DIOGÈNE LAËRCE

SOLON (Les Sept Sages)

Traduction Robert Genaille, 1933

Solon[1], fils d’Execestidas, originaire de Salamine, a pour la première fois donné aux Athéniens ce qu’on appelle la sisachtie[2], c’est-à-dire le rachat des corps et des biens. Les prêts avaient, en effet, les personnes pour gages, et beaucoup de gens, réduits à l’indigence, devenaient esclaves. Or, on devait à Solon sept talents venant de la succession de son père. Il fit le premier remise de cette dette et engagea les autres Athéniens à faire comme lui. Cette loi fut appelée sisachtie, on comprend pourquoi. Solon fit ensuite voter d’autres lois[3], qu’il serait trop long d’énumérer et qu’il fit graver sur des tables mobiles[4].

Voici un autre fait notable : Athènes et Mégare se disputaient Salamine, patrie de Solon. Les Athéniens, ayant déjà subi de nombreux désastres dans les combats, avaient fini par décréter qu’on punirait de mort quiconque conseillerait de se battre encore pour Salamine. Solon usa d’un stratagème. Couronné, simulant la folie, il vint à l’agora. Ayant fait assembler les citoyens par la voix du héraut, il lut les élégies qu’il avait écrites sur Salamine. Elles enflammèrent les Athéniens, qui, de nouveau, firent la guerre aux Mégariens, et, grâce à Solon, ils remportèrent la victoire. Voici les vers qu’il récita aux Athéniens :

Que ne suis-je Pholégandrien ou Sicinite,

Et non pas Athénien ! que n’ai-je changé de patrie !

J’aurais pu dire depuis longtemps

Je suis un Athénien chassé de Salamine !

et encore :

Allons combattre à Salamine, défendons l’île charmante,

Et repoussons cette lourde infamie.

Il persuada aussi les Athéniens de reprendre la Chersonèse de Thrace. Pour prouver qu’ils possédaient Salamine autant par droit que par force, il fit ouvrir des tombes. Il montra que les cadavres étaient tournés vers l’orient, conformément à la coutume athénienne, que les tombeaux eux-mêmes étaient tournés vers l’orient, et que les noms des dèmes y étaient inscrits, ce qui est encore propre aux Athéniens. Selon une autre tradition, c’est lui qui fit rédiger le catalogue d’Homère à partir des vers[5] :

Ajax conduisant, au sortir de Salamine, douze vaisseaux,

Plaça son camp où s’étaient établies les troupes athéniennes.

Il fut bien vite l’idole de son peuple, qui lui offrit spontanément la tyrannie. Il la refusa, et même, voyant que son parent Pisistrate la briguait, il lui fit obstacle de toutes ses forces. Il vint un jour à l’assemblée avec une cuirasse et un bouclier, il avertit les Athéniens de l’imposture de Pisistrate, et, allant plus loin, il affirma qu’il était prêt à les secourir contre lui, disant : « Athéniens, je suis plus sage que certains d’entre vous, et plus courageux que les autres ; je suis plus sage que ceux qui n’ont pas compris les mauvais desseins de Pisistrate, et je suis plus courageux que ceux qui les connaissent et se taisent par peur[6]. » Le sénat, partisan de Pisistrate, disait que Solon était fou, à quoi Solon répliqua :

Si je suis fou, vous le saurez dans quelque temps, citoyens,

Vous le saurez, quand la vérité sera mise à jour.

Les vers concernant la tyrannie de Pisistrate étaient ceux-ci :

Des rafales de neige et de grêle sortent des nuages ;

Dans le ciel clair, le tonnerre gronde,

Souvent les villes périssent par le fait d’hommes puissants,

Et le peuple, par ignorance, devient esclave d’un tyran.

