Philostrate

Vies des Sophistes

Traduction Ugo Bratelli 2003.

Léon de Byzance

Durant sa jeunesse, Léon de Byzance fut l’élève de Platon mais, une fois qu’il eut atteint l’âge adulte, on l’appela sophiste, pour la variété de son style et ses réponses persuasives. Allant à la rencontre de Philippe, alors que celui-ci menait campagne contre Byzance, il lui demanda :

— Dis-moi, Philippe, quel tort veux-tu réparer au point d’entreprendre une guerre ?

Et à la réponse :

— Je suis tombé amoureux de ta patrie, la plus belle entre toutes les villes, et c’est pourquoi je suis venu à la porte de ma bien-aimée,

Léon répliqua :

— Les gens qui aiment, et pour cela dignes d’être aimés, ne se présentent pas aux portes de leurs maîtresses avec des épées, car ce ne sont pas d’instruments de guerre que les amoureux ont besoin, mais d’instruments de musique.

Et c’est ainsi que Léon délivra Byzance, en prononçant peu de mots à Philippe lui-même, alors que Démosthène avait dû prononcer de nombreux discours aux Athéniens.

Lors d’une ambassade à Athènes, en proie depuis longtemps aux luttes intestines et gouvernée contre les lois traditionnelles, ce Léon, en se présentant devant l’assemblée, déclencha de grands éclats de rire parmi les Athéniens, car il était gros et bedonnant. Mais il ne fut nullement dérangé par les rires :

— Pourquoi riez-vous, Athéniens ? dit-il. Peut-être parce que je suis si grand et si gros ? J’ai une femme beaucoup plus grosse que moi, et quand tout va bien entre nous, notre lit nous accueille tous les deux ; mais quand rien ne va entre nous, alors notre maison elle-même n’est pas assez grande pour nous contenir.

Ainsi le peuple athénien, réconcilié par Léon qui avait subtilement improvisé au moment opportun, retrouva son unité.