelier d’Héphaïstos, enleva l’un de ses ouvriers, le mit sur son dos et lui ordonna de guider ses pas vers le lieu où le soleil se lève. Arrivé là, les rayons du soleil lui redonnèrent la vue ; puis Orion courut à toute vitesse chez Oenopion.

I, 4, 4. Poséidon, entre-temps, avait fait construire par Héphaïstos un refuge souterrain pour Oenopion. Éos tomba amoureuse d’Orion ; elle l’enleva et l’amena à Délos : c’était la vengeance d’Aphrodite, qui obligeait Éos à être éternellement amoureuse, parce qu’elle avait osé coucher avec Arès.

I, 4, 5. Certains disent qu’Orion mourut pour avoir défié Artémis dans un concours du lancer de disque ; d’autres disent cependant qu’il viola Opis, une des jeunes filles venues du pays des Hyperboréens, et Artémis le tua avec ses flèches.

Poséidon épousa Amphitrite, la fille d’Océan, et de leur union naquirent Triton, et Rhodos qui devint l’épouse d’Hélios.

I, 5, 1. Hadès tomba amoureux de Perséphone, et, avec la complicité de Zeus, il l’enleva en secret. Mais sa mère, Déméter, des flambeaux à la main, la chercha nuit et jour, errant par la terre entière, jusqu’au moment où elle apprit, par des habitants d’Hermion, qu’Hadès l’avait enlevée. Alors, pleine de colère à l’égards de tous les dieux, elle abandonna le ciel, se vêtit comme une femme ordinaire et se rendit à Éleusis. À peine arrivée, elle s’assit sur cette pierre qui fut ensuite appelée « Sans sourire » — précisément en souvenir de son histoire —, non loin du puits de Callichoros. Puis elle se rendit chez Céléos qui était alors roi d’Éleusis. Il y avait de nombreuses femmes dans son palais. Elles l’invitèrent à prendre place parmi elles, et une vieille, qui s’appelait Iambé, réussit, avec ses plaisanteries, à faire sourire la déesse. C’est là l’origine, dit-on, de toutes les farces irrévérencieuses des femmes lors de la fête des Thesmophories.

Métanire, l’épouse de Céléos, avait un enfant, et elle le confia à Déméter pour qu’elle l’élève. La déesse voulait le rendre immortel. Aussi, de nuit, elle le jetait dans le feu, pour le dépouiller de son enveloppe périssable. Le jour, ensuite, Démophon, — ainsi s’appelait l’enfant — grandissait de façon prodigieuse : mais Métanire épia toute la scène ; elle vit que l’enfant brûlait dans les flammes, alors elle se mit à crier. Ainsi Démophon fut consumé par le feu, et la déesse se fit connaître.

I, 5, 2. Et à Triptolème, le fils aîné de Métanire, elle fit don d’un char guidé par des dragons ailés ; elle lui confia ensuite le blé, afin que, du haut du ciel, il le répande sur toute la terre habitée. Panyasis soutient que Triptolème était le fils d’Éleusis, et que c’est justement chez ce dernier que la déesse avait logé. Phérécyde, pour sa part, déclare qu’il était le fils d’Océan et de Gaia.

I, 5, 3. Zeus ordonna à Hadès de renvoyer Coré sur la terre. Mais Hadès, pour que la jeune fille ne reste pas trop longtemps auprès de sa mère, lui fit manger un grain de grenade. Coré, qui en ignorait les conséquences, l’avala. Ascalaphe, le fils d’Achéron et de Gorgyra, la vit, et joua les délateurs : et Déméter jeta sur lui un lourd rocher, là, aux Enfers. Mais dès lors Perséphone dut demeurer avec Hadès un tiers de l’année, et le reste, elle put le passer auprès des autres dieux.

I, 6, 1. Voilà l’histoire de Déméter. Gaia, entre-temps, indignée par ce qui était arrivé aux Titans, engendra avec Ouranos les Géants. Personne n’était plus énorme qu’eux, personne ne pouvait vaincre leur force : à les regarder, ils faisaient vraiment peur, avec leurs longs cheveux hérissés et leur barbe hirsute, leur queue squameuse de serpent à la place de leurs pieds. Ils naquirent, affirment certains, à Phlégra, d’autres, par contre, disent à Pallène. Et aussitôt ils attaquèrent le ciel, avec de pesants rochers et des chênes enflammés. Leurs chefs étaient Porphyrion et Halcyonée : ce dernier était immortel, tant qu’il combattait sur sa terre natale. C’est lui qui enleva les boeufs d’Hélios, d’Érythie. Mais les dieux avaient reçu une prophétie : aucun des Géants ne pourrait être tué par les Olympiens à moins qu’un humain n’intervienne dans le combat, aux côtés des dieux. Prévenue de cela, Gaia se mit aussitôt en quête d’un médicament, afin que les Géants ne puissent être détruits par un mortel. Zeus, alors, interdit à l’Aurore,  à la Lune et au Soleil de répandre leur lumière ; le premier il cueillit l’herbe magique. Il dit ensuite à Athéna d’appeler Héraclès, qui serait leur allié. Aussitôt Héraclès atteignit Halcyoné avec ses flèches ; le Géant tomba à terre, mais au même instant il reprit vie, plus fort qu’avant. Le héros, alors, sur le conseil d’Athéna, lança Halcyoné au-delà de la terre de Pallène, et là-bas il mourut.

I, 6, 2. Porphyrion attaqua Héraclès et Héra. Mais Zeus inspira son coeur d’un désir amoureux pour Héra : le Géant arracha la tunique de la déesse et chercha à la violer, mais elle appela à l’aide : Zeus frappa Porphyrion avec sa foudre, et Héraclès l’acheva avec ses flèches. Quant aux autres Géants, Éphialtès fut frappé à l’oeil gauche par Apollon, et à l’oeil droit par une flèche d’Héraclès. Clytios fut tué par Hécate avec ses torches, ou peut-être par Héphaïstos avec du fer chauffé à blanc. Encélade tenta de fuir, mais Athéna jeta sur lui la Sicile ; elle écorcha ensuite Pallas et se servit de sa peau pour se protéger le corps dans la bataille. Polyboétès fut poursuivi sur la mer par Poséidon, et il arriva à Cos ; le dieu alors brisa un morceau de l’île et le jeta sur lui ; aujourd’hui c’est la petite île qu’on appelle Nysiros. Hermès, avec le casque magique d’Hadès sur la tête, tua Hippolyte, et Artémis tua Gration. Les Moires tuèrent Agrios et Thoas, qui combattaient avec des gourdins de bronze. Tous les autres furent anéantis par les foudres de Zeus ; et Héraclès, avec ses flèches, donnait le coup de grâce à tous.

