PLUTARQUE

VIE D’EUMÈNE (361-316 av. J.-C.)

Traduction Bernard Latzarus, 1950

I. Origine, éducation et débuts d’Eumène. Sa faveur sous Philippe et Alexandre. — II. Ses démêlés avec Alexandre et Héphestion. Sa position difficile après la mort du favori. Il trouve moyen de recouvrer les bonnes grâces du Roi. — III. Après la mort d’Alexandre, Eumène est nommé satrape de Cappadoce et de Paphlagonie. Perdiccas l’y intronise. — IV. Eumène surveille les intrigues de Néoptolème en Arménie. Il crée une cavalerie. — V. Cratère et Antipater engagent la lutte contre Perdiccas, qu’Eumène soutient. Victoire d’Eumène sur Néoptolème. Il repousse des propositions d’entente avec Antipater. — VI. Cratère marche contre Eumène. Celui-ci cache à ses troupes le nom du général ennemi. Songe qui l’encourage. — VII. Victoire d’Eumène. Mort de Néoptolème et de Cratère. — VIII. Eumène passe en Lydie, puis en Phrygie. Regain de popularité pour lui. — IX. Défaite d’Eumène par Antigone. Son courage et sa présence d’esprit. Il épargne les bagages d’Antigone. — X. Il se réfugie à Nora, où Antigone vient l’assiéger. Entrevue entre les deux chefs. — XI. Eumène s’efforce de maintenir en forme ses hommes et ses chevaux. — XII. Mort d’Antipater. Antigone essaie de s’appuyer sur Eumène, qui reste fidèle à la dynastie. — XIII. Eumène, sur l’ordre de Polysperchon et du Roi Philippe, prend contact avec les chefs des Boucliers d’Argent. Peuceste et d’autres satrapes se rallient à lui. Nouvelles difficultés. — XIV. Popularité d’Eumène. — XV. Retour offensif d’Antigone, déjoué par un stratagème d’Eumène. Antigone se résout à livrer un combat décisif. — XVI. Complot contre Eumène. Son infanterie est victorieuse, mais Antigone s’empare des bagages. — XVII. Pour ravoir leurs bagages, les Boucliers d’Argent livrent Eumène à Antigone. Discours du général. — XVIII. Captivité d’Eumène. — XIX. Sa mort. Punition des traîtres.

I. Eumène de Cardie [1] , à ce que rapporte Duris [2] , avait un père réduit par sa pauvreté à la condition de charretier en Chersonèse [3] . Il reçut pourtant une éducation libérale, apprit les lettres et fréquenta la palestre. Il était encore enfant lorsque Philippe, séjournant dans la ville de Cardie et se trouvant de loisir, alla voir les jeunes gens s’exercer au pancrace [4] et les garçonnets à la lutte. Parmi ces derniers Eumène eut du succès, et, se montrant intelligent et courageux, il plut à Philippe, qui le prit avec lui. Cependant, je trouve plus vraisemblable le récit de ceux d’après lesquels Eumène fut avancé par Philippe à cause des liens d’hospitalité et d’amitié de son père avec ce Prince. Après la mort de Philippe, il semble n’avoir été inférieur en intelligence, ni en fidélité, à personne de l’entourage d’Alexandre ; et, tout en portant simplement le titre de secrétaire en chef, il était aussi honoré que les amis les meilleurs et les plus intimes du Roi. Il fut même envoyé comme général aux Indes avec un corps de troupe sous ses ordres, et reçut le commandement de cavalerie qu’avait Perdiccas [5] , quand Perdiccas, après la mort d’Héphestion [6] , fut promu au poste de celui-ci. Aussi lorsque Néoptolème, le premier écuyer, dit, après la mort d’Alexandre, que lui-même avait suivi le Roi avec un bouclier et un javelot, et Eumène avec un stylet à écrire et des tablettes, les Macédoniens se moquèrent de lui. Ils savaient qu’entre autres honneurs, Eumène avait été jugé par le Roi digne de lui être allié par mariage. Car Barsine, fille d’Artabaze [7] , la première femme que connut Alexandre en Asie, et dont il eut un fils, Héraclès [8] , avait deux soeurs dont il donna l’une, Apamée, à Ptolémée, et l’autre, nommée aussi Barsine [9] , à Eumène quand il distribua les autres femmes perses comme épouses à ses amis [10] .

