DIOGÈNE LAËRCE

MYSON (Les Sept Sages)

Traduction Robert Genaille, 1933

Myson, fils de Strymon, était, selon Sosicrate et Her­mippe, originaire de Chénée, bourgade de l’Oeta ou de la Laconie. On le compte parmi les sept sages, on dit aussi que son père était un tyran. On raconte qu’Anacharsis ayant demandé qui était plus sage que lui, la Pythie lui répondit, comme je l’ai dit plus haut dans la vie de Thalès, au sujet de Chilon :

J’affirme qu’un habitant de l’Oeta, Myson, né à Chénée,

Est plus que toi riche en sages pensées.

Le consultant vint à cette bourgade et trouva Myson, en plein été, mettant un manche à sa charrue. Il lui dit : « Voyons, Myson, ce n’est pas le temps de la charrue. » Myson lui répondit : « C’est le moment au contraire, si je veux qu’elle soit prête à temps. » D’autres auteurs disent que l’oracle répon­dit : « Je déclare qu’il y a un Étéen », et ils se deman­dent ce que cela peut être. Parménide croit qu’il s’agit d’un pays de Laconie dont Myson serait originaire. Sosicrate (Successions) dit qu’il s’agit de son père Étéios, et que Chénée est le nom de sa mère. Euthyphron, fils d’Héraclide du Pont, dit qu’il était originaire de Crète, car Étéia est une ville de Crète. Anaxilaos tient pour l’Arcadie. Hipponax le cite en ces termes : « Il y a aussi Myson, dont Apollon déclara qu’il était le plus sage des hommes. » Aris­toxène (Mélanges) dit qu’il ressemblait à Timon et à Apémantos, et qu’il était misanthrope.

Ce qui est sûr, c’est qu’on le vit à Sparte, riant tout seul dans un endroit écarté, et qu’on lui demanda pourquoi il riait ainsi tout seul. Il répondit : « C’est précisément parce que je suis seul. » Aristoxène dit encore qu’on le méprisait, car il venait de son village et non de la ville et, pour cette raison, il était peu connu. C’est aussi pourquoi on attribue la plupart de ses bons mots à Pisistrate. Platon le philosophe parle de lui, il est vrai, dans le Protagoras, et le met parmi les sages à la place de Périandre. Il aimait à dire qu’il ne fallait pas croire les choses sur les paroles, mais éprouver les paroles par les choses, car les choses ne se font pas en vue des paroles, les paroles se font en vue des choses. Il mourut à l’âge de quatre-vingt­dix-sept ans.