I, 6, 3. Ainsi les dieux réussirent à vaincre les Géants. Mais Gaia, toujours plus furieuse, s’unit à Tartare et engendra Typhon, en Cilicie, une créature mi humaine et mi bête. Sa force et sa stature dépassaient de loin celles de tous les enfants de la Terre. Jusqu’aux cuisses il avait une forme une humaine, mais d’une énormité effrayante : il était plus grand que toutes les montagnes, et sa tête souvent effleurait les étoiles. Les bras écartés touchaient d’un côté le couchant, et de l’autre l’Aurore, et se terminaient en cent têtes de serpents. Des cuisses jusqu’en haut, il avait des spires démesurés de vipère : s’il les étirait, elles lui arrivaient jusqu’à la tête, et elles émettaient d’horribles sifflements. Son corps tout entier était ailé ; un poil hirsute ondoyait sur sa tête et sur ses joues, et ses yeux étincelaient de flammes. De toute sa monstrueuse grandeur, Typhon se mit à lancer des rochers enflammés contre le ciel lui-même, entre des cris et des sifflements. Et de sa bouche jaillissaient des torrents de feu. Les dieux, quand ils virent qu’il donnait ainsi l’assaut au ciel, s’enfuirent tous en Égypte, et pour n’être pas découverts, ils se métamorphosèrent en animaux. Mais Zeus, de loin, frappa Typhon avec sa foudre, puis il s’approcha de lui et le frappa avec sa faucille d’acier. Typhon se réfugia sur le Mont Casios, qui domine la Syrie, et Zeus le poursuivit et, le voyant ainsi blessé, il l’attacha. Mais Typhon l’enveloppa dans ses spires, l’immobilisa, lui arracha sa faucille avec laquelle il lui coupa les tendons des bras et des jambes. Puis il le mit sur son dos, traversa la mer, le mena en Cilicie, et le déposa dans l’antre Corycien. Il y cacha également les tendons, dans une peau d’ours, et il plaça, comme gardienne, le dragon femelle Delphynès, qui était une jeune fille mi femme mi animal. Mais Hermès et Égypan dérobèrent les tendons et les réadaptèrent en cachette sur le corps de Zeus. Ayant retrouvé sa force, Zeus, aussitôt, gagna le ciel, il monta sur un char tiré par des chevaux ailés et, en lançant ses foudres, il poursuivit Typhon sur la montagne appelée Nysa, où les Moires trompèrent le fuyard et le persuadèrent de manger les fruits de la mort, en lui faisant croire qu’ainsi il retrouverait toute sa force. Et à nouveau Zeus le poursuivit jusqu’en Thrace, où Typhon, pendant le combat qui eut lieu près du mont Hémos lança sur lui des montagnes entières. Mais les foudres de Zeus les firent rebondir vers l’arrière sur lui, et des fleuves de sang inondèrent la montagne, qui, justement, à cause de cet épisode, prit son nom. Typhon chercha à fuir à travers la mer de Sicile, mais Zeus jeta sur lui le très haut mont Etna, et il l’écrasa. Et depuis ce jour, on dit que l’Etna crache du feu, à cause de tous ces foudres lancés. Mais nous avons assez parlé de ces événements.

I, 7, 1. Prométhée mélangea de l’eau et de la terre, et créa les hommes. Il leur donna ensuite le feu, qu’en cachette il déroba à Zeus, dans un roseau creux. Quand Zeus s’en aperçut, il ordonna à Héphaïstos de clouer le corps de Prométhée sur le mont Caucase, qui s’élève en Scythie. Prométhée resta ainsi enchaîné de très nombreuses années ; et, chaque jour, un aigle fondait sur lui et dévorait son foie, qui, la nuit, repoussait. C’est de cette façon que Prométhée payait la faute d’avoir volé le feu, jusqu’au jour où Héraclès le libéra — mais nous reparlerons de cette histoire aux chapitres consacrés au héros.

I, 7, 2. Prométhée avait un fils, Deucalion, roi du territoire de Phthie, et époux de Pyrrha, fille elle-même d’Épiméthée, et de Pandora la première femme. Quand Zeus décida de faire disparaître la race des hommes de bronze, Deucalion, sur le conseil de Prométhée, construisit une arche, et y embarqua tout le nécessaire, puis il y monta avec Pyrrha. Du ciel, Zeus déversa une pluie interminable, et submergea la quasi totalité de la terre de Grèce : tous les hommes furent anéantis, à l’exception de quelques-uns qui s’étaient réfugiés sur les sommets des montagnes proches. Les monts de la Thessalie restèrent isolés, et toutes les régions, en dehors de l’Isthme et du Péloponnèse, furent submergées par les eaux. L’arche de Deucalion navigua, ballottée par les flots, neuf jours et neuf nuits durant ; à la fin, elle s’immobilisa sur le mont Parnasse. Quand la pluie cessa, Deucalion sortit et offrit un sacrifice à Zeus protecteur des fugitifs. Alors le dieu lui envoya Hermès, chargé de lui transmettre ce message : quoi qu’il voulût, cela lui serait octroyé. Et Deucalion demanda de pouvoir avoir des hommes. Zeus donna son accord ; Deucalion commença alors à ramasser des pierres et à les jeter derrière lui : les pierres lancées par Deucalion devinrent des hommes, et celles lancées par Pyrrha devinrent des femmes. Depuis lors, par métaphore, les peuples ont pris leur nom (làos) de celui qui signifie la pierre (làas).

Deucalion et Pyrrha eurent quelques enfants. Le premier fut Hellen ; certains, cependant, soutiennent qu’il fut le fils de Zeus. Puis naquit Amphictyon, lequel, après Cranaos, régna sur l’Attique. Le troisième enfant fut Protogénie qui eut de Zeus Éthlios.  Avec la Nymphe Orséis, Hellen engendra Doros, Xouthos et Éole.

I, 7, 3. Hellen lui-même donna son nom aux peuples qui auparavant s’appelaient Grecs, et il divisa tout son territoire entre ses enfants. Xouthos reçut le Péloponnèse, et de Créüse, la fille d’Érechtchée, il eut Achéos et Ion, qui donnèrent leurs noms aux Achéens et aux Ioniens. Doros, quant à lui, reçut toute la région qui fait face au Péloponnèse, dont les habitants, de son nom, furent appelés Doriens. Éole, ensuite, régna sur le territoire autour de la Thessalie, et il appela Éoliens ses sujets : son épouse fut Énarété, la fille de Déimachos, qui lui donna sept garçons — Créthée, Sisyphe, Athamas, Salmonée, Déioné, Magnétès, Périérès — et cinq filles : Canacé, Alcyoné, Pisidicé, Calicé et Périmède.

D’Achéloos, Périmède eut Hippodamas et Oreste ; Pisidicé eut Antiphos et Actor, de Myrmidon.

I, 7, 4. Alcyoné épousa Céyx, le fils d’Éosphoros. Tous deux furent anéantis à cause de leur insolente impiété : lui disait qu’il avait épousé Héra, et elle disait que son mari était Zeus — et justement Zeus les transforma en oiseaux, elle en Alcyon et lui en foulque (kèyx).

Canacé s’unit à Poséidon, et elle eut Hopléos, Nirée, Épopée, Aloéos et Triops. Aloéos épousa Iphimédie, la fille de Triops ; mais elle était tombée amoureuse de Poséidon, et souvent elle allait au bord de la mer, recueillait de l’eau dans le creux de sa main et la versait sur sa poitrine. Ainsi Poséidon s’unit-il à elle, et deux fils naquirent, Otos et Éphialtès, appelés les Aloades. Chaque année les garçons croissaient d’une coudée en largeur et d’une toise en hauteur ; quand ils eurent neuf ans, ayant atteint les dimensions de neuf coudées en largeur et de neuf toises en hauteur, ils décidèrent de faire la guerre aux dieux. Ils entassèrent le mont Ossa sur l’Olympe, et sur l’Ossa le Pélion, en menaçant de grimper sur ces montagnes jusqu’à rejoindre le ciel, ou de les jeter dans la mer pour la transformer en terre ferme, et de transformer la terre en mer. De plus, Éphialtès voulait prendre Héra, et Otos Artémis. Dans ces intentions, les deux frères capturèrent Arès ; mais Hermès, en cachette, réussit à le libérer. Artémis, pendant ce temps, attira les Aloades à Naxos, et les tua grâce à une ruse : en effet, s’étant transformée en cerf, elle bondit au milieu d’eux : les deux frères lancèrent ensemble leur javelot pour le toucher, se tuant mutuellement.

I, 7, 5. Calycé et Aethlios eurent Endymion, qui conduisit les Étoliens hors de Thessalie, et fonda Élis (certains soutiennent cependant qu’il fut le fils de Zeus). Sa beauté était prodigieuse, et Séléné tomba amoureuse de lui. Zeus lui accorda de choisir ce qu’il voulait, et Endymion choisit de dormir toujours, en restant immortel et éternellement jeune.

I, 7, 6. D’une Nymphe Naïade, ou peut-être d’Iphianassa, Endymion eut Étolos, qui tua Apis, le fils de Phoronée, et, pour cette raison, il s’exila en terre des Curètes. Là, Étolos tua ses hôtes — Doros, Laodocos et Polypoétès, les fils de Phthia et d’Apollon — et de son nom il appela Étolie toute la région.

