DIOGÈNE LAËRCE

ARCHYTAS (Pythagoricien)

Traduction Robert Genaille, 1933

Archytas de Tarente, fils de Mnésagore, ou selon Aristoxène d’Estiaios, fut lui aussi un Pythagoricien. C’est lui qui par lettre tira Platon des mains de Denys qui voulait le faire périr [1] . Sa grande vertu en faisait pour tout le monde un objet d’admiration. Et en effet, il fut sept fois stratège dans sa ville, alors que les autres citoyens ne pouvaient pas l’être plus d’un an, car la loi le défendait. Platon lui écrivit deux lettres après qu’Archytas lui eut d’abord écrit en ces termes :

ARCHYTAS A PLATON

« Je suis heureux que tu aies retrouvé ta santé, comme tu me l’annonces toi-même, et comme je l’ai su par Lamiscos. Je me suis occupé de tes écrits et je suis allé chez les Lucaniens, où j’ai trouvé les écrits d’Ocellos. J’ai tout ce qui concerne la loi, la royauté, la justice, et d’une façon générale la génération, et je te l’ai envoyé. Pour le reste, on ne peut pas le trouver ; si on le trouve, on te l’enverra. »

Ainsi écrivit Archytas. Voici la réponse que lui fit Platon :

PLATON A ARCHYTAS

« Je ne saurais dire combien j’ai été heureux de recevoir les écrits que tu m’as envoyés et combien j’admire leur auteur. Il m’a paru un homme bien digne de ses ancêtres si fameux. Ne dit-on pas que ces gens-là étaient des Myréens, c’est-à-dire une famille troyenne qui avait émigré avec Laomédon, gens de bien, si l’on en croit la légende qui les concerne.

Quant à mes propres écrits à quoi tu as fait allusion, ils ne me paraissent pas encore au point. Je te les envoie pourtant tels quels. Pour leur conservation nous sommes tout à fait d’accord, il n’est donc pas besoin d’ajouter des conseils. Porte-toi bien. »

Voilà donc les lettres qu’ils s’écrivirent réciproquement.

Il y eut quatre Archytas : le premier, dont je viens de parler ; le second était un musicien de Mitylène, le troisième a fait un traité d’agriculture, le quatrième était un auteur d’épigrammes. On ajoute parfois un cinquième personnage, un architecte, dont on rapporte un livre de mécanique commençant ainsi : « Voilà ce que j’ai appris de Teucer de Chalcédoine. »

Voici ce que l’on raconte d’Archytas le musicien on le raillait de n’avoir pas encore réussi à se faire écouter, il répondit : « Mon instrument combat pour moi et parle. »

Quant au philosophe pythagoricien, Aristoxène raconte qu’étant stratège, il ne fut jamais vaincu. Il n’abdiqua son commandement qu’une fois, parce qu’on le jalousait, et naturellement ses soldats furent battus. C’est le premier qui introduisit l’emploi des principes mathématiques en mécanique, et le premier qui appliqua le mouvement organique à la description géométrique, en cherchant à tirer de la section d’un demi-cylindre deux moyennes analogues pour former le double du cube. De même, c’est lui qui trouva le premier le cube en géométrie, comme Platon l’atteste dans sa République.



[1] Ce fait se rapporte au deuxième voyage de Platon en Sicile ; la lettre d’Archytas est donnée par D.L. au début du Livre III consacré à Platon.