Quand Pisistrate l’emporta, ne voulant pas lui obéir, il suspendit ses armes devant la salle des stratèges, en disant : « O ma patrie, je t’ai secourue autant que j’ai pu, par mes paroles et par mes actes » ; et là-dessus, il prit le bateau pour l’Égypte et pour Chypre. Il alla voir Crésus. Celui-ci lui demanda :

« Quel homme te semble heureux ? », à quoi Solon répondit : « L’Athénien Tellos, Cléobis et Biton[7]. » Il lui dit encore beaucoup de paroles bien connues. Par exemple, Crésus, s’étant paré avec le plus grand soin et assis sur son trône, lui demanda s’il avait déjà vu plus beau spectacle. Il répondit : « Les coqs, les faisans et les paons sont plus beaux, car leur ornement est naturel et partant dix mille fois plus beau. »

Ayant quitté Crésus, il vint en Cilicie, y fonda une ville qui prit d’après lui le nom de Solos ; il y établit des Athéniens, qui, avec le temps, ayant changé leur accent, en prirent un nouveau, propre à eux, et « solocisèrent », on les appela Soles et ceux de Chypre Soliens.

Quand il apprit que Pisistrate était devenu tyran, Solon écrivit aux Athéniens :

Si vous êtes malheureux par votre propre faute,

N’en rejetez pas la faute sur les dieux,

C’est vous qui avez donné leur pouvoir à vos chefs,

C’est pourquoi vous êtes de misérables esclaves,

Vous marchez maintenant dans les traces du renard,

Et vous n’avez qu’un esprit vain,

Car vous regardez la langue et les vaines paroles,

Mais n’avez aucun souci des actes.

Quand Pisistrate, de son côté, eut appris sa fuite, il lui écrivit.

PISISTRATE A SOLON

« Je ne suis pas le seul Grec qui ait aspiré à la tyrannie. Ce pouvoir que j’ai assumé est un bien propre à ma famille, car je descends des fils de Codrus[8]. Ce que j’ai pris, c’est ce que les Athéniens avaient juré de conserver à Codrus et à ses descendants, et ce que, malgré leurs serments, ils leur avaient enlevé. Je n’ai jamais, et pas davantage dans les circonstances actuelles, commis aucun crime, ni contre les dieux ni contre les hommes. J’entends gouverner en observant les lois que vous avez établies pour les Athéniens. Ils seront d’ailleurs mieux gouvernés que sous le régime démocratique, car j’interdis qu’on fasse tort à personne. Je suis le tyran, et pourtant je n’ai ni plus d’honneurs, ni plus d’avantages qu’aucun citoyen, et je n’ai pas d’autres tributs que ceux qu’on donnait à mes prédécesseurs. Chaque Athénien met de côté le dixième[9] de son bien, non pas pour moi, mais pour toutes les dépenses visant les sacrifices publics, les entreprises communes et une guerre éventuelle contre nous. Je ne vous en veux point d’avoir écrit des poèmes contre ma tentative, je sais que vous avez donné vos avertissements pour le bien de la ville, et non par haine contre moi, et parce que vous ignoriez la forme exacte du gouvernement que je devais établir ; si vous l’aviez connue, vous auriez sans doute supporté mon avènement, et vous ne vous seriez pas exilé. Rentrez donc en votre maison, avec assurance et sans conditions jurées, car Solon n’a rien à craindre de Pisistrate. Vous savez bien d’ailleurs qu’aucun de mes ennemis n’a eu à se plaindre de moi. Si vous jugez bon de devenir un de mes amis, vous aurez dans l’État une place importante, car je ne vois en vous ni perfidie, ni infidélité possible. Si vous préférez vivre ailleurs qu’à Athènes, libre à vous ; mais qu’il ne soit pas dit que vous avez quitté la ville à cause de moi. »

Voilà la lettre de Pisistrate. Voici les sentences et les décrets de Solon :

« La durée moyenne de la vie humaine est de soixante-dix ans. Si quelqu’un ne nourrit pas ses parents, qu’il soit frappé d’atimie[10]. Même mesure pour qui a dilapidé les biens de ses pères. A tout homme qui ne travaille pas, le premier venu pourra intenter un procès. Lysias, dans son livre contre Nicias, déclare que c’est Dracon qui proposa la loi et que Solon écarta seulement de la tribune tout homme notoirement débauché. Il diminua les récompenses accordées aux athlètes vainqueurs, et fixa cinq cents drachmes pour les jeux olympiques, cent pour les isthmiques et une somme analogue pour les autres jeux. Désirer cette gloire lui paraissait méprisable. Il faisait exception pour les honneurs rendus aux soldats morts dans les batailles ; leurs fils devaient être nourris aux frais de l’État. Ces lois excitèrent les soldats à se distinguer à la guerre, ce fut le cas de Polyzélos, Cynégyre, Callimaque, et tous les autres combattants de Marathon ; et aussi d’Harmodios, Aristogiton, Miltiade, et de milliers d’autres encore. Au contraire, disait Solon, les athlètes, pendant leur entraînement, sont dépensiers, et quand ils ont remporté la victoire, ils sont dangereux. Leur victoire, d’ailleurs, est remportée plus au détriment de la patrie que de leurs rivaux. Enfin, quand ils sont devenus vieux, selon le vers d’Euripide, ils sont semblables « à des manteaux usés jusqu’à la trame ». Voilà pourquoi Solon restreignit leurs honneurs.