I, 7, 7. Étolos épousa Pronoé, la fille de Phorbas, et engendra Pleuron et Calydon, qui donnèrent leur nom aux deux villes homonymes de l’Étolie. Pleuron épousa Xanthippe, la fille de Doros, et il eut avec elle Agénor et les filles Stéropé, Stratonicé et Laophonté. Calydon et Éolia, la fille d’Amythaon, eurent Épicaste et Protogénie qui enfanta Oxylos avec Arès. Agénor épousa Épicaste, la fille de Calydon, et engendra Porthaon et Démonicé, qui, à son tour, eut, d’Arès, Événos, Molos, Pylos et Thestios.

I, 7, 8. D’Événos naquit Marpessa, qui fut aimée par Apollon : mais Idas, le fils d’Apharée, l’enleva sur un char ailé, don de Poséidon. Événos aussi, alors, sauta sur un char et le suivit ; mais quand il arriva au fleuve Lycormas, et vit qu’il ne lui était pas possible de continuer, il égorgea ses chevaux et se jeta dans le fleuve qui, depuis ce jour, en son honneur, fut appelé Événos.

I, 7, 9. Idas, entre-temps, était arrivé à Messène, où Apollon l’affronta pour lui arracher Marpessa. Tandis qu’ils se battaient pour l’avoir, Zeus interrompit leur duel ; il dit ensuite à la jeune fille de choisir elle-même celui qu’elle voulait pour mari : et Marpessa, craignant qu’une fois devenue vieille Apollon ne l’abandonne, préféra Idas.

I, 7, 10. Thestios épousa Eurythémis, la fille de Cléoboé, et eut trois filles, Althée, Léda et Hypermnestre, et quatre garçons, Iphiclos, Évippos, Plexippos et Eurypylos.

Porthaon épousa Euryté, fille d’Hippodamas, et eut cinq garçons, Oenée, Agrios, Alcathoos, Mélas et Leucopée, et une fille, Stéropé, dont on dit qu’elle s’unit à Achéloos et enfanta les Sirènes.

I, 8, 1. Oenée, devenu roi de Calydon, fut le premier à recevoir de Dionysos un plant de vigne. Il épousa Althéa, la fille de Thestios, et engendra Toxéos, qu’ensuite il tua de ses propres mains, parce que l’enfant avait osé franchir le fossé qui entourait la cité. Il eut ensuite Tyréos et Clyménos, la fille Gorgé, qui épousa Andræmon, et Déjanire dont certains toutefois disent qu’elle est la fille d’Althéa et de Dionysos. Cette jeune fille aimait conduire elle-même le char, et elle s’entraînait dans les activités guerrières ; pour l’avoir comme épouse, Héraclès lutta avec le fleuve Achéloos.

I, 8, 2. D’Oenée, Althéa eut aussi Méléagre, dont certains cependant disent qu’il fut le fils d’Arès. Quand l’enfant eut atteint l’âge de sept ans, les Moires apparurent et déclarèrent que Méléagre mourrait quand le tison qui était dans le foyer serait entièrement consumé. À ces paroles, Althée courut ôter le tison du feu, et le conserva dans un coffre. Ainsi Méléagre grandit, invulnérable de corps et noble d’esprit. Mais lui ensuite aussi mourut ; et voici comment. Le temps était venu de sacrifier aux dieux les prémices annuelles des récoltes : Oenée accomplit les rites en l’honneur de toutes les divinités, mais il en oublia une, Artémis. Irritée, la déesse envoya un sanglier énorme et très fort : il ravageait la campagne et tuait toutes les bêtes et les personnes qu’il rencontrait sur sa route. Oenée fit venir alors, de tous les coins de la Grèce, les hommes les plus braves, promettant, comme prix, la peau du sanglier à celui qui réussirait à le tuer. Voici la liste de tous ceux qui participèrent à la chasse : Méléagre, fils d’Oenée, et Dryas, fils d’Arès, venus de Calydon même ; Idas et Lyncée, fils d’Apharée, venus de Messène ; Castor et Pollux, fils de Zeus et de Léda, venus de Lacédémone ; Thésée, fils d’Égée, d’Athènes ; Admète, fils de Phérès, de Phères ; Ancée et Céphée, fils de Lycurgue, de l’Arcadie ; Jason, fils d’Éson, de Iolcos ; Iphiclès, fils d’Amphitryon, de Thèbes ; Pirithoos, fils d’Ixion, de Larissa ; Pélée, fils d’Éaque, de Phthie ; Télamon, fils d’Éaque, de Salamine ; Eurytion, fils d’Actor, de Phthie ; Atalante, fille de Schoené, de l’Arcadie ; Amphiaraos, fils d’Oïclès, d’Argos. Se joignirent aussi à eux les fils de Thestios. Oenée hébergea tous les participants pendant neuf jours ; quand ensuite arriva le dixième jour, Céphée, Ancée et quelques autres refusèrent de participer à la chasse en compagnie d’une femme ; mais Méléagre, quoique marié à Cléopâtra, la fille d’Idas et de Marpessa, désirait avoir des enfants avec Atalante, et ainsi il obligea tout le monde à participer à la battue, malgré la présence de la jeune femme. Le sanglier était désormais encerclé ; mais voici que la bête réussit à tuer Iléos et Ancée, et Pélée, involontairement, touche Eurytion avec sa lance. La première Atalante perça, d’une flèche, l’échine de l’animal, et ensuite Amphiaraos l’atteignit entre les deux yeux ; enfin Méléagre lui planta sa lance dans le ventre et le tua : la peau, en conséquence, lui revint, et le jeune homme en fit don à Atalante. Mais les fils de Thestios, indignés qu’une femme obtienne le prix à la place de tant d’hommes, lui enlevèrent la peau, soutenant qu’elle revenait de toute façon à leur famille, si Méléagre ne voulait pas la garder pour lui.

I, 8, 3. Méléagre s’irrita, tua les fils de Thestios et rendit la peau à Atalante. C’est ainsi qu’Althéa, affligée par la mort de ses frères, fit brûler le tison entièrement, et Méléagre mourut sur l’heure.

Mais il en est qui affirment que telle ne fut pas la fin de Méléagre. Quand les fils de Thestios réclamèrent le trophée, en soutenant que le premier coup avait été celui d’Iphiclès, une guerre éclata entre les Curètes et les Calydoniens. Méléagre réussit à sortir de la ville assiégée, et tua quelques-uns des fils de Thestios ; Althéa, alors, lui lança une malédiction, et Méléagre, de rage, s’enferma chez lui. Les ennemis étaient désormais sous les murs de la ville, et les habitants imploraient l’aide de Méléagre ; sa femme, Cléopâtra, parvint finalement à le convaincre ; Méléagre tua également les autres fils de Thestios, mais il tomba lui aussi dans la bataille. Après sa mort, Althée et Cléopâtra se pendirent, et toutes les femmes qui pleuraient sur le cadavre de Méléagre furent transformées en oiseaux [2] .

I, 8, 4. Après la mort d’Althée, Oenée épousa Périboéa, la fille d’Hipponoos. L’auteur de la Thébaïde soutient qu’Oenée la reçut comme butin de guerre quand Olénos fut mise à sac ; mais Hésiode raconte, lui, que Périboéa avait été séduite par Hippostratos, fils d’Amaryncée, et que son père Hipponoos l’avait chassée d’Olénos en Achaïe, et confiée à Oenée, qui habitait loin, pour qu’il la tue.

I, 8, 5. D’autres disent encore qu’Hipponoos découvrit que sa fille avait été séduite par Oenée lui-même, et qu’il l’envoya alors qu’elle était déjà enceinte. D’elle, Oenée eut Tydée. Pisandre, pour sa part, soutient que la mère de Tydée était Gorgé : ce fut Zeus qui voulut qu’Oenée tombe amoureux de sa propre fille.

