Aulus Persius Flaccus est né en 34 après Jésus-Christ
; à Volterra en Étrurie, d'une famille de l'ordre équestre
et très riche. Ami fraternel de Lucain, élève et admirateur
affectueux du philosophe stoïcien Cornutus, il mena une vie vertueuse et
austère, se garda le coeur pur. A tous il inspirait estime et respect
; Thraséas, son parent par alliance, lui donna sa tendresse.
Malade, il mourut en pleine jeunesse à vingt-huit ans. Perse n'avait
guère bougé d'auprès de sa mère et de ses soeurs,
ne les quittant que pour fréquenter l'école des rhéteurs.
On peut dire avec certitude qu'il ignora la vie et les hommes. Mais il entendait
ses maîtres et ses amis. Il avait vingt ans quand Néron fut empereur.
Il n'ignora pas grand chose des turpitudes de la Cour.
Aussi son oeuvre contient-elle une part de réelle satire, mais par
écho et sans l'accent que l'expérience donne à l'indignation.
Toutes sortes d'allusions, d'ironies, de demi-mots font entrevoir, seulement
entrevoir et presque deviner une cour impériale qui est celle de Tacite
: bassesses et indignités, orgies et sacrilèges, crimes d'Agrippine
et de Néron. Au delà de la Cour, la ville : manie du bel esprit,
profusion des prétentions littéraires, superstitions et dévotions
intéressées, cupidité, cruauté à l'égard
des esclaves...
Mais il est évident que la satire morale domine. Un beau stoïcisme
l'inspire, un stoïcisme reçu par enseignement mais que le poète
vivifie par sa noblesse d'âme. Les Satires sont, pour ainsi dire, des
sermons stoïciens (sauf la première, qui est une déclaration
de principes littéraires). Perse célèbre vertu et simplicité
antiques, chaste culte de la philosophie, nécessité pour chacun
de s'examiner en conscience et de connaître ses faiblesses, au lieu de
juger le voisin et de se fier aux compliments d'autrui, conquête de la
véritable liberté sur les passions, sur la cupidité et
le goût du plaisir, sur l'ambition et la volupté.
Les six satires de Perse apparaissent composées avec une fermeté
un peu rigide, mais elles ont de l'ardeur ; elles saisissent et pressent le
lecteur, elles se précipitent en dialogues vifs et même dramatiques.
Elles ont la force du sentiment singulièrement élevé qui
ne cesse de les animer.
Que penser du style ? D'une part il est recherché et obscur, lourd, mal
dégagé de la prose, grossier en ses plaisanteries, sans aucun
charme ; mais d'autre part il a concision, précision, densité.
Le succès de Perse fut considérable. Les satires, publiées
après sa mort et sans doute adoucies par endroits, furent célèbres
aussitôt. Puis leur renommée n'a fait que grandir. C'est Bayle
qui amorce une réaction. Nous considérons Perse aujourd'hui comme
un satirique fort platonique et comme un poète sans poésie. Mais
nous continuons d'admirer son énergie de style et la hauteur de son caractère.