II. Cependant, Eumène eut souvent aussi des difficultés avec Alexandre et fut même en danger, du fait d’Héphestion. Car, en premier lieu, Héphestion ayant attribué au joueur de flûte Evios une maison que les esclaves d’Eumène avaient retenue pour leur maître, Eumène alla crier, avec Mentor [11] , auprès d’Alexandre, que le mieux était, pour un soldat, de se mettre à jouer de la flûte ou à représenter des tragédies en jetant ses armes. Alexandre, sur le coup, partagea le mécontentement d’Eumène, et dit de gros mots à Héphestion. Bientôt pourtant il changea d’avis et se mit en colère contre Eumène, voyant dans les propos de celui-ci plutôt une insolence à son égard que trop de franchise sur le compte d’Héphestion. Par la suite, quand il envoya Néarque [12] avec des vaisseaux sur la mer extérieure [13] , il dut demander de l’argent à ses amis, car il n’y en avait pas dans le trésor. Eumène, auquel il avait réclamé trois cents talents [14] , ne lui en versa que cent, et encore en affirmant qu’il avait dû y mettre de la ténacité et se donner du mal pour les faire recueillir par ses intendants. Alexandre, sans lui adresser aucun reproche ni accepter cette somme, fit mettre en secret, par ses esclaves, le feu à la tente d’Eumène, voulant faire main basse sur son argent et ainsi le prendre en flagrant délit de mensonge. Mais la tente brûla trop vite, et Alexandre regretta la destruction des papiers, qu’on n’avait pas eu le temps de sauver. On trouva que l’or et l’argent fondus faisaient plus de mille talents [15] . Le Roi ne prit rien et même il écrivit aux satrapes et aux généraux de tout l’Empire de lui envoyer des copies de tous les documents disparus, qu’il fit prendre en charge par Eumène lui-même. Une autre fois, au sujet d’une gratification, il fut en querelle avec Héphestion, qui lui tint beaucoup de mauvais propos, et il lui rendit largement la pareille. Sur le moment, sa faveur n’en fut pas diminuée. Mais ce fut autre chose après la mort d’Héphestion, qui arriva peu après [16] . Le Roi, dont l’affliction était extrême, avait de dures paroles et de mauvais procédés pour tous ceux qui, à ses yeux, enviaient Héphestion de son vivant et se réjouissaient maintenant de sa mort. Eumène lui était particulièrement suspect, et il rappelait souvent les conflits et les altercations d’autrefois. Mais l’autre, qui était rusé et savait se faire écouter, entreprit de tourner à son salut ce qui pouvait le perdre. Il chercha un refuge dans la reconnaissance enthousiaste d’Alexandre envers Héphestion, suggérant les honneurs les plus propres à illustrer la mémoire du défunt et donnant de l’argent pour l’édification de son tombeau avec une prodigalité empressée.