Devenu grand et noble, Tydée fut exilé pour avoir tué Alcathoos, le frère d’Oenée ; mais selon l’auteur de l’Alcméonide, Tydée avait tué les fils de Mélas, qui machinaient contre Oenée, c’est-à-dire Phénée, Euryale, Hyperlaos, Antiochos, Eumède, Sternops, Xanthippe et Sthénélaos. Phérécyde, pour sa part, soutient que Tydée avait tué son frère Olénias. Sur les instances d’Agrios, Tydée s’exila et arriva à Argos, à la cour d’Adraste, dont il épousa la fille Déipyle ; de leur union naquit Diomède.

Tydée mourut au cours de l’expédition d’Adraste contre Thèbes, atteint par Mélanippos.

I, 8, 6. Les fils d’Agrios, Thersite, Onchestos, Prothoos, Céleutor, Lycopée et Mélanippos arrachèrent le royaume à Oenée, et le donnèrent à leur père. Ils laissèrent Oenée en vie, mais toujours en proie aux tourments. Par la suite, Diomède revint en secret à Argos, en compagnie d’Alcméon, et tua tous les fils d’Agrios, excepté Thersite et Onchestos qui réussirent à s’enfuir dans le Péloponnèse. Comme Oenée était désormais trop vieux, Diomède confia le royaume à Andræmon, qui avait épousé la fille d’Oenée ; et ce dernier se rendit avec lui dans le Péloponnèse. Les fils d’Agrios, qui étaient parvenus à s’enfuir, tendirent une embuscade, aux environs du foyer de Télèphe, et tuèrent le vieillard. Diomède emporta son corps à Argos et l’ensevelit dans cette partie de la cité qu’aujourd’hui, de son nom, on appelle Oenoé. Puis il épousa Égialée, la fille d’Adraste, ou peut-être d’Égialé, comme certains le soutiennent, et il participa à l’expédition contre Thèbes et contre Troie.

I, 9, 1. Pour ce qui concerne les fils d’Éole, Athamas régna sur la Béotie, et, de Néphélé, il eut un fils Phrixos, et une fille Hellê. Puis il épousa Ino, de laquelle il eut Léarchos et Mélicerte. Mais Ino voulait se débarrasser des enfants de Néphélé. Alors, elle persuada toutes les femmes d’assécher les graines destinées aux semailles : les femmes prirent les graines en cachette de leurs maris et les firent sécher. Quand ensuite les graines furent semées, la terre, naturellement, ne donna pas la récolte habituelle. Alors Athamas envoya ses ambassadeurs à Delphes pour demander au dieu ce qu’il convenait de faire pour éloigner la disette. Et Ino persuada les messagers de lui rapporter une fausse réponse : la terre redeviendrait fertile si Phrixos était sacrifié à Zeus. Athamas écouta la réponse et, contraint par les habitants de la région, il mena Phrixos sur l’autel du dieu. Mais Néphélé l’enleva, et sa fille avec, et elle leur donna un bélier à la toison d’or — don d’Hermès : les deux enfants montèrent dessus, et le bélier les emmena à travers le ciel, survolant les terres et les mers. Quand ils arrivèrent au bras de mer, qui s’étend entre Sigée et la Chersonèse, Hellê tomba au fond de l’Océan et mourut ; dès lors, ce détroit s’appelle l’Hellespont, en son honneur. Phrixos, lui, atteignit la Colchide, où régnait Éétès, fils d’Hélios et de Perséis, frère de Circé, et de Pasiphaé qui épousa Minos. Éétès l’accueillit, et lui donna pour femme l’une de ses deux filles, Chalciopé. Alors Phrixos  sacrifia le bélier à la toison d’or à Zeus protecteur des exilés, et offrit sa peau à Éétès, qui la cloua sur un chêne dans le bois sacré à Arès. De Chalciopé, Phrixos eut Argos, Mélas, Phrontis et Cytissoros.

I, 9, 2. Par la suite, à cause de la colère de la déesse Héra, Athamas fut privé également des enfants qu’il avait eus d’Ino. C’est lui-même qui, en proie à la folie, tua Léarchos ; alors Ino se jeta dans la mer avec Mélicerte. Banni de Béotie, Athamas demanda à l’oracle d’Apollon en quelle terre il pouvait s’établir : et le dieu lui répondit de s’arrêter là où les bêtes sauvages l’inviteraient à déjeuner. Athamas erra à travers de nombreuses terres, jusqu’au jour où il rencontra des loups qui mangeaient les restes d’une brebis : en le voyant, les loups s’enfuirent, abandonnant leur repas. Alors Athamas s’établit dans cette région, et il l’appela Athamantie. Puis il épousa Thémisto, la fille Hypsée, et d’elle il eut Leucon, Érythrios, Schoené et Ptoos.

I, 9, 3. Sisyphe, fils d’Éole, fonda la cité d’Éphyre — celle qui aujourd’hui s’appelle Corinthe — et il épousa Méropé, la fille d’Atlas. De leur union naquit Glaucos qui, à son tour, de son épouse Eurymède, eut Bellérophon, celui qui tua la Chimère cracheuse de feu. Sisyphe expie ses fautes dans l’Hadès : sa peine consiste à faire rouler une pierre énorme, en la poussant vers le haut avec les mains et la tête, pour la faire ensuite descendre de l’autre côté ; mais une fois qu’il a réussi à pousser le rocher, celui-ci ensuite roule toujours en arrière. C’est la peine que Sisyphe doit purger à cause d’Égine, la fille d’Asopos : quand Zeus enleva en cachette la jeune fille, de fait, on dit que Sisyphe alla le rapporter à Asopos qui la cherchait.

I, 9, 4. Déioné régna sur la Phocide. Il épousa Diomède, la fille de Xouthos, et il eut une fille, Astérodia, et quatre garçons : Aénétos, Actor, Phylacos, et Céphale qui, par la suite, épousa Procris, la fille d’Érechthée. Puis l’Aurore tomba amoureuse de lui et l’enleva.

I, 9, 5. Périérès occupa le territoire de Messénie et il épousa Gorgophoné, la fille de Persée, de laquelle il eut les fils Apharée, Leucippos, Tyndare et Icarios. Nombreux sont ceux qui soutiennent que Périérès n’était pas le fils d’Éole [Aéolos], mais de Cynortas, fils d’Amyclas : c’est pourquoi tout ce qui concerne les descendants de Périérès sera raconté en même temps que ce qui concerne la famille d’Atlas.

I, 9, 6. Magnès épousa une Nymphe des eaux, et d’elle il eut Polydectès et Dictys, qui colonisèrent Sériphos.

I, 9, 7. Salmonée s’établit tout d’abord en Thessalie, puis il gagna l’Élide et fonda une cité. C’était un homme arrogant, qui voulait se comparer à Zeus ; mais, pour cette impiété, il fut durement puni. Salmonée proclamait qu’il était Zeus en personne, et il avait imposé qu’on lui offrît des sacrifices, les soustrayant ainsi au culte de Zeus ; à son char, il avait attaché des peaux tannées, avec, cousues à l’intérieur, des chaudières de bronze, et il prétendait que le son retentissant qu’elles produisaient à être traînées, c’était le tonnerre ; et puis il lançait vers le ciel des torches enflammées, en déclarant que c’étaient des éclairs. Mais Zeus le foudroya bel et bien, et la ville qu’il avait fondée, avec tous ses habitants.

