DIOGÈNE LAËRCE

EUDOXE (Pythagoricien)

Traduction Robert Genaille, 1933

Eudoxe, fils d’Eschine, originaire de Cnide, astrologue géomètre, médecin, législateur [1] . Il apprit la géométrie d’Archytas, la médecine de Philistion de Sicile (cf. Callimaque, Tables). Sotion (Successions) dit qu’il fut aussi disciple de Platon. En effet, âgé d’environ vingt-trois ans, pauvre, mais très désireux de s’instruire, excité par la réputation des socratiques, il vint à Athènes avec le médecin Théomodon, qui l’entretenait (d’autres disent qu’il était son mignon). Descendu au Pirée, il venait à Athènes chaque jour pour entendre les sophistes, et revenait au port chaque soir [2] . Après un séjour de deux mois, il revint dans son pays, puis ayant reçu de l’argent de ses amis, il s’en alla en Égypte avec le médecin Chrysippe, portant à Nectanabis des recommandations de la part d’Agésilas. Nectanabis le recommanda aux prêtres. Il y resta seize mois, ayant fait couper sa barbe et raser ses sourcils, et écrivit, selon une tradition, la Période de huit années. Après quoi, il alla professer la physique à Cyzique et en Propontide, et alla ensuite voir Mausole. Puis il revint à Athènes, où il eut de nombreux disciples, pour fâcher Platon, dit-on, car Platon n’avait pas voulu le garder avec lui.

Une tradition veut qu’un jour où Platon recevait à un banquet, ce fut lui qui inventa de disposer les lits en demi-cercles, pour faire tenir tout le nombre des invités. Nicomaque, fils d’Aristote, dit que selon lui le plaisir était un bien. Il fut comblé d’honneurs dans sa patrie, comme le montre le décret qui eut lieu en sa faveur. Mais il fut par surcroît très estimé des Grecs pour avoir écrit des lois pour ses concitoyens (cf. Hermippe, des Sept sages, livre IV) et pour avoir écrit des traités d’astrologie, de géométrie, et d’autres ouvrages mémorables. Il eut trois filles : Achtis, Philtis et Delphis. Ératosthène affirme (livres sur Baton) qu’il a composé des dialogues où il met en scène des philosophes cyniques, d’autres disent qu’il n’a fait par là que traduire en grec des ouvrages écrits par les Égyptiens en leur langue. Il eut pour disciple Chrysippe de Cnide, fils d’Érineus, en matière de théologie, de physique et de météorologie, en médecine il eut pour maître Philistion de Sicile. Et il a laissé de très beaux commentaires. Il eut pour fils Aristagoras dont Chrysippe, fils d’Aéthlios, fut l’élève, auquel on attribue des remèdes de la vue, car il s’occupa de recherches sur la nature.

Il y eut trois Eudoxe : celui-ci, un second, de Rhodes, historien, un troisième, de Sicile, fils d’Agathoclès, poète comique qui remporta trois fois le prix de la cité, cinq fois le prix aux Lénéennes, selon ce que dit Apollodore dans ses Chroniques. J’en ai trouvé moi-même un quatrième, médecin de Cnide, dont Eudoxe (Traité des mouvements circulaires de la terre) dit qu’il avait coutume de conseiller de tenir en agitation constante et par des exercices gymniques, les articulations et les sens également.

Le même auteur rapporte qu’Eudoxe avait quarante ans vers la cent troisième olympiade [3] et qu’il inventa la théorie des lignes courbes. Il mourut à l’âge de cinquante-trois ans. Quand il était encore en Égypte avec Chronouphis d’Héliopolis, Apis [4] lui lécha son manteau, et les prêtres dirent alors qu’il serait célèbre, mais qu’il vivrait peu (cf. Phavorinos, Commentaires). J’ai écrit sur lui les vers suivants :

On raconte à Memphis qu’Eudoxe

Apprit sa destinée du taureau à la belle corne.

Ce taureau ne dit rien. Comment un boeuf parlerait-il ?

La nature n’a pas donné au veau Apis une bouche qui parle,

Mais se tenant à son côté, il lécha son manteau,

Ce qui signifiait évidemment : « Tu mourras sans tarder. »

C’est pourquoi la mort vint le trouver

Alors qu’il n’avait que cinquante-trois pléiades [5] .

Au lieu d’Eudoxe, on l’appelait Endoxe [6] à cause de sa brillante réputation.

Mais puisque j’ai parcouru d’un bout à l’autre la vie des plus fameux Pythagoriciens, venons-en maintenant aux isolés, et tout d’abord, commençons comme il convient par Héraclite.



[1] Cf. Plutarque : « Eudoxe de Cnide, Aristote de Stagyre et Platon, qui étaient contemporains, rédigèrent des lois. »
[2] Le même fait a été raconté pour Antisthène (liv. VII).
[3] Vers 368.
[4] Le boeuf Apis, divinité égyptienne connue.
[5] C.-à-d. 53 ans.
[6] Jeu de mots sur Eudoxe et sur un paronyme signifiant « illustre ».