Il prit encore la sage décision d’interdire au tuteur de vivre en commun avec la mère de ses pupilles, d’interdire à l’héritier éventuel des biens de devenir tuteur à la mort des orphelins. Il interdit encore aux ciseleurs de retenir le cachet d’un homme ayant vendu son anneau. Quiconque crèverait un oeil, aurait un oeil crevé. Il interdit le vol et le punit de la peine de mort ; il punit de mort également tout archonte trouvé ivre. Il transcrivit en ordre les vers d’Homère pour les rhapsodies, de façon à leur donner une suite cohérente. Il éclaira donc Homère[11] bien plus que ne fit Pisistrate (cf. Dieuchidas, Mégariques, livre V). Il s’agissait surtout des vers du catalogue, commençant ainsi : « Il y avait les Athéniens... ».

C’est lui qui le premier donna un nom au trentième jour[12] du mois et qui réunit les archontes en collège, pour les faire délibérer en commun[13] (cf. Apollodore Des Nomothètes, livre II).

Quand s’éleva la sédition[14], il ne fut ni du parti des gens de la ville, ni des pédéens, ni des diacriens. Il disait que la parole était l’image de l’action, que celui-là était roi qui avait la plus grande puissance, que les lois étaient semblables aux toiles d’araignées : les choses légères et sans force y restent prises, tout ce qui est lourd les déchire et passe ; il répétait volontiers que le discours est borné par le silence et le silence par le temps. Il comparait les gens qui ont la faveur du tyran aux jetons dont on se sert pour compter : chacun des jetons marque à volonté un grand ou un petit nombre, de même chacun de ces grands reçoit des tyrans, selon leur bon plaisir, un pouvoir éclatant ou un état misérable.

On lui demandait pourquoi il n’avait pas établi de loi contre le parricide, il répondit : « Parce que j’espère que ce crime ne sera jamais commis » ; comment les hommes réussiraient à ne pas commettre d’injustices : « Si les gens à qui on ne fait pas de mal sont aussi peinés du mal qu’on fait aux autres que peuvent l’être ces derniers, qui le subissent. » Il disait : « La richesse engendre la satiété[15], et la satiété la démesure. » Il conseilla aux Athéniens de régler leurs jours sur la lune. Il interdit au poète Thespis de monter et de faire représenter ses tragédies, sous prétexte qu’elles n’étaient que futilités et mensonges, et quand Pisistrate se fut donné sa blessure[16] : « Vous en verrez les conséquences » dit-il.

Selon Apollodore (Des Sectes philosophiques), voici quels conseils il donnait aux hommes : « Soyez persuadés que la vertu et la probité sont plus sûres que les serments. Ne mentez pas. Occupez-vous de choses sérieuses. Ne choisissez pas vos amis à la légère ; ensuite, arrangez-vous pour les garder. Ne commandez que quand vous saurez obéir. Conseillez non pas l’agréable, mais le beau. Prenez la raison pour guide, ne fréquentez pas les méchants, honorez les dieux, respectez vos parents. »

On dit qu’il reprocha à Mimnerme d’avoir écrit[17] :

Plût au ciel que nous faisant grâce des maladies et des chagrins pénibles,

La mort ne nous atteignit qu’à soixante-dix ans !

Il lui répliqua :

Si tu veux encore m’écouter, enlève ce mot,

Ne sois pas jaloux, si je parle mieux que toi,

Change ton vers, ô Ligyastade[18], et chante ainsi :

Que la mort ne nous atteigne qu’à quatre-vingts ans.