I, 9, 8. Tyro, la fille de Salmonée et d’Alcidicé, élevée par Créthée le frère de Salmonée, tomba amoureuse du fleuve Énipée, et toujours elle flânait le long de ses rives, en pleurant. Alors Poséidon prit l’aspect d’Énipée, et s’unit à la jeune fille : elle enfanta en cachette deux jumeaux, et les exposa. Alors qu’ils gisaient ainsi abandonnés, des gardiens de chevaux passèrent dans le coin par hasard ; une jument frappa de son sabot l’un des jumeaux, lui laissant sur le visage une marque sombre. Un des gardiens des chevaux prit avec lui les bébés et les éleva ; celui qui avait une tâche sombre [peliòs], il l’appela Pélias, et l’autre Nélée. Quand ils furent grands, et qu’ils apprirent qui était leur vraie mère, les deux frères tuèrent leur marâtre Sidéro, qui avait fait subir tant de tourments à leur mère Tyro. La femme, pour échapper à la mort, s’était réfugiée dans l’enceintre sacrée d’Héra, mais Pélias l’égorgea juste devant l’autel, et même par la suite il continua d’offenser la déesse.

I, 9, 9. Entre les deux frères ensuite s’éleva une querelle. Nélée dut s’exiler, et il se rendit à Messène ; il fonda la cité de Pylos, et il épousa Chloris, la fille d’Amphion, de laquelle il eut une fille, Péro, et douze garçons : Tauros, Astérion, Pylaon, Déimachos, Eurybios, Épilaos, Phrasios, Euryménès, Évagoras, Alastor, Nestor et Périclymène ; ce dernier reçut de Poséidon la faculté de changer d’aspect. Quand Héraclès assiégea Pylos, Périclymène le combattit, se métamorphosant tantôt en lion, tantôt en serpent, tantôt en abeille ; mais, finalement, Héraclès le tua, et avec lui tous les autres enfants de Nélée. Seul Nestor fut sauvé, parce qu’il était élevé auprès des Géréniens ; il épousa ensuite Anaxibie, la fille de Cratiéos, et il eut deux filles, Pisidicé et Polycasté, et sept garçons, Persée, Stratichos, Arétos, Échéphron, Pisistrate, Antiloque et Trasymède.

I, 9, 10. Pélias s’établit en Thessalie et épousa Anaxibie, la fille de Bias (mais d’autres disent que son épouse fut Philomaché, la fille d’Amphion) ; elle lui donna un fils, Acaste, et quatre filles, Pisidicé, Pélopia, Hippothoé et Alceste.)

I, 9, 11. Créthée fonda Iolcos et épousa Tyro, la fille de Salmonée, de laquelle il eut Éson, Amythaon, et Phérès. Amythaon vécut à Pylos, et il épousa Idoménée, la fille de Phérès ; il eut Bias et Mélampous. Mélampous se retira vivre en campagne ; il vivait dans le tronc d’un chêne, où il y avait aussi un nid de serpents. Un jour, ses esclaves tuèrent tous les serpents ; alors Mélampous rassembla du bois, brûla les corps des reptiles et éleva leurs petits. Quand ils furent grands, les serpents s’approchèrent de lui, tandis qu’il dormait, montèrent sur ses épaules, et lui nettoyèrent les oreilles de leur langue. Mélampous se redressa, plein d’effroi ; mais il s’aperçut alors qu’il comprenait le langage des oiseaux qui volaient au-dessus de lui : dès lors, il apprit d’eux tant de choses qu’ensuite, prophète, il révéla aux hommes l’avenir. Il apprit aussi l’art de faire des prédictions, à travers le sacrifice de victimes, le jour où il rencontra Apollon sur les rives de l’Alphée ; et depuis lors il fut pour toujours un grand prophète.

I, 9, 12. Bias demanda la main de Péro, la fille de Nélée. Mais ses prétendants étaient nombreux : et Nélée l’avait promise en mariage au jeune homme qui réussirait à lui apporter le bétail d’Iphiclos. Ces troupeaux demeuraient à Phylace, et ils étaient gardés par un chien qui empêchait les hommes et les bêtes de s’approcher. Ne pouvant donc dérober le bétail, Bias demanda l’aide de son frère. Mélampous lui promit son aide, et il lui révéla ce qui arriverait : celui qui serait découvert en train de voler le bétail ferait un an de prison, mais ensuite le bétail lui appartiendrait. Ayant donné sa parole, Mélampous se rendit à Phylace et, précisément comme il l’avait prédit, il fut découvert, alors qu’il volait les bêtes, et mis en prison. Une année environ avait passé, quand Mélampous entendit des vers qui parlaient dans un petit angle du toit ; et l’un demandait : « Pendant combien de temps encore devrons-nous ronger cette poutre ? » et les autres répondirent : « C’est désormais presque fait ». Alors Mélampous demanda à être transféré immédiatement dans une autre cellule, et, de fait, peu après, sa vieille cellule tomba en ruine. Phylacos demeura impressionné ; ayant appris que Mélampous était un si grand devin, il le libéra et lui demanda pourquoi son fils Iphiclos n’avait pas encore d’enfants. Mélampous promit de l’aider, si Phylacos lui donnait son bétail. Il sacrifia deux taureaux, les découpa en morceaux et appela les oiseaux. Un vautour arriva, et de lui Mélampous apprit que, bien des années aupravant, Phylacos avait sacrifié des béliers, en commençant à les découper par les organes génitaux ; puis il avait posé le couteau, encore plein de sang, juste à côté d’Iphiclos. L’enfant prit peur, et s’enfuit, et son père, alors, planta le couteau dans le tronc d’un chêne sacré ; l’écorce ensuite avait poussé au point d’envelopper le couteau et de le faire disparaître complètement. Il fallait donc retrouver le couteau, en gratter la rouille et la donner à boire à Iphiclos pendant dix jours de suite. Seulement ainsi il pourrait avoir des enfants. Ayant appris cela par le vautour, Mélampous trouva le couteau, en gratta la rouille et la donna à boire à Iphiclos pendant dix jours de suite ; et au jeune homme naquit un fils, Podarcès. Ainsi Mélampous conduisit le troupeau à Pylos, il eut en échange la fille de Nélée, et la confia à son frère. Le devin demeura à Messène pendant encore longtemps ; mais un jour, les femmes d’Argos furent rendues folles par Dionysos, et Mélampous accepta de les guérir en échange d’une partie du royaume ; les choses allèrent ainsi, et Mélampous s’établit dans cette région, avec son frère Bias.

I, 9, 13. De Bias et de Péro naquit Talaos, qui épousa Lysimaché, la fille d’Abas, fils lui-même de Mélampous. De Lysimaché,  Talaos eut Adraste, Parthénopée, Pronax, Mécistée, Aristomachos, et enfin Ériphyle qui épousa Amphiaraos. Parthénopée enfanta Promachos, qui combattit contre Thèbes aux côtés des Épigones ; Mécistée engendra Euryalos qui participa à l’expédition contre Troie ; Pronax engendra Lycurgue ; et Adraste eut d’Amphitée, la fille de Pronax, trois filles : Argia, Déipyle et Égialée, et deux garçons : Égialé et Cyanippe.

I, 9, 14. Phérès, le fils de Créthée, fonda la ville de Phères en Thessalie, et engendra Admète et Lycurgue. Ce dernier s’établit dans le territoire de Némée ; il épousa Eurydice (ou peut-être, comme certains le soutiennent, Amphitée), et engendra Opheltès, qui par la suite fut appelé Archémoros.

I, 9, 15. Au temps où Admète régnait sur Phères, Apollon entra à son service ; il l’aida à obtenir la main d’Alceste, fille de Pélias. Ce dernier avait organisé un concours : sa fille deviendrait l’épouse de l’homme capable d’atteler un lion et un sanglier à un char. Apollon, aussitôt, les attela, et donna le char à Admète, qui le mena ensuite à Pélias, obtenant Alceste pour épouse. Mais, durant les sacrifices offerts pour la fête des noces, Admète oublia Artémis ; et quand il ouvrit la porte de la chambre à coucher, il la trouva pleine de serpents grouillants. Apollon réussit à apaiser la colère de la déesse ; il obtint de plus, des Moires, la promesse que, quand arriverait pour Admète sa dernière heure, il éviterait la mort si quelqu’un acceptait, de sa propre volonté, de mourir à sa place. Quand ce moment-là arriva, ni son père ni sa mère n’acceptèrent de mourir pour lui ; ce fut Alceste qui mourut à sa place. Mais ensuite Coré la laissa revenir, ou bien ce fut Héraclès, comme certains le racontent, qui combattit contre Hadès, et qui ramena à Admète son épouse.

