DIOGÈNE LAËRCE

ANAXIMANDRE (Socrate et ses disciples)

Traduction Robert Genaille, 1933

Anaximandre[1], fils de Praxiadès, originaire de Milet. Il pensait que le premier principe était l’Illi­mité, sans toutefois définir si c’était l’air, l’eau ou autre chose ; qu’il changeait en ses parties et restait pourtant immuable en son tout ; que la terre était placée au milieu du monde et en était le centre et qu’elle était sphérique ; que la lune ne donnait pas de lumière propre mais réfléchissait la lumière du soleil ; que le soleil était aussi grand que la terre, et qu’il était un feu absolument pur. Le premier il découvrit le gnomon[2], l’installa en cadrans solaires à Lacé­démone (cf. Phavorinos, Mélanges historiques) pour marquer les solstices et l’équinoxe et construisit des horloges. Le premier aussi il décrivit le contour de la terre et de la mer et construisit la sphère. Il a fait de ses théories un exposé par chapitres[3], qui fut entre les mains de l’Athénien Apollodore. Cet auteur rap­porte dans ses Chroniques qu’il avait soixante-quatre ans la deuxième année de la cinquante-huitième olympiade[4], qu’il mourut peu après, et qu’il avait quarante ans à peu près exactement à l’époque où Polycrate était tyran de Samos[5]. On raconte que les enfants se moquaient de lui quand il chantait et que l’ayant appris il dit : « Il me faut donc apprendre à chanter pour les enfants. »

Il y eut un autre Anaxi­mandre, lui aussi Milésien, et qui écrivit en dialecte ionien.


[1] D.L. suit à peu près l’ordre chronologique. Anaximandre et Anaximène forment, en effet, après Thalès la suite de l’école de Milet. Il n’en sera pas toujours de même pour la suite de cette histoire des philosophes. Anaximandre, dont D.L. dit peu de chose, vécut vers 610-546 : il nous est peu connu. Quelques renseignements sont donnés par Aristote (Métaphysique, I, et Physique, III), qui parle aussi de cette croyance en un principe illimité, divin, indestructible et régissant tout.
[2] Cadran solaire, déjà en usage en Chaldée, indiquant les heures au moyen des ombres projetées.
[3] Ce livre, dont on a un fragment très altéré, est connu sous le titre de « peri physeos » (de la Nature).
[4] Vers 546.
[5] Tyran de Samos, du VIe siècle, qui lutta avec Cambyse, roi des Perses, contre l’Égypte, et aussi contre Crésus. Comme tous les tyrans, il protégea les lettres et les arts et développa la puissance économique de la ville.