III. Après la mort d’Alexandre, l’armée se trouva en dissentiment avec les amis du Roi [17] . Eumène adhérait de coeur au parti des grands, mais, en parole, il était neutre et restait étranger à la politique, disant qu’il ne lui appartenait pas, en tant qu’hôte des Macédoniens, de se mêler de leurs querelles. Quand les autres amis du Roi quittèrent Babylone [18] , on le laissa dans la ville, où il sut calmer beaucoup d’entre les soldats et les disposer à la réconciliation. Lorsque après avoir pris contact les uns avec les autres, les généraux, sortant de la confusion des premiers jours, se partagèrent les satrapies et les commandements [19] , Eumène reçut la Cappadoce, la Paphlagonie [20] et la côte du Pont-Euxin jusqu’à Trapézonte [21] . Cette ville n’était pas encore aux Macédoniens, car elle avait un Roi, Ariarathe ; mais Léonnat [22] et Antigone [23] avec des troupes nombreuses, devaient y amener Eumène et le créer satrape du pays. Antigone n’attacha pas d’importance aux instructions écrites de Perdiccas, étant déjà gonflé d’orgueil et méprisant tous ses collègues [24] . Mais Léonnat descendit de l’intérieur en Phrygie pour assumer la charge de l’expédition en faveur d’Eumène. Cependant Hécatée, tyran de Cardie, prit langue avec ce général et lui demanda de secourir plutôt Antipater [25] et ceux des Macédoniens qui étaient assiégés dans Lamia [26] . Léonnat avait envie de traverser la mer pour y aller ; il invitait Eumène à le suivre et cherchait à le réconcilier avec Hécatée ; car il y avait entre eux une défiance mutuelle héréditaire, provenant d’anciens conflits politiques ; on vit même souvent Eumène dénoncer la tyrannie d’Hécatée et presser Alexandre de rendre leur liberté aux habitants de Cardie. Aussi, maintenant encore, Eumène refusait-il de participer à la campagne contre les Grecs. Il craignait, et il le dit, qu’Antipater, qui d’ailleurs le détestait depuis longtemps, ne voulût complaire à Hécatée en le faisant mourir, lui, d’une façon quelconque. Léonnat se confia donc à Eumène et ne lui cacha rien de ses intentions. Le secours à porter à Antipater n’était qu’une apparence et qu’un prétexte ; il était résolu à traverser la mer pour s’emparer aussitôt de la Macédoine, et il montra des lettres de Cléopâtre [27] , qui le convoquait à Pella en vue de leur mariage. Mais Eumène, soit qu’il craignît toujours Antipater, soit qu’il doutât de Léonnat, qui était capricieux, sujet à des impulsions soudaines et instables, décampa la nuit, en prenant avec lui ses troupes et ses bagages. Il avait trois cents cavaliers et deux cents esclaves armés par ses soins, plus une quantité d’or qui pouvait se monter à la somme de cinq mille talents [28] . Il s’enfuit ainsi chez Perdiccas, auquel il expliqua les desseins de Léonnat. Cette révélation lui donna tout de suite une grande influence sur Perdiccas et le fit admettre au Conseil. Peu après, on l’établit en Cappadoce avec une armée : Perdiccas lui-même était présent et dirigeait l’expédition. Ariarathe fut fait prisonnier, et, le pays étant soumis, Eumène en fut nommé satrape. Il confia les villes à ses amis, installa des commandants de garnisons et laissa des juges et des administrateurs à son gré, Perdiccas ne se mêlant nullement de ces affaires. Lui-même partit avec Perdiccas, parce qu’il voulait lui faire sa cour et ne pas se séparer des Rois [29] .

IV. Cependant Perdiccas, comptant bien venir à bout par lui-même de son entreprise, et croyant que les pays qu’il laissait derrière lui avaient besoin d’un gardien actif et fidèle, fit rebrousser chemin à Eumène quand ils furent en Cilicie [30] , sous prétexte de le renvoyer dans son gouvernement, mais en fait pour reprendre en mains l’Arménie, voisine de la Cappadoce et troublée par Néoptolème [31] . Bien que cet officier fût gâté par sa morgue et son vain orgueil, Eumène s’efforçait de le contenir par des conversations amicales. Par ailleurs, trouvant l’infanterie macédonienne exaltée et audacieuse, il organisait une cavalerie pour y faire contrepoids. A cette fin, il accordait aux gens du pays capables de monter à cheval des exemptions de tributs et de taxes, et distribuait à ceux de son entourage auxquels il se fiait le plus, des chevaux achetés exprès. Il suscitait l’enthousiasme de ces nouveaux cavaliers par des honneurs et des présents tout en endurcissant leurs corps par des exercices et des manoeuvres. Aussi, parmi les Macédoniens, les uns furent-ils confondus, et les autres encouragés, en voyant qu’en peu de temps il avait rassemblé autour de lui des hommes de cheval dont le nombre n’était pas inférieur à six mille trois cents.