I, 9, 16. Éson, le fils de Créthée, épousa Polymède, la fille d’Autolycos, et engendra Jason. Jason habita à Iolcos, où Pélias avait succédé à Créthée sur le trône. Quand Pélias avait consulté l’oracle à propos de son règne, le dieu lui avait prophétisé de se méfier d’un homme avec une seule sandale. Sur le moment, Pélias ne comprit pas, mais ensuite tout devint clair. Un jour, au bord de la mer, on célébra un grand sacrifice en l’honneur de Poséidon ; les participants étaient nombreux, et parmi eux se trouvait aussi Jason. Le jeune homme aimait l’agriculture, il vivait à la campagne, et il s’était rendu dans la cité, exprès pour le sacrifice ; pendant qu’il traversait le fleuve Anauros, le courant lui avait fait perdre une sandale, et à présent, un seul de ses pieds restait chaussé. Dès qu’il le vit, Pélias se rappela la réponse du dieu ; il s’approcha de Jason et lui demanda : « Si tu possédais le pouvoir, et si tu apprenais d’un oracle qu’un de tes concitoyens te tuerait, que ferais-tu ? »  Et alors, peut-être par hasard, peut-être inspiré par Héra (irritée contre Pélias à cause de son absence de vénération à son égard, et qui déjà méditait sa vengeance de la main de Médée), Jason répondit ainsi : « Moi, je l’enverrais à la recherche de la toison d’or ». À ces paroles, aussitôt Pélias lui ordonna d’aller la chercher. La Toison d’or se trouvait en Colchide, suspendue à un chêne, dans le bois sacré d’Arès, et le gardien était un dragon qui ne dormait jamais.

Pour cette mission, Jason demanda l’aide d’Argos, le fils de Phrixos ; et ce dernier, sur l’inspiration d’Athéna, construisit un navire à cinquante rames, qui, du nom de son architecte, fut appelé Argos. Athéna elle-même, à sa proue, adapta une figure de bois parlante, faite avec un de ces chênes sacrés de Dodone. Quand le navire fut prêt, Jason consulta l’oracle, et le dieu lui ordonna d’embarquer avec lui les hommes les plus valeureux de toute la Grèce. Voici le nom de tous ceux qui se réunirent pour participer à l’expédition : Tiphys, fils d’Agnias, qui tint la barre du navire ; Orphée, fils d’Oeagre ; Zétès et Calaïs, fils de Borée ; Castor et Pollux, fils de Zeus ; Télamon et Pélée, fils d’Éaque ; Héraclès, fils de Zeus ; Thésée, fils d’Égée ; Idas et Lyncée, fils d’Apharée ; Amphiaraos, fils d’Oïclès ; Cénée, fils de Coronos ; Palémon, fils d’Héphaïstos ou d’Étolos ; Céphée, fils d’Aléos ; Laërte, fils d’Arcisios ; Autolycos, fils d’Hermès ; Atalante, fille de Schoénée ; Ménécée, fils d’Actor ; Actor, fils d’Hippasos ; Admète, fils de Phérès ; Acaste, fils de Pélias ; Eurytos, fils d’Hermès ; Méléagre, fils d’Oenée ; Ancée, fils de Lycurgue ; Euphémos, fils de Poséidon ; Poeas, fils de Taumachos ; Butès, fils de Téléon ; Phanos et Staphylos, fils de Dionysos ; Erginos, fils de Poséidon ; Périclymène, fils de Nélée ; Augias, fils d’Hélios ; Iphiclos, fils de Thestios ; Argos, fils de Phrixos ; Euryale, fils de Mécistée ; Pénélos, fils d’Hippalmos ; Leitos, fils d’Alector ; Iphitos, fils de Naubolos ; Ascalaphe et Ialmène, fils d’Arès ; Astérios, fils de Cométès ; Polyphème, fils d’Élatos.

I, 9, 17. Jason prit le commandement du navire ; ils mirent à la voile, et débarquèrent à Lemnos qui fut leur première étape. En ce temps-là, il n’y avait pas d’hommes à Lemnos, et Hypsipyle, la fille de Thoas, occupait le trône. Et en voici la raison. Les femmes de Lemnos n’honoraient pas Aphrodite comme il se doit ; alors la déesse les avait imprégné d’une odeur si terrible, que leurs maris avaient pris pour compagnes des esclaves, capturées dans les régions côtières de Thrace. À cause de cette grande offense, les femmes de Lemnos avaient tué leurs pères et leurs maris ; seule Hypsipyle avait épargné son père Thoas, en secret. Quand ils débarquèrent dans l’île restée au pouvoir des femmes, les Argonautes firent l’amour avec elles ; Hypsipyle coucha avec Jason, et mit au monde deux fils, Eunéos et Nébrophonos.

I, 9, 18. Après avoir laissé Lemnos, les compagnons se dirigèrent vers le pays des Dolions, où régnait Cyzique, qui les accueillit cordialement. Pendant la nuit, le navire reprit la mer, mais il fut victime d’un vent contraire, et, sans qu’ils s’en aperçoivent, les Argonautes se retrouvèrent de nouveau sur la côte des Dolions. Et ces derniers, croyant qu’il s’agissait d’un groupe de Pélasges (avec lesquels ils étaient toujours en guerre), ils les attaquèrent, et il y eut un combat dans l’obscurité de la nuit, sans que les deux camps se reconnaissent. Les Argonautes tuèrent un grand nombre d’hommes, parmi lesquels le roi en personne, Cyzique. Quand le jour se leva, et qu’ils s’aperçurent de tout ce qui était arrivé, tous pleurèrent, et ils se coupèrent les cheveux, et ils ensevelirent Cyzique avec de grands honneurs. Après les funérailles, ils repartirent, et firent une halte en Mysie.

I, 9, 19. Là, Héraclès et Polyphème laissèrent le groupe. Il arriva qu’Hylas, le fils de Théodamas, le garçon aimé par Héraclès, en allant chercher de l’eau à une fontaine, fut enlevé par les Nymphes, en raison de sa grande beauté. Polyphème, ayant entendu le garçon qui appelait à l’aide, brandit son épée et courut le chercher, pensant qu’il avait été pris par des brigands ; il rencontra Héraclès, il lui rapporta ce qu’il avait entendu, et, ensemble, ils se mirent à la recherche d’Hylas. Mais entre-temps le navire était reparti. Ainsi Polyphème demeura en Mysie ; il fonda la cité de Cios et il en devint le roi ; Héraclès, pour sa part, retourna à Argos. Hérodoros soutient qu’Héraclès ne s’embarqua jamais sur le navire Argo, parce qu’en ce temps-là il était esclave, auprès de la reine Omphale. Selon Phérécyde, au contraire, Héraclès fut abandonné par ses compagnons à Aphétae, en Thessalie, parce que le navire Argo avait parlé, déclarant qu’il ne pouvait pas supporter le poids important du héros. Démarate soutient carrément que c’est lui qui prit le commandement des Argonautes.

I, 9, 20. Partis de Mysie, ils arrivèrent aux pays des Bébryces, où régnait Amycos, le fils de Poséidon et d’une Nymphe de Bithynie. C’était un homme fort et violent, et il défiait tous les étrangers qui s’aventuraient là, dans un concours de pugilat : de cette façon il les tuait tous. Ainsi, même ce jour-là, Amycos s’approcha du navire Argos, et lança un défi au plus brave du groupe pour qu’il se batte contre lui. Le défi fut accepté par Pollux. Et sans tarder son poing frappa le roi à un coude et il le tua [3] . Alors les Bébryces l’attaquèrent, mais ses valeureux compagnons arrachèrent aux ennemis leurs armes, les mirent en fuite et en tuèrent plusieurs.