Voici maintenant quelques-uns de ses préceptes en vers :

Observez bien chaque homme et voyez

S’il n’a pas dans son cœur quelque haine cachée,

Même quand il parle avec un visage aimable,

Et s’il n’a pas une langue trompeuse

Par suite de sa noirceur d’âme.

Il est sûr qu’il rédigea des lois, des discours au peuple, et des règles de conduite pour son usage personnel, des élégies sur Salamine, sur la constitution d’Athènes, cinq mille vers épiques, des iambes et des épodes. Au-dessous de sa statue sont inscrits ces vers :

La ville qui a mis fin à l’insolence des Mèdes,

Salamine, a enfanté aussi Solon, le divin législateur.

Il avait quarante ans[19] vers la quarante-sixième olympiade, et c’est la troisième année de cette olympiade, qu’il fut archonte[20] à Athènes, si l’on en croit Sosicrate ; c’est aussi le moment où il établit ses lois. Il mourut à Chypre, à quatre-vingts ans, ayant demandé à ses proches de faire revenir ses os à Salamine, de les brûler et de les répandre sur le sol[21]. C’est pourquoi Cratinos, dans ses vers sur Chiron, le fait ainsi parler :

J’habite cette île, comme le dit la tradition,

Répandu sur tout le territoire d’Ajax.

On trouvera dans le Psammétron, que j’ai cité plus haut, où j’ai parlé de tous les sages défunts en toutes sortes de rythmes et de vers, en épigrammes et en vers lyriques, une épigramme sur Solon dont voici le texte :

Le corps de Solon fut brûlé à Chypre, en terre étrangère,

Salamine garde ses os, devenus poussière fertile,

Son âme est montée droit au ciel dans un char rapide,

Car il a donné de bonnes lois, légères au peuple.

Il passe pour être l’auteur de la phrase : « Rien de trop. » Enfin Dioscoride, dans ses mémoires, raconte que, comme il pleurait son fils mort (fils sur lequel nous ne savons rien) et qu’on lui faisait observer que ses pleurs ne servaient de rien, il répondit : « Mais c’est bien pour cela que je pleure, parce que je n’y puis rien faire. »

On lui attribue les lettres suivantes :

SOLON A PÉRIANDRE

« On vous tend de tous côtés des pièges, m’écrivez-vous. Dussiez-vous vous délivrer de tous, vous n’avanceriez pas beaucoup vos affaires ; car vous auriez à redouter encore des gens que vous ignorez : l’un craint pour lui, l’autre vous reproche de tout craindre, un autre veut délivrer sa patrie. Vous feriez bien mieux de partir, pour vous débarrasser de tout danger. Mais si vous tenez absolument à la tyrannie, cherchez les moyens d’avoir une garde d’étrangers plus forts que les gens de la ville. Après quoi vous n’aurez plus personne à craindre et plus personne à exiler. »

SOLON A ÉPIMÉNIDE

« Mes lois, je le sais bien, ne devaient pas apporter grand profit aux Athéniens, mais en les abolissant, vous n’avez pas non plus rendu service à la cité. Sans doute, ce ne sont pas la religion et les lois qui, à elles seules, suffisent à bien conduire une ville, et ceux qui ont le plus grand rôle, ce sont les hommes qui successivement conduisent le peuple à leur volonté. La religion et les lois leur sont utiles, s’ils gouvernent bien, inutiles s’ils gouvernent mal. Je sais encore que mes lois et mes décrets n’ont pas été parfaits. Mais ceux qui les ont transgressés ont fait du tort à l’État, en laissant agir Pisistrate, en le laissant établir sa tyrannie. Quand je prédisais l’avenir, on ne me croyait pas. Pisistrate, par ses flatteries, parut aux Athéniens plus digne de foi que moi par ma franchise. J’ai déposé mes armes devant le centre des stratèges, et j’ai dit que j’étais plus sage que ceux qui ne voyaient pas que Pisistrate aspirait à la tyrannie, et plus courageux que ceux qui n’osaient pas s’opposer à lui. Mais on ne m’a pas écouté. On riait de la folie de Solon. Enfin j’ai produit ce témoignage : « O ma patrie, moi Solon, qui suis prêt à te défendre de la voix et du bras, je parais fou à tout le monde, si bien que je m’en vais, puisque je suis le seul ennemi de Pisistrate, et que tous veulent être ses doryphores. » Car vous connaissez le personnage, ô mon ami, et vous savez de quelle étrange façon il est devenu tyran. Il a commencé par flatter le peuple, puis il s’est fait une blessure volontaire, est venu à l’Héliée[22], criant et disant qu’il l’avait reçue de ses ennemis, et demandant qu’on lui donnât une garde de quatre cents jeunes gens. Et eux, malgré mes protestations, la lui donnèrent. Ses gardes avaient de solides bâtons, et voilà comment il a renversé la démocratie. Vainement j’ai fait effort pour délivrer les pauvres de leur fardeau, les voilà tous aujourd’hui esclaves de Pisistrate. »

