Livre II, 8, 1-5
II, 8, 1. Une fois qu'Héraclès fut admis parmi les dieux, ses enfants se réfugièrent auprès de Céyx, pour échapper à Eurysthée. Mais quand Eurysthée exigea leur extradition, et menaça de faire la guerre, ils prirent peur, laissèrent Trachis et s'enfuirent, à travers la Grèce tout entière. Toujours persécutés, ils arrivèrent à Athènes ; là, ils s'arrêtèrent près de l'autel des suppliants, en demandant protection. Les Athéniens refusèrent de les remettre à Eurysthée, et firent la guerre contre lui, au cours de laquelle ses fils - Alexandre, Iphimédon, Eurybios, Mentor et Périmède - furent tués. Eurysthée s'enfuit sur son char ; Hyllos le poursuivit, le rejoignit près des roches scironniennes et le tua. Puis il lui coupa la tête et la porta à Alcmène ; et elle lui arracha les yeux avec une aiguille.
II, 8, 2. Après
la mort d'Eurysthée, les Héraclides retournèrent dans
le Péloponnèse et se rendirent maîtres de toutes les cités.
Or, un an après leur retour, une terrible épidémie frappa
tout le Péloponnèse. Et un oracle révéla que la
faute en incombait aux Héraclides, parce qu'ils y étaient revenus
avant la date fixée. Alors ils quittèrent le Péloponnèse
et se retirèrent à Marathon, où ils s'établirent.
Avant leur départ du Péloponnèse, Tlépolème
avait involontairement tué Licymnios : il était en effet en
train de battre son esclave quand Licymnios s'interposa et prit par erreur
un coup de bâton. Alors Tlépolème partit en exil, avec
un assez grand nombre de compagnons, et arriva à Rhodes, où
il s'établit. Hyllos, comme son père sur le point de mourir
le lui avait dit, épousa Iole, et chercha le moyen de faire revenir
les Héraclides dans le Péloponnèse. C'est pourquoi il
se rendit à Delphes et demanda au dieu comment les faire revenir. Et
le dieu répondit qu'ils devaient attendre la troisième récolte.
Hyllos pensa que " troisième récolte " voulait dire
trois ans ; il attendit donc trois ans, puis il revint avec l'armée
[...] d'Héraclès dans le Péloponnèse, où,
en ce temps-là, régnait Tisaménos, le fils d'Oreste (1).
Un nouveau conflit éclata ; les Péloponnésiens sortirent
victorieux, et Aristomachos périt. Quand les enfants de Cléodéos
atteignirent l'âge adulte, de nouveau ils interrogèrent l'oracle
à propos de leur retour. Mais le dieu répéta ce qu'il
avait déjà répondu, et Téménos le blâma,
déclarant que justement pour avoir suivi cette réponse, ils
avaient essuyé de nombreux revers. Alors le dieu répliqua qu'ils
ne devaient s'en prendre qu'à eux mêmes de leur mauvaise fortune,
car ils n'avaient pas compris la réponse : elle se référait
à la troisième récolte non de la terre, mais de la génération,
et " détroit " faisait allusion à la vaste mer qui
s'ouvre à la droite de l'isthme (2).
Sachant cela, Téménos prépara son armée et construisit
des navires, en cette ville de la Locride qui, pour cette raison, de nos jours
est appelée Naupacte. Tandis que l'armée stationnait là,
Aristodème fut tué par la foudre ; il laissait deux jumeaux,
Eurysthénès et Proclès, qu'il avait eus d'Argia, la fille
d'Autésion.
II, 8, 3. Mais un autre malheur s'abattit sur l'armée de Naupacte.
Un jour un devin apparut, qui proférait des oracles, en proie au délire
prophétique : ils le prirent pour un sorcier envoyé par les
Péloponnésiens, afin de porter malheur à l'armée.
Alors Hippotès, le fils de Phylas, (fils lui-même d'Antiochos
né d'Héraclès), le frappa de sa lance et le tua. Pour
ce sacrilège, la flotte fut détruite, et l'infanterie frappée
par la famine, et décomposée. Téménos alors interrogea
l'oracle sur l'origine de ce malheur ; le dieu lui révéla que
tout cela était arrivé à cause de l'assassinat du devin.
Aussi devrait-il bannir le criminel pour une durée de dix ans, et prendre
pour capitaine un homme à trois yeux. Ils bannirent Hippotès,
et se mirent en quête d'un être à trois yeux. Ils le reconnurent
en Oxylos, fils d'Andræmon, qui montait un cheval qui n'avait qu'un
oeil (car l'autre lui avait été enlevé par une flèche).
Oxylos s'était exilé en Élide à cause d'un homicide,
et, à présent, un an ayant passé, il revenait en Étolie.
Suivant l'ordre de l'oracle, ils lui confièrent le commandement. Ils
affrontèrent leurs ennemis, les vainquirent sur terre et sur mer, et
tuèrent Tisaménos, le fils d'Oreste. Pamphylos et Dymas, les
fils d'Égimios, qui combattaient à leurs côtés,
moururent également.
II, 8, 4. Après s'être rendus les maîtres du Péloponnèse,
ils élevèrent trois autels à Zeus Père de la patrie
; ils y accomplirent des sacrifices, et ensuite se partagèrent les
différentes cités. La première à devoir être
attribuée était Argos, la deuxième Lacédémone,
et la troisième Messène. Ils se firent apporter une urne remplie
d'eau, et décidèrent que chacun devait y jeter un petit caillou,
qui permettrait de les reconnaître, afin de pouvoir procéder
au tirage au sort. Téménos et les deux fils d'Aristodème
- Proclès et Eurysthénès - y jetèrent des cailloux,
mais Cresphontès, qui voulait obtenir Messène, y jeta une motte
de terre. Dans l'eau, la terre se désagrégea, et seuls pouvaient
sortir les deux petits cailloux. Le premier sorti fut celui de Téménos,
puis celui des fils d'Aristodème : ainsi Cresphontès put avoir
Messène.
II, 8, 5. Et sur les autels du sacrifice ils trouvèrent des signes : ceux qui avaient obtenu Argos, un crapaud ; ceux qui avaient obtenu Lacédémone, un serpent, et ceux qui avaient obtenu Messène, un renard. Et de ces signes les devins firent ces déclarations : il était préférable, pour ceux avaient trouvé le crapaud, de rester dans leur ville (car cet animal n'a pas la force de marcher longtemps) ; ceux qui avaient trouvé le serpent deviendraient de terribles agresseurs ; enfin, ceux qui avaient trouvé le renard seraient des hommes rusés.
Téménos, négligeant les droits de ses fils, Agélaos, Eurypylos et Callias, favorisa sa fille Hyrnétho et son mari Déiphontès ; alors ils soudoyèrent un sicaire pour qu'il tue leur père. Le crime fut perpétré, mais l'armée établit que le royaume reviendrait à Hyrnétho et à Déiphontès. Cresphontès, lui aussi, régnait depuis peu sur Messène, quand il fut tué avec deux de ses enfants. Polyphontès, le dernier des Héraclides, monta sur le trône, et épousa la veuve du souverain assassiné, Mérope, contre sa volonté : et lui aussi fut tué. Mérope, en effet, avait un troisième fils, nommé Épytos, dont elle avait confié l'éducation à son père. Quand il eut grandi, il rentra dans la ville en cachette, il tua Polyphontès et reconquit le trône de son père.