APOLLODORE

Danaé, Persée, les Grées, les Gorgones...

Ugo Bratelli, 2001

Livre II, 4, 1-2

II, 4, 1. Acrisios, entre-temps, avait interrogé l'oracle du dieu afin de savoir comment il pourrait avoir des enfants mâles. Le dieu lui répondit qu'il aurait un petit-fils de sa fille, mais que celui-ci le tuerait. Craignant que cela ne se produisît, Acrisios enferma Danaé dans une salle souterraine, toute en bronze. Mais la jeune fille fut séduite par Proétos, suivant une version de l'histoire, et c'est ce qui fit éclater la discorde entre Proétos et Acrisios. Mais suivant une autre version, Zeus se changea en pluie d'or et, par le toit, se laissa couler dans le sein de Danaé. Quand Acrisios apprit que Danaé avait mis au monde le petit Persée, il ne voulut pas croire qu'il était de Zeus : il enferma Danaé et son petit-fils dans un coffre qu'il jeta à la mer. Poussé par le courant, le coffre arriva à Sériphos, et Dyctis prit l'enfant et l'éleva.

II, 4, 2. Le roi de Sériphos était Polydectès, le frère de Dyctis. Il tomba amoureux de Danaé, mais il ne pouvait pas s'approcher d'elle car, désormais, Persée était un homme. Alors il fit venir tous ses amis, parmi lesquels Persée, avec le prétexte de vouloir faire une collecte pour la dot du mariage d'Hippodamie, la fille d'Onomaos. Et Persée déclara qu'il ne refuserait même pas la tête de la Gorgone. Ainsi Polydectès demanda à tous les autres qu'ils donnent un cheval, mais à Persée, il ordonna qu'il lui porte la tête de la Gorgone. Alors Persée, guidé par Hermès et Athéna, se rendit chez les filles (1) de Phorcys et de Céto : Ényo, Péphrédo et Dino . Elles étaient les sours de la Gorgone, et vieilles depuis leur naissance : à elles trois, elles n'avaient qu'un oeil et qu'une dent, et elles se les passaient à tour de rôle. Persée s'en empara, et il leur dit qu'il les leur rendrait à condition qu'elles lui révèlent la route pour se rendre chez les Nymphes. Ces Nymphes avaient en leur possession les sandales ailées et le sac magique. [C'est ce que racontent de Persée Pindare, et Hésiode dans le Bouclier :
" Tout son dos était couvert par la tête d'un monstre terrible, la Gorgone, enfermée dans une besace(2). "
Ce sac s'appelle kibisis parce qu'on peut y mettre de la nourriture et des vêtements(3).] Ces Nymphes possédaient également le casque d'Hadès. Les Phorcydes lui indiquèrent le chemin, Persée leur rendit l'oil et la dent, et se rendit auprès des Nymphes qu'il cherchait. Il mit son sac en bandoulière, attacha ses sandales, et posa sur sa tête le casque qui avait le pouvoir de rendre invisible celui qui le portait. Persée reçut d'Hermès la faucille d'acier ; puis il vola jusqu'à l'Océan ; il trouva les Gorgones endormies. Elles étaient trois : Sthéno, Euryale et Méduse. Seule Méduse était mortelle : c'est pourquoi Persée devait s'emparer de la tête de cette dernière. À la place des cheveux, les Gorgones avaient des serpents entortillés, hérissés d'écailles ; et elles avaient d'énormes défenses de sangliers, et des mains de bronze, et des ailes en or qui leur permettaient de voler. Quiconque les regardait était changé en pierre. Persée, donc, les attaqua pendant leur sommeil. Athéna guidait sa main : tenant la tête tournée, et regardant l'image de Méduse reflétée sur le bouclier de bronze, il lui coupa la tête. Et du cou tranché bondit Pégase, le cheval ailé, et Chrysaor, le père de Géryon, que Méduse avait conçus avec Poséidon.


(1) Ce sont les Grées.
(2) Hésiode, Le bouclier, (223-224), trad. Bergougnan.
(3) On tente ici, à tort, de faire dériver le mot de kéisthai (se trouver, être situé) et de esthés (vêtement). Ce texte passe pour interpolé.