V. Cratère [32] et Antipater, vainqueurs des Grecs [33] , passèrent en Asie pour renverser Perdiccas, et l’on annonçait qu’ils allaient entrer en Cappadoce. Alors Perdiccas, qui commandait lui-même une expédition contre Ptolémée [34] , établit Eumène généralissime, avec pleins pouvoirs, des forces d’Arménie et de Cappadoce. A ce sujet il envoya des lettres où il ordonnait à Alcétas [35] d’obéir à Eumène, et à Eumène de régler la situation comme il l’entendrait. Alcétas alors refusa ouvertement de faire la guerre en déclarant que les Macédoniens placés sous ses ordres auraient honte de combattre contre Antipater, et que, pour Cratère, ils étaient même prêts à l’accueillir à bras ouverts. Quant à Néoptolème, on vit bien qu’il méditait une trahison à l’égard d’Eumène. Convoqué par lui, il n’obéit pas et fit au contraire prendre à ses troupes des dispositions de bataille contre lui. Alors, pour la première fois, Eumène recueillit le fruit de sa prévoyance et de sa préparation. Déjà vaincu dans son infanterie, il défit avec sa cavalerie Néoptolème, lui prit ses bagages, et, lançant ses cavaliers en masse contre l’infanterie macédonienne dispersée dans la poursuite des fuyards, il la força de déposer les armes et lui fit jurer de combattre désormais sous ses ordres. Néoptolème put rallier un petit nombre de soldats échappés à la défaite, et il alla se réfugier avec eux auprès de Cratère et d’Antipater. Les deux généraux avaient envoyé une ambassade à Eumène pour l’engager à passer de leur côté. On le laisserait jouir des satrapies qu’il possédait, en y ajoutant même d’autres troupes et d’autres territoires. Il deviendrait ainsi l’ami d’Antipater après avoir été son ennemi et il éviterait de devenir l’ennemi de Cratère, après avoir été son ami. Quand il entendit ces propositions, Eumène déclara qu’étant de longue date l’ennemi d’Antipater, il ne saurait devenir son ami, maintenant surtout qu’il le voyait traiter ses amis en ennemis [36] . Pour Cratère, en revanche, il était prêt à le réconcilier avec Perdiccas et à faire la paix entre ces deux généraux à des conditions équitables et justes ; mais, si l’un des deux voulait s’agrandir aux dépens de l’autre, il se porterait au secours de la partie injustement attaquée et la défendrait jusqu’à son dernier souffle, aimant mieux sacrifier sa personne et sa vie que son honneur.

