DIOGÈNE LAËRCE

MÉTROCLÈS (Cynique)

Traduction Robert Genaille, 1933

Métroclès, originaire de Maronée[1], frère d’Hipparchia, fut d’abord élève de Théophraste, le philosophe péripatéticien ; il était si malade qu’il se laissa aller un jour, en pleine discussion philosophique, à lâcher un vent qu’il ne pouvait retenir. Il en fut si honteux, qu’il s’enferma chez lui, et voulut se laisser mourir de faim. Cratès l’apprit, vint le voir, après avoir à dessein mangé des fèves. Il lui démontra d’abord qu’il n’avait rien fait de mal, il lui dit que ce serait une chose bien surprenante de ne point lâcher de vent comme le veut la nature. Et là-dessus, il se met à péter. Il lui rendit ainsi courage en lui montrant qu’il faisait comme lui. Dès lors Métroclès fut son disciple et devint un habile philosophe. Il brûla ses livres[2] en disant :

Ce ne sont que des fantômes, des songes infernaux

(c’est-à-dire des futilités). D’autres auteurs prétendent que ce qu’il brûla, ce sont les Commentaires de Théophraste, qu’il avait recueillis de sa bouche, et qu’il dit :

Héphaïstos, viens ici, Thétis a besoin de toi.

Il disait qu’il y a des choses qu’on acquiert par de l’argent, comme une maison, et d’autres, avec le temps et par son travail, comme la science. La richesse lui paraissait blâmable, si l’on n’était pas digne de l’avoir. Il mourut très vieux en s’asphyxiant volontairement. Il eut pour disciples Théombrote et Cléomène. Théombrote eut à son tour pour élève Démétrios d’Alexandrie ; Cléomène, de son côté, fut le maître de Timarque d’Alexandrie et d’Échéclès d’Éphèse. Cet Échéclès fut aussi auditeur de Théombrote, qui eut pour disciple Ménédème, dont je parlerai. On peut encore ranger parmi eux un homme célèbre : Ménippe de Sinope.


[1] Ville de Thrace dont les vignes donnaient un cru renommé dans l’antiquité.
[2] cf. Hécaton, Sentences, livre I