SOLON A PISISTRATE[23]

« Je crois volontiers que vous ne me feriez aucun mal, car j’étais votre ami avant la tyrannie, et aujourd’hui je ne vous suis pas plus hostile que n’importe quel Athénien à qui la tyrannie déplaît. Maintenant, qu’il soit plus avantageux aux Athéniens d’être gouvernés par un seul homme, ou de vivre en démocratie, je laisse à chacun le soin d’en décider. Je confesse que de tous les tyrans vous êtes le meilleur. Mais retourner à Athènes ne serait pas de ma part une belle action. Je craindrais qu’on ne me fît justement reproche de ma conduite, si après avoir donné aux Athéniens l’égalité des droits politiques, et refusé moi-même, le premier, le titre de tyran, je venais maintenant par mon retour, donner mon approbation à tous vos actes. »

SOLON A CRÉSUS

 « Je vois avec plaisir vos bons sentiments d’amitié pour moi, et, j’en jure par Athéna, si ce ne m’était pas une nécessité morale de vivre dans un État démocratique, j’aurais préféré vivre dans votre royaume, près de vous, et non à Athènes, sous la tyrannie violente de Pisistrate. Mais la vie m’est plus agréable dans ce pays où je me suis réfugié, et où les hommes sont égaux en droits. J’irai toutefois vous rendre visite, pour jouir de votre hospitalité. »