VI. Dans ces conditions, Antipater et ses amis, après avoir reçu cette réponse, délibéraient à loisir sur la situation générale. Mais Néoptolème, arrivant auprès d’eux après sa défaite, leur annonça l’issue de la bataille et leur demanda de lui prêter main-forte, de préférence tous les deux ensemble, mais de toute façon, Cratère ; car ce général était extrêmement regretté des Macédoniens ; et, d’après Néoptolème, pourvu qu’ils vissent son chapeau et entendissent sa voix, ils viendraient en armes le rejoindre, pleins d’enthousiasme. En effet, le prestige de Cratère était réellement grand ; et, après la mort d’Alexandre, la grande majorité des soldats avaient désiré l’avoir pour chef. Ils se souvenaient que même du temps d’Alexandre il avait souvent encouru pour eux le déplaisir du Roi en contrecarrant son penchant pour l’imitation des Perses et en défendant les coutumes nationales, sacrifiées désormais au luxe et à l’orgueil. Pour en revenir aux événements d’alors, Cratère envoya Antipater en Cilicie ; et lui-même, prenant avec lui une bonne partie de l’armée, marcha contre Eumène avec Néoptolème. Il pensait tomber sur un homme mal préparé à le recevoir, et qui, après une victoire si récente, laisserait son armée s’abandonner à l’indiscipline et à la boisson. Que, dans ces conditions, Eumène ait pressenti l’attaque de Cratère et s’y soit préparé, on pourrait y voir simplement le fait d’un général pleinement lucide plutôt que d’un stratège habile. Mais que, non content de laisser ignorer aux ennemis ce qu’ils ne devaient pas savoir, il ait mis en branle ses soldats contre Cratère sans leur apprendre contre qui ils marchaient et en leur cachant le nom du général ennemi, c’est là, semble-t-il, un tour de force particulier à ce capitaine. Il répandit, en effet, le bruit que Néoptolème revenait avec Pigrès [37] , à la tête de cavaliers pris parmi les Cappadociens et les Paphlagoniens. La nuit où il voulait décamper, il s’endormit et eut un songe étrange. Il crut voir deux Alexandre s’apprêtant à combattre l’un contre l’autre et commandant chacun une phalange ; puis au secours de l’un vint Athéna, et Déméter au secours de l’autre. Il y eut un combat violent ; où fut vaincu celui qui était avec Athéna ; et pour le vainqueur Déméter tressa une couronne d’épis moissonnés. Aussitôt il supposa que la vision était en sa faveur, car il combattait pour une terre excellente, qui alors avait beaucoup de beaux épis en herbe ; elle était tout entière ensemencée et offrait un spectacle bien fait pour la paix, les champs étant couverts de blés touffus. Il fut encore confirmé dans son espoir en apprenant que le mot d’ordre des ennemis était Athéna et Alexandre. Il donna donc lui-même pour mot d’ordre Déméter et Alexandre, et il commanda à tous ses hommes de se couronner d’épis et d’en enguirlander leurs armes. Il fut souvent tenté de révéler et d’expliquer à ses officiers et à ses lieutenants contre qui devait se livrer le combat, afin de ne pas être seul à contenir et à renfermer en lui-même un secret si nécessaire ; mais cependant il persista dans sa résolution et ne confia le péril qu’à sa pensée.

