Leucippe d’Élée, ou d’Abdère[1] ou
encore de Mélis. Il fut disciple de Zénon. Il pensait que toutes choses étaient
illimitées, et se transformaient les unes en les autres, que le tout était
vide et rempli de corps[2] que
les mondes se formaient quand ces corps entraient dans ce vide et se
mêlaient les uns aux autres ; que de leur mouvement et de leur
agglomération naissait la nature des astres ; que le soleil se
meut dans un plus grand cercle autour de la lune ; que la terre
est emportée dans le milieu par un mouvement de rotation, et qu’elle
ressemble à un tambour. Il est le premier à avoir mis les atomes comme
principes de toutes choses. En résumé, voilà ses opinions. Dans leur
détail, les voici : Il dit que l’univers est illimité, je viens
de le dire, qu’une partie est pleine et l’autre vide. Les éléments
et les mondes qu’ils créent sont infinis et se résolvent en ces éléments.
Voici comment se forment les mondes : par la division de l’infini,
beaucoup de corps de formes variées se réunissent dans le vide immense ;
rassemblés, ils ne forment plus qu’un seul tourbillon, par lequel,
en se heurtant et se roulant en tous sens, ils se séparent et les semblables
se mettent avec les semblables. Ne pouvant garder leur équilibre à cause
de leur nombre, les corps les plus minces vont vers le vide extérieur,
comme si on les avait passés au crible, et le reste demeure au centre,
s’assemble étroitement, se solidifie et fait tout d’abord une masse
solide sphérique. Elle est d’abord comme une membrane contenant en
elle des corps de toutes sortes. Ceux-ci tourbillonnent à cause des
poussées venues du centre et forment encore une petite membrane à l’extérieur,
où de nouveaux corps s’attachent toujours, par suite de l’effleurement
du tourbillon. Et c’est ainsi que se forme la terre, les corps jetés
vers le milieu y étant demeurés, et la partie qui l’entoure comme une
membrane s’accroît par l’influence des corps externes, et dans le tourbillon
qui l’emporte, elle s’agrège tout ce qui la touche. De ces corps, ceux
qui s’agrègent forment une masse compacte, d’abord humide et boueuse,
qui se dessèche, et est emportée dans le tourbillon de l’ensemble[3]. Ensuite,
s’ils viennent à s’enflammer, ils donnent naissance aux astres. Le
soleil est le cercle le plus à l’extérieur, et celui de la lune est
le plus proche de la terre, ceux des astres sont intermédiaires. Et
d’une façon générale tous les astres, à cause de la rapidité de leur
mouvement, s’enflamment, et le soleil est enflammé par les astres.
La lune n’a qu’une faible part de feu. Il y a éclipse de soleil et
de lune quand la terre se tourne vers le midi ; les régions qui
sont voisines de l’Ourse sont continuellement sous la neige, gelées
et glacées. Il y a très peu d’éclipses de soleil, mais il y en a constamment
de la lune, parce que ses cercles sont inégaux. De même qu’il y a une
naissance du monde, il y a aussi une croissance, un dépérissement et
une ruine, selon une nécessité qu’il n’élucide pas très bien.