IV

OEnone

Du livre Sur les Poètes, de Nicandre, et des Histoires de Troie, de Céphalon de Gergitha

1. Alexandre [1] , le fils de Priam, au temps où il était berger sur le mont Ida, tomba amoureux d’Oenone, la fille de Cébren. On rapporte qu’inspirée par quelque dieu, elle prédisait le futur et que, de plus, sa grande sagesse était sur toutes les lèvres.

2. Alexandre, donc, l’ayant enlevée à son père, l’emmena sur l’Ida où se trouvaient ses étables, et la prit pour épouse. Il se montrait  très affectueux à son égard, et lui jurait que jamais il ne la laisserait, et qu’il l’honorerait toujours plus.

3. Elle reconnaissait qu’en effet il l’aimait alors énormément ; mais elle lui disait qu’un jour viendrait où, après l’avoir abandonnée, il s’en irait en Europe et, là-bas, ayant perdu la tête pour une étrangère, il amènerait la guerre à son peuple.

4. Et elle lui expliquait comment il était écrit qu’il serait blessé au combat, et comment personne d’autre à part elle-même serait en mesure de le guérir. Mais chaque fois qu’elle se mettait à répéter ces choses, Alexandre ne la laissait pas poursuivre. Le temps passa. Après qu’Alexandre eut épousé Hélène, Oenone, indignée pour tout ce qu’il lui avait fait, revint auprès de Cébren, dont elle descendait. Alexandre, entre-temps, la guerre ayant éclaté, fut blessé par les flèches de Philoctète.

5. Les paroles d’Oenone lui revinrent à la mémoire : elle seule pouvait le guérir ; alors il lui envoya un messager, chargé de la prier de venir le soigner et d’oublier le passé, car tout était arrivé par la volonté des dieux.

6. Oenone répondit avec hauteur qu’il s’adresse à Hélène, et qu’il la supplie, elle ; mais dans le même temps, elle s’achemina vers l’endroit où elle avait appris qu’Alexandre gisait blessé. Cependant, comme le messager lui avait rapporté tout ce qu’avait dit Oenone avant qu’elle n’arrive, Alexandre, désespéré, expira.

7. Quand Oenone arriva enfin, qu’elle le vit étendu par terre, déjà mort, elle éclata en sanglots et, après s’être longuement lamentée, elle se tua.



[1] Pâris