[1] Solon (~640-~548) est surtout connu comme législateur athénien. Issu d’une grande famille, et, disait-il, des anciens rois d’Athènes, enrichi par le commerce, il fut archonte en ~592, et réforma la cité. Il nous est connu directement par ses poésies. D.L. lui attribue une place de choix dans cette liste des sept sages. En réalité il n’a place dans une histoire de la philosophie que par ses préceptes moraux.
[2] Ces réformes nous sont bien connues par ce qu’en a dit Aristote dans son livre sur la Constitution d’Athènes. La sisachtie, ou rejet du fardeau, a consisté dans l’abolition des dettes et dans la suppression de l’esclavage pour dettes. Le poème dans lequel Solon explique sa réforme nous a été transmis en partie par Plutarque (Vie de Solon).
[3] Ces autres lois sont : la répartition des citoyens en classes censitaires (organisation d’une ploutocratie), tirage au sort des magistrats, réforme judiciaire, monétaire, etc. (Cf. Plutarque, Vie de Solon, et Aristote, Constitution d’Athènes, v-xii.)
[4] D.L. emploie ici le même terme qu’Aristote ; ces tables mobiles étaient des tablettes de bois assemblées sur un pivot de façon à pouvoir tourner. Elles étaient placées dans le portique royal, où siégeait l’archonte-roi, près de l’agora du Céramique.
[5] Ce sont les vers de l’Iliade, 11, 556-557 ; il s’agit d’Ajax, fils de Télamon. Le second vers est considéré comme interpolé.
[6] Ceci est encore raconté par Plutarque, et par Aristote (op. cit., xiv) en ces termes : « Solon s’opposa, dit-on, à Pisistrate qui demandait une garde, et dit qu’il était plus sage que les uns, plus courageux que les autres : plus sage que tous ceux qui ne comprenaient pas que Pisistrate s’appliquait à devenir tyran, plus courageux que tous ceux qui l’avaient compris et pourtant se taisaient. »
[7] Cf. Hérodote, Histoires, 1, 30 sqq. Voici ce que raconte Hérodote : Crésus demande à Solon quel est l’homme le plus heureux à son avis. Solon répond « O roi, Tellos d’Athènes » et il lui en donne la raison. Cet homme, après une vie très heureuse, est mort en héros, en défendant Athènes contre Éleusis. Pour cet exploit il a eu des funérailles publiques. Pour l’histoire de Cléobis et de Biton, voici en gros comme Hérodote la raconte : c’étaient deux Argiens vainqueurs au combat de la lutte. Le jour d’une fête d’Héra, leur mère devait aller au temple en voiture. Mais les boeufs qu’on devait atteler n’étaient pas revenus des champs à temps. Les deux jeunes gens s’attelèrent à la voiture, et tirèrent leur mère jusqu’au temple, sur une route de 45 stades (environ 9 kilomètres). Pour les récompenser la déesse, exauçant la prière de leur mère, qui lui avait demandé pour ses fils si dévoués « ce qu’il y a de meilleur pour les hommes », et déclarant que pour un homme mourir vaut mieux que vivre, les enleva et les prit auprès d’elle, pendant la fête elle-même.
[8] Le dernier des rois légendaires d’Athènes.
[9] D.L. est ici d’accord avec Aristote, qui dit (op. cit., XVI) « il prélevait le dixième des revenus » ; il est en désaccord avec Thucydide (VI, 54), qui indique le vingtième et non le dixième. Cette lettre, apocryphe comme toutes les autres, est du moins vraisemblable, et donne du caractère de Pisistrate une idée conforme à ce que fut sa politique, toute de modération.
[10] Privation partielle ou totale des droits de citoyen, interdiction de s’adresser au peuple, d’exercer une magistrature, de siéger à l’assemblée, etc.
[11] Cf. note 42. Comme souvent, D.L. répète plusieurs fois la même chose, parce qu’il cite ses sources l’une après l’autre. Il s’agit de l’édition d’Homère attribuée à Pisistrate. D.L. la présente comme un ouvrage commun aux sept sages ; chacun d’eux en aurait transcrit, annoté ou commenté une partie. (Cf. Bérard, la Résurrection d’Homère.)
[12] Expression courante pour dire le dernier jour du mois : l’ancienne et la nouvelle lune.
[13] Aristote confirme cette assertion de D.L. : « Sous l’archontat de Solon, tous se réunirent pour délibérer à la salle de séances des thesmothètes.
[14] Ce sont les trois partis qui luttèrent à l’époque de Solon et de Pisistrate : les gens de la ville, appelés aussi Paraliens, ou gens de la côte ; les gens de la plaine, ou Pédéens, et les gens de la montagne, ou Diacriens. Ils avaient pour chefs, respectivement : Mégaclès, Lycurgue et Pisistrate.
[15] Sentence citée aussi par Plutarque et Aristote (XII).
[16] Aristote raconte comment Pisistrate se fit lui-même une blessure, puis la montra en l’attribuant à ses adversaires politiques. Il excita ainsi les Athéniens, qui lui accordèrent une garde de solides gars armés de massues. C’est à propos de cet événement que Solon dit : « Je suis plus sage » etc.
[17] Poète élégiaque grec du ~VIIe s., contemporain d’Archiloque de Pharos. Il était originaire de Colophon, il écrivit des élégies lyriques et personnelles, au contraire de Tyrtée et de Callinos, auteurs d’élégies guerrières.
[18] Le fils du chantre harmonieux, nom donné à Mimnerme.
[19] Je traduis partout dans ce livre le mot akmê, d’une façon précise : quarante ans, et non « l’âge mûr », m’appuyant sur le sens habituel du mot dans les textes grecs. Ce chiffre coïncide d’ailleurs presque toujours avec les dates données par D.L. (ici ~597).
[20] Cela donne la date de ~594. Aristote place au contraire cet archontat en ~592.
[21] Vers 546.
[22] Tribunal des héliastes. Le mot désigne à la fois l’ensemble des juges et le lieu de leurs réunions. Les héliastes, juges suprêmes, tirés au sort chaque année, en principe au nombre de six mille, représentaient la juridiction populaire.
[23] Cette lettre est la réponse, elle aussi apocryphe, à la lettre de Pisistrate citée plus haut.