APOLLODORE

Succession de Pandion, Céphale et Procris, Phinée, Cléopâtra, Zétès et Calaïs, Chioné, Eumolpos et Érechthée, Égée et Thésée

Ugo Bratelli, 2002

III, 15, 1. À la mort de Pandion, ses enfants se partagèrent l'héritage paternel ; Érechthée monta sur le trône, et Butès devint le prêtre d'Athéna et de Poséidon Érechthéen. Érechthée épousa Praxithée, la fille de Phrasimos et de Diogénie (fille elle-même du Céphise), et engendra trois garçons, Cécrops, Pandoros et Métion, et quatre filles, Procris, Créuse, Chthonia, et Orithyie qui fut enlevée par Borée.
Chthonia épousa Butès ; Créuse Xouthos ; et Procris Céphale, le fils de Déion. Contre une couronne d'or, Procris coucha avec Ptéléon ; mais Céphale la surprit, et sa femme se réfugia auprès de Minos. Minos tomba amoureux d'elle et chercha à la séduire. Mais, quelle qu'elle fût, la femme qui couchait avec Minos courait à sa perte : car Pasiphaé, comme Minos avait toujours de nombreuses maîtresses, lui avait jeté un sort, et chaque fois qu'il approchait une femme autre que son épouse, Minos éjaculait dans son ventre des bêtes venimeuses, et la malheureuse mourait. Minos possédait un chien très rapide et un javelot qui ne manquait jamais sa cible ; il les donna à Procris et la femme coucha avec lui ; mais auparavant, elle lui avait fait boire un philtre préparé par Circé à base d'une racine particulière, qui empêchait tout dommage venant de Minos. Craignant néanmoins la vengeance de Pasiphaé, Procris partit pour Athènes, et se réconcilia avec Céphale et, avec lui, participa à une chasse, car c'était une chasseresse avertie. Procris suivit son époux parmi les buissons et Céphale, sans savoir qu'il s'agissait de sa femme, lança son javelot, l'atteignit et la tua. Jugé à l'Aréopage, Céphale fut condamné à un exil perpétuel.

III, 15, 2. Alors qu'elle jouait au bord du fleuve Ilissos, Orithyie fut enlevée par Borée et fit l'amour avec lui ; elle mit au monde deux filles, Cléopâtra et Chioné, et deux fils ailés, Zétès et Calaïs, qui prirent part à l'expédition de Jason, et moururent alors qu'ils poursuivaient les Harpyies. Mais d'après Acousilaos, ils furent tués par Héraclès à Ténos.

III, 15, 3. Cléopâtra épousa Phinée, et mit au monde deux fils, Plexippos et Pandion. Après avoir eu ces deux garçons de Cléopâtra, Phinée épousa Idéa, la fille de Dardanos. La femme calomnia ses beaux-fils, disant à Phinée qu'ils l'avaient séduite ; son mari la crut et les aveugla tous les deux. Mais quand ensuite les Argonautes passèrent dans la région, ils le châtièrent avec Borée.

III, 15, 4. Chioné coucha avec Poséidon. À l'insu de son père, elle mit au monde Eumolpos et, pour ne pas être découverte, elle jeta son enfant dans les profondeurs de l'océan. Mais Poséidon le recueillit, le mena en Éthiopie et confia son éducation à Benthésicymé, sa fille, qu'il eut d'Amphitrite. Quand il devint grand, [Endios], le mari de Benthésicymé, lui donna en mariage une de ses filles. Mais Eumolpos chercha à violer aussi la sœur de sa femme, et pour cette raison il fut exilé. Avec son fils Ismaros, il trouva refuge à la cour de Tégyrios, le roi de Thrace, qui accorda au fils d'Eumolpos la main de sa fille. Mais quelque temps après, il fut surpris en train de comploter contre Tégyrios ; il fut de nouveau exilé et se réfugia auprès des Éleusinéens, avec lesquels il se lia d'amitié. Quand ensuite Ismaros mourut, il fut rappelé par Tégyrios, mit fin à leur querelle et lui succéda sur le trône. La guerre éclata entre les Éleusinéens et les Athéniens ; alors Eumolpos fut appelé à la rescousse par les Éleusinéens et combattit à leurs côtés, avec une puissante armée thrace. Érechthée interrogea l'oracle pour savoir si les Athéniens vaincraient ; le dieu répondit que pour obtenir la victoire en cette guerre il devrait immoler l'une de ses filles. Érechthée sacrifia la plus jeune ; ses autres sœurs, alors, s'égorgèrent elles aussi. Et ceci, parce que, dit-on, elles avaient prêté serment mutuel de mourir ensemble. Dans la bataille qui suivit, Érechthée tua Eumolpos.

III, 15, 5. Poséidon anéantit Érechthée et toute sa maison, et Cécrops, l'aîné de ses fils, devint roi. Il épousa Métiaduse, la fille d'Eupalamos, et engendra Pandion. Pandion régna après lui, mais fut chassé lors d'une sédition des fils de Métion. Il se rendit alors à Mégare, à la cour de Pylas, et épousa sa fille, Pylias. Par la suite, le trône de la cité lui fut confié. De fait, Pylas, ayant tué le frère de son père, Bias, céda le royaume à Pandion, et s'exila dans le Péloponnèse avec une partie de ses sujets ; il y fonda la cité de Pylos.

