Perse

Les satires

Notice, notes et traduction de Henri Clouard (1934)

Notice sur Perse

Aulus Persius Flaccus est né en 34 après Jésus-Christ ; à Volterra en Étrurie, d'une famille de l'ordre équestre et très riche. Ami fraternel de Lucain, élève et admirateur affectueux du philosophe stoïcien Cornutus, il mena une vie vertueuse et austère, se garda le coeur pur. A tous il inspirait estime et respect ; Thraséas, son parent par alliance, lui donna sa tendresse.
Malade, il mourut en pleine jeunesse à vingt-huit ans. Perse n'avait guère bougé d'auprès de sa mère et de ses soeurs, ne les quittant que pour fréquenter l'école des rhéteurs. On peut dire avec certitude qu'il ignora la vie et les hommes. Mais il entendait ses maîtres et ses amis. Il avait vingt ans quand Néron fut empereur. Il n'ignora pas grand chose des turpitudes de la Cour.
Aussi son oeuvre contient-elle une part de réelle satire, mais par écho et sans l'accent que l'expérience donne à l'indignation. Toutes sortes d'allusions, d'ironies, de demi-mots font entrevoir, seulement entrevoir et presque deviner une cour impériale qui est celle de Tacite : bassesses et indignités, orgies et sacrilèges, crimes d'Agrippine et de Néron. Au delà de la Cour, la ville : manie du bel esprit, profusion des prétentions littéraires, superstitions et dévotions intéressées, cupidité, cruauté à l'égard des esclaves...
Mais il est évident que la satire morale domine. Un beau stoïcisme l'inspire, un stoïcisme reçu par enseignement mais que le poète vivifie par sa noblesse d'âme. Les Satires sont, pour ainsi dire, des sermons stoïciens (sauf la première, qui est une déclaration de principes littéraires). Perse célèbre vertu et simplicité antiques, chaste culte de la philosophie, nécessité pour chacun de s'examiner en conscience et de connaître ses faiblesses, au lieu de juger le voisin et de se fier aux compliments d'autrui, conquête de la véritable liberté sur les passions, sur la cupidité et le goût du plaisir, sur l'ambition et la volupté.
Les six satires de Perse apparaissent composées avec une fermeté un peu rigide, mais elles ont de l'ardeur ; elles saisissent et pressent le lecteur, elles se précipitent en dialogues vifs et même dramatiques. Elles ont la force du sentiment singulièrement élevé qui ne cesse de les animer.
Que penser du style ? D'une part il est recherché et obscur, lourd, mal dégagé de la prose, grossier en ses plaisanteries, sans aucun charme ; mais d'autre part il a concision, précision, densité.
Le succès de Perse fut considérable. Les satires, publiées après sa mort et sans doute adoucies par endroits, furent célèbres aussitôt. Puis leur renommée n'a fait que grandir. C'est Bayle qui amorce une réaction. Nous considérons Perse aujourd'hui comme un satirique fort platonique et comme un poète sans poésie. Mais nous continuons d'admirer son énergie de style et la hauteur de son caractère.