I, 9, 21. Repartis de là, ils arrivèrent à Salmydessos, en Thrace, où habitait Phinée, le devin aveugle. Certains disent qu’il était le fils d’Agénor, d’autres de Poséidon ; et l’on raconte qu’il fut frappé de cécité par les dieux, parce qu’il prédisait leur avenir aux mortels ; ou bien que ce furent Borée et les Argonautes eux-mêmes à le faire, parce que Phinée avait d’abord rendu aveugles ses propres fils, sur l’instigation de leur belle-mère ; mais il existe encore une autre version, suivant laquelle Poséidon le priva de la vue, car il avait révélé aux fils de Phrixos la route qui menait de Colchide en Grèce. Les dieux lui avaient aussi envoyé, pour accroître son tourment, les Harpyes : créatures ailées, chaque fois que Phinée se mettait à table, elles tombaient du ciel pour lui voler toutes les choses, et le peu qu’elles laissaient s’imprégnait d’une telle puanteur qu’on ne pouvait même pas s’en approcher. Les Argonautes voulaient apprendre de Phinée la bonne route pour leur voyage, et le devin promit de tout leur révéler, à condition qu’ils le libèrent des Harpyes. Alors les Argonautes préparèrent une table garnie : aussitôt les Harpyes s’y précipitèrent en poussant d’horribles cris, et elles emportèrent toute la nourriture. Quand ils les virent, Zétès et Calaïs, les fils de Borée, qui étaient ailés, brandirent leur épée et se mirent à leur poursuite à travers le ciel. Ainsi le voulait le destin, que les Harpyes meurent de la main des Boréades. Mais également pour ces deux jeunes gens, ce jour devait être leur dernier, parce qu’ils mourraient sans avoir réussi à les capturer. Dans leur fuite, une des Harpyes (de son nom Nicothoé ou Aellopoda) tomba dans le Tigris, qui maintenant, de son nom, est appelé Harpys ; l’autre, (que l’on appelle Ocypété, ou bien Ocythoé, mais Hésiode la nomme Ocypode [4] ) s’enfuit au-delà de la Propontide et rejoignit les îles Échinades, celles qu’à présent nous appelons Strophades, justement parce que la Harpye, quand elle y arriva, changea de direction (estràphe) et vola vers la terre ferme, où elle tomba d’épuisement, en même temps que son poursuivant. Apollonios, dans ses Argonautiques, soutient pour sa part que les Boréades réussirent à les rejoindre, précisément aux îles Strophades, mais qu’ils ne leur firent ensuite aucun mal, parce que les Harpyes jurèrent de ne plus tourmenter Phinée.

I, 9, 22. Finalement, libéré des Harpyes, Phinée révéla aux Argonautes comment se préparer au voyage, et il les mit en garde contre les roches Symplégades, qu’ils rencontreraient sur la mer. Ces deux énormes rochers, mus par la violence du vent, se heurtaient l’un l’autre, interdisant la route de la mer. Ils étaient toujours enveloppés de brume et d’un fracas épouvantable, et les oiseaux eux-mêmes ne parvenaient pas à les franchir. Phinée conseilla aux Argonautes de faire voler une colombe au milieu des rochers ; s’ils la voyaient saine et sauve, alors eux aussi pouvaient se risquer à passer. Mais si elle échouait, il était préférable d’éviter toute tentative. Sachant cela, les Argonautes reprirent la mer. Et quand ils furent proches des Symplégades, de la proue ils libérèrent une colombe, et elle réussit à voler jusque de l’autre côté, laissant uniquement, quand les deux rochers se refermèrent, l’extrémité de sa queue. Alors les Argonautes attendirent que les Symplégades s’ouvrent à nouveau, puis, en ramant de toutes leurs forces (avec l’aide d’Héra), ils franchirent le défilé : seule l’extrémité de l’aplustre fut coupée. Depuis lors, les Symplégades sont immobiles : c’était en effet le destin que, si un navire réussissait à les franchir, ces rochers demeureraient immobiles pour toujours.

I, 9, 23. C’est ainsi qu’ils arrivèrent à Mariandyne, ou le roi Lycios les accueillit avec joie. Là, mourut le devin Idmon, blessé par un sanglier ; Tiphys mourut également, et Ancée prit sa place à la barre du navire.

Les Argonautes repartirent. Ayant franchi le Thermodon et le Caucase, ils atteignirent le fleuve Phase, en Colchide. Ils amarrèrent le navire, puis Jason se rendit auprès du roi Éétès, pour lui rapporter ce dont Pélias l’avait chargé, et pour lui demander la Toison. Éétès promit de la lui donner, mais à une condition : Jason devrait atteler à une charrue deux taureaux aux sabots d’airain. Les deux animaux, propriété d’Éétès, étaient un don d’Héphaïstos : énormes, sauvages, aux sabots de bronze, crachant du feu par la bouche. Jason devait atteler ces taureaux, puis semer des dents de dragon. Athéna en avait donné une moitié à Éétès, et l’autre moitié à Cadmos pour qu’il les sème à Thèbes. Jason ne savait vraiment pas comment faire pour atteler les deux taureaux. Mais Médée, la magicienne, la fille d’Éétès et de l’Océanide Idaea, tomba amoureuse de lui, et, craignant que Jason ne soit tué par les taureaux, elle décida de l’aider et de les atteler, en cachette de son père. Et elle lui dit qu’elle s’arrangerait pour qu’il obtienne la Toison d’or, à condition qu’il promette de l’épouser et de l’emmener en Grèce avec lui. Jason jura, et Médée lui donna un baume magique, avec lequel il devrait enduire son épée, sa lance, mais aussi son propre corps, avant d’affronter les taureaux : durant un jour entier ce baume le rendrait invulnérable au fer et au feu. Puis elle lui révéla que, tandis qu’il sèmerait les dents du dragon, de la terre surgiraient des hommes, tous armés contre lui. Quand Jason les verrait regroupés, de loin, il devait jeter des pierres au milieu d’eux : alors les hommes commenceraient à combattre les uns contre les autres, et le jeune homme parviendrait à les tuer. À ces paroles, Jason s’enduisit avec l’onguent magique ; il se rendit dans le bois sacré du temple, il trouva les taureaux et, en dépit du fleuve de feu avec lequel ils l’assaillirent, il réussit à les atteler. Puis il sema les dents du dragon, et, de la terre, surgirent des hommes en armes ; quand il les vit tous assemblés, sans se faire voir il leur jeta des pierres : ils commencèrent à se battre les uns contre les autres, Jason s’approcha et les tua. Bien que Jason eût réussi à atteler les taureaux, le roi Éétès refusa de lui donner la Toison d’or ; davantage : il complota de brûler le navire Argo et de tuer tout l’équipage. Mais avant qu’il ne pût mettre son plan à exécution, Médée, de nuit, se rendit auprès de Jason ; elle le mena à la Toison d’or, et, grâce à ses philtres magiques, elle endormit le dragon qui montait la garde. Ainsi put-il s’emparer de la Toison ; ensuite il monta sur le navire. Apsyrtos, le frère de Médée, les accompagna également. Et durant la nuit, ils mirent à la voile.

I, 9, 24. Quand il s’aperçut de ce que Médée avait osé faire, Éétès embarqua sur un navire et se lança à leur poursuite. Médée vit que son père les avait désormais rejoints ; alors elle tua son frère Apsyrtos, elle le découpa en morceaux qu’elle jeta dans la mer. De cette façon, Éétès interrompit sa poursuite pour rassembler les membres épars de son fils. Il rebroussa chemin et ensevelit ce qui était resté d’Apsyrtos dans le lieu qui fut ensuite appelé Tomi. Et à nouveau il chargea un grand nombre de ses sujets de poursuivre le navire Argo, en les menaçant de les châtier comme il aurait châtié Médée, s’ils ne la ramenaient pas. Les Colques s’organisèrent par groupes, et commencèrent les recherches en empruntant des routes diverses.