À Mégare, Pandion eut quatre fils, Égée, Pallas, Nisos et Lycos. Certains disent qu'Égée était le fils de Scyrios, et que Pandion le fit passer pour le sien.

III, 15, 6. Après la mort de Pandion, les enfants marchèrent sur Athènes, ils chassèrent les Métionides, et partagèrent le royaume en quatre ; mais Égée obtint le pouvoir absolu. Sa première femme fut Méta, la fille d'Hoplès, et sa deuxième femme fut Chalciopé, la fille de Rexénor. Mais comme il ne réussissait pas à avoir d'enfants, et craignant que ses frères n'usurpent le trône, il alla consulter la Pythie ; il l'interrogea sur la façon dont il pourrait avoir des descendants. Et le dieu lui fit cette réponse :

Le pied qui sort de l'outre, ô le meilleur d'entre les hommes,
Veille à ne pas le délier avant d'avoir atteint le plus haut point d'Athènes.
Égée, qui ne savait comment interpréter la réponse, reprit le chemin d'Athènes.

III, 15, 7. De passage à Athènes, il fut l'hôte de Pitthée, le fils de Pélops. Pitthée comprit la réponse : il enivra Égée et le fit coucher avec sa fille Éthra. Mais, la même nuit, Poséidon aussi s'unit avec la jeune fille. Égée recommanda à Éthra, si un garçon naissait, de l'élever sans lui dire qui était son père ; puis il laissa sous une pierre une épée et des sandales, et ajouta que, quand le garçon serait en mesure de faire rouler la pierre et de prendre ces objets, alors le moment serait venu de le lui envoyer, avec l'épée et les sandales.

Égée revint à Athènes et célébra les jeux des Panathénées, au cours desquels Androgée, le fils de Minos, l'emporta sur tous ses concurrents. Égée l'envoya alors capturer le taureau de Marathon, qui le tua. Il y en a qui rapportent qu'Androgée se rendit à Thèbes pour prendre part aux jeux donnés en l'honneur de Laïos ; que ses adversaires, par jalousie, lui tendirent un guet-apens et le tuèrent. Quand on lui porta la nouvelle de la mort de son fils, Minos accomplissait un sacrifice en l'honneur des Charites, à Paros ; il arracha la guirlande de sa tête, fit taire les joueurs de flûte mais termina tout de même le sacrifice ; c'est pourquoi encore aujourd'hui à Paros le sacrifice aux Charites est accompli sans flûtes ni fleurs.

III, 15, 8. Quand, un peu plus tard, Minos eut la maîtrise de la mer, avec sa flotte il fit la guerre à Athènes ; il prit la cité de Mégare, qui était gouvernée par Nisos, le fils de Pandion ; il tua Mégarée, le fils d'Hippoménès, qui, d'Onchestos, était venu prêter main-forte à Nisos. Nisos lui aussi périt, à cause de la trahison de sa fille. Au milieu de la tête, Nisos avait un cheveu de couleur pourpre, et un oracle avait révélé que, s'il lui était coupé, le roi mourrait. Sa fille Scylla tomba amoureuse de Minos et coupa le cheveu de son père. Mais quand Minos se fut rendu maître de la ville, il attacha par les pieds la jeune fille à la proue du navire et la noya.

La guerre désormais s'éternisait, et Minos ne parvenait pas à prendre Athènes. Alors il pria Zeus qu'il lui accorde sa vengeance sur les Athéniens. Ainsi la cité fut-elle ravagée par la famine et la maladie. La première chose que les Athéniens firent, conformément à un antique oracle, fut d'égorger, sur la tombe du Cyclope Géreste, les filles de Hyacinthos, Anthéis, Égléis, Lytéa et Orthéa (leur père, Hyacinthos, était venu de Sparte et s'était établi à Athènes). Mais cela ne servit à rien. Alors ils interrogèrent l'oracle pour savoir comment se libérer des fléaux. Le dieu répondit qu'ils devraient payer à Minos le tribut que celui-ci leur imposerait. Ils dépêchèrent donc des messagers auprès de Minos pour connaître ses exigences. Le roi leur ordonna d'envoyer sept jeunes garçons et sept jeunes filles, sans armes, en pâture au Minotaure. Le Minotaure était enfermé dans un labyrinthe d'où, pour quiconque y entrait, il était impossible ensuite de sortir ; car si nombreux étaient les méandres enchevêtrés, qu'ils empêchaient de trouver la sortie. Dédale l'avait conçu, le fils d'Eupalamos (fils lui-même de Métion) et d'Alcippé. Dédale était un très grand architecte ; c'est lui qui, le premier, inventa l'art figuratif.

9. Il avait été banni d'Athènes pour avoir précipité du haut de l'Acropole Talos, le fils de sa sœur Perdix. Talos était son élève ; mais Dédale craignait que ses dons ne surpassent un jour les siens. L'enfant, en effet, avait trouvé une mâchoire de serpent, et il avait scié un morceau de bois avec. Le cadavre de Talos fut découvert ; Dédale, jugé sur l'Aréopage, condamné, se réfugia auprès de Minos. Entre-temps, Pasiphaé était tombée amoureuse du taureau de Poséidon ; Dédale lui offrit sa complicité et construisit une vache en bois. Puis il bâtit le labyrinthe, justement celui où les Athéniens, chaque année, devait envoyer sept jeunes garçons et sept jeunes filles en pâture au Minotaure.