Quand les Argonautes eurent franchi le fleuve Éridan, Zeus, furieux à cause de l’assassinat d’Apsyrtos, déclencha contre eux une tempête terrible, qui les jeta hors de leur trajectoire. C’est ainsi qu’ils passèrent au-delà des îles Apsyrtides, et le navire émit une prophétie : la colère de Zeus ne cesserait pas si les Argonautes ne se dirigeaient pas vers l’Ausonie, où Circé les purifierait de l’assassinat d’Apsyrtos. Ayant franchi le territoire des Ligures et des Celtes, ils traversèrent la mer de Sardaigne, longèrent la côte tyrrhénienne et atteignirent Ééa, où, comme des suppliants, ils se présentèrent à Circé, et ils furent finalement purifiés.

I, 9, 25. Ils traversèrent ensuite les îles des Sirènes, et ce fut Orphée qui contint les Argonautes, en entonnant un chant plus beau encore que celui des Sirènes. Seul Butès se jeta dans la mer pour les rejoindre, mais Aphrodite l’enleva et le mena au cap Lilybée, où il s’établit.

Après les Sirènes, le navire rencontra Charybde et Scylla, et les roches Planctes, sur lesquels s’élevaient des flammes infinies et des colonnes de fumée. Héra appela Thétis et les Néréides pour qu’elles apportent leur aide au navire, et ainsi il put passer sans difficulté.

Puis ils longèrent la côte de la Trinacrie, où paissent les troupeaux d’Hélios, et ils atteignirent Corcyre, l’île des Phéaciens, où régnait Alcinoos. Les Colques qui les poursuivaient, entre-temps, ne parvenant pas à rejoindre le navire Argo, décidèrent de s’établir sur les monts Cérauniens, tandis qu’un autre groupe se dirigea vers l’Illyrie, et colonisa les îles Apsyrtides. Mais un troisième groupe arriva dans l’île des Phéaciens ; il trouva le navire Argo ; et les Colques réclamèrent Médée au roi Alcinoos. Celui-ci répondit que si la jeune fille s’était déjà unie à Jason, il était juste qu’elle reste avec lui ; mais si elle était vierge, il la renverrait à son père. Arété, la femme d’Alcinoos, en cachette de son mari, courut aussitôt provoquer l’union de Médée et de Jason ; c’est ainsi que les Colques demeurèrent vivre dans l’île des Phéaciens, et les Argonautes repartirent avec Médée.

I, 9, 26. Pendant la nuit, le navire fut assailli par une terrible tempête ; mais Apollon s’installa sur les rochers Mélantiens, et, en décochant des foudres sur la mer, il l’illumina : ainsi ils purent voir qu’il y avait une île non loin ; ils y abordèrent et l’appelèrent Anaphé, parce qu’elle était apparue (anaphanènai) à l’improviste, contre toute espérance. Puis ils élevèrent un autel à Apollon Lumineux, et préparèrent un festin pour le sacrifice. Douze esclaves, qui avaient été offertes à Médée par Arété, au cours du festin dansèrent et se moquèrent de leurs maîtres : c’est pour cette raison qu’encore aujourd’hui il est d’usage que les femmes sortent des plaisanteries amusantes pendant le sacrifice.

Ayant repris le voyage, les Argonautes atteignirent la Crète ; mais la présence de Talos les empêcha de pénétrer dans le port. Ce Talos, aux dires de certains, appartenait encore à la race de Bronze ; d’autres disent toutefois qu’il avait été offert à Minos par Héphaïstos. C’était un homme tout en bronze, même si certains soutiennent que c’était un taureau. Il avait une veine unique, qui parcourait son corps depuis la nuque jusqu’aux chevilles, et, à l’extrémité de cette veine, il y avait un clou en bronze qui la fermait. Talos, en tant que sentinelle, faisait chaque jour trois fois le tour de l’île : ayant aperçu le navire Argo qui s’approchait de la côte, il commença à le prendre pour cible avec de grosses pierres. Mais Talos aussi fut embobiné par Médée, et il mourut. Certains disent qu’avec ses drogues Médée le rendit fou ; d’autres au contraire que cela se passa de cette façon : Médée lui promit l’immortalité, et, tout au contraire, elle lui enleva le clou qui fermait sa veine, de façon que tout son ichor [5] s’échappa, et Talos mourut. Suivant une autre version, il mourut parce que Poéas lui décocha une flèche dans le talon.

Après une halte d’une nuit, les Argonautes parvinrent à Égine pour y puiser de l’eau, et ils firent une course pour savoir qui la portait le plus vite. De là, ils passèrent à travers le bras de mer, entre l’Eubée et la Locride, et ils atteignirent finalement Iolcos, après avoir navigué en tout quatre mois.

I, 9, 27. Entre-temps, Pélias, qui n’aurait jamais imaginé que les Argonautes reviendraient, avait comploté pour tuer Éson ; mais ce dernier lui avait demandé de pouvoir au moins se donner la mort seul : après avoir accompli un sacrifice, il but tranquillement du sang de taureau, et il mourut. La mère de Jason également maudit Pélias, puis elle se pendit, laissant un enfant encore dans des langes, Promachos. Et Pélias tua également le petit abandonné. Jason arriva et lui remit la Toison d’or ; puis il attendit le moment opportun pour se venger de tout ce qu’il avait subi. Un jour, il navigua avec ses nobles compagnons en direction de l’Isthme, et il consacra le navire à Poséidon. Puis il demanda à Médée d’imaginer un moyen de faire payer ses fautes à Pélias. Médée se rendit alors au palais de Pélias, et elle persuada ses filles de découper leur père en morceaux, puis de le faire bouillir, en promettant qu’avec ses philtres il redeviendrait jeune ; et elle en fournit aussi une preuve éclatante : ayant découpé un bélier, elle le fit bouillir et redevenir agneau. À présent convaincues, les jeunes filles démembrèrent leur père, et le mirent à bouillir. Acaste l’ensevelit, en présence des citoyens de Iolcos, puis il bannit Jason et Médée de la cité.

I, 9, 28. Tous deux se rendirent alors à Corinthe, où ils vécurent sereinement pendant dix années, jusqu’à ce que Créon, le roi de la ville, fiança sa fille Glaucé avec Jason : ce dernier répudia Médée et épousa la princesse. Médée prit les dieux à témoins, au nom desquels Jason lui avait juré fidélité ; et elle l’accusa d’ingratitude. Ensuite elle envoya comme cadeau à la jeune épouse un péplos enduit de poisons : dès que la jeune femme l’eut endossé, elle mourut aussitôt, consumée par un feu violent ; et son père mourut avec elle en essayant de la sauver. Quant aux enfants qu’elle avait eus de Jason, Merméros et Phérétès, Médée les tua. Puis elle monta sur le char du Soleil, tiré par des dragons ailés, et se réfugia à Athènes. Une autre version de la légende soutient au contraire que Médée, avant de s’enfuir, laissa ses fils encore enfants comme suppliants devant l’autel d’Héra Acraia : mais le peuple de Corinthe les arracha de là et les massacra.

Médée, donc, atteignit Athènes, où elle épousa Égée, et enfanta un fils, Médos. Mais par la suite, ayant comploté contre la vie de Thésée, elle fut bannie de la cité et s’exila avec son fils Médos. Ce dernier assujettit de nombreux peuples barbares, et il appela toute la région de son nom, la Médie. Puis il mourut en combattant contre les Indiens. Médée revint en secret en Colchide ; elle découvrit que son père Éétès avait été dépossédé du pouvoir par son frère Persès ; alors elle le tua et rétablit son père sur le trône.


[1] Appelés aussi Hécatonchires.
[2] Vengeance d’Artémis. Il faut garder à l’esprit que c’est elle qui a envoyé le sanglier de Calydon.
[3] Curieuse façon de tuer quelqu’un...
[4] Hésiode, Théogonie, (267) : « les Harpyes à la grande chevelure, Aello et Ocypété... »
[5] L’équivalent du sang, (fluide ?) pour les êtres divins.