VII. Il n’opposa donc à Cratère aucun des Macédoniens, mais deux escadrons de cavalerie étrangers, dont l’un commandé par Pharnabaze, fils d’Artabaze et l’autre par Phénix de Ténédos. Il leur ordonna, dés qu’on verrait les ennemis, de charger en toute hâte, et d’en venir aux mains sans les laisser se retourner ni parler et sans accepter l’envoi d’un héraut ; car il craignait fort que les Macédoniens, s’ils reconnaissaient Cratère, ne fissent défection pour passer de son côté. Lui-même, constituant un escadron d’élite avec les plus vigoureux de ses cavaliers, au nombre de trois cents, se mit à l’aile droite, et, à leur tête, piqua droit sur Néoptolème. Mais quand on les vit gravir la colline qui les séparait de l’ennemi et marcher avec enthousiasme, emportés par leur élan, Cratère fut stupéfait. Il reprocha vivement à Néoptolème de l’avoir trompé en lui promettant une volte-face des Macédoniens, et, après avoir recommandé la vaillance à ses lieutenants, il commença la contre-attaque. Le premier choc fut rude et les lances volèrent bientôt en éclats ; aussi le combat se fit-il à l’épée. Cratère ne déshonora point la mémoire d’Alexandre. Il abattit beaucoup d’ennemis et mit souvent en fuite ses adversaires ; mais à la fin, frappé par un Thrace qui l’avait attaqué de flanc, il tomba de cheval. Après sa chute, tous se ruèrent sur lui, ignorant qui il était. Seul Gorgias, un des lieutenants d’Eumène, le reconnut. Il descendit de cheval et mit une garde autour de lui ; mais il était déjà très mal en point et près de mourir misérablement. En même temps Néoptolème engageait un combat singulier contre Eumène. Ils se haïssaient depuis longtemps et ils étaient alors au paroxysme de leur fureur ; mais dans les deux premières phases de la bataille ils ne s’étaient pas vus. A la troisième ils se reconnurent et foncèrent aussitôt l’un sur l’autre, en tirant leurs poignards et en criant. Leurs chevaux se heurtèrent avec violence de face, comme des galères. Les cavaliers lâchèrent alors les rênes, et, s’agrippant avec les mains, ils cherchaient à s’arracher leurs casques et à rompre leurs cuirasses au défaut de l’épaule. Dans ce corps à corps, leurs chevaux s’enfuirent en même temps de dessous eux : l’un et l’autre glissèrent, et, tombés à terre, ils continuèrent de s’empoigner pour en finir. Néoptolème se relevait le premier ; mais Eumène lui coupa le jarret et parvint ainsi à se mettre debout avant lui. Néoptolème, s’appuyant sur un genou, puisqu’il était estropié de l’autre, se défendait vigoureusement d’en bas, mais sans porter à Eumène d’atteinte mortelle ; au contraire, frappé lui-même à la gorge, il tomba et resta gisant sur le sol. Eumène, sous l’influence de sa colère et de leur haine ancienne, se mit à lui arracher ses armes et à l’insulter. Mais Néoptolème avait encore son épée. Il le blessa par surprise sous sa cuirasse, à l’endroit où elle touchait à l’aine en descendant. Le coup fit plus de peur que de mal à Eumène, ayant été amorti par la faiblesse de son ennemi. Après avoir dépouillé le cadavre, il se sentit mal à son aise, étant déchiré par des blessures aux cuisses et aux bras. Il remonta pourtant sur son cheval et poussa vers l’autre aile, dans la pensée que les ennemis tenaient encore. On lui apprit alors la mort de Cratère. Il piqua des deux et le trouva respirant encore et ayant sa connaissance. Il mit pied à terre, se prit à pleurer et lui donna la main en couvrant Néoptolème d’injures et en déplorant vivement l’infortune de Cratère et la nécessité fatale qui, en le mettant lui-même aux prises avec un ami intime, l’avait réduit à l’alternative de mourir ou de tuer.

VIII. Cette victoire, Eumène la remporta dix jours environ après la première ; et elle accrut encore sa réputation, puisqu’il la devait tant à son génie qu’à son courage. Mais elle lui attira également beaucoup d’envie et de haine, indistinctement chez ses alliés et chez ses ennemis : un immigré, un étranger, avait employé les armes et les mains des Macédoniens pour tuer le premier et le plus illustre d’entre eux ! Si Perdiccas avait su à temps la mort de Cratère, pas un autre que lui n’aurait eu la première place parmi les Macédoniens. Mais il avait été tué en Égypte, dans une mutinerie, depuis deux jours, quand parvint à son camp la nouvelle du combat ; et dans leur colère les Macédoniens condamnèrent aussitôt Eumène à mort. On désigna pour commander l’expédition contre lui Antigone et Antipater. Eumène, passant près des haras royaux établis le long de l’Ida, prit des chevaux tant qu’il voulut et en adressa décharge aux préposés [38] . Antipater là-dessus se mit, paraît-il, à rire : il affectait d’admirer la prévoyance d’Eumène, qui s’attendait à rendre ou à demander compte des biens du Roi [39] . La vérité est qu’Eumène, ayant l’avantage du côté de la cavalerie, voulait combattre autour de Sardes, dans les plaines de Lydie. Son amour-propre l’engageait aussi à déployer ses forces devant Cléopâtre. Mais, sur la prière de cette Princesse, qui craignait de se voir incriminée par Antipater, il fit route vers la Haute Phrygie et passa l’hiver à Célènes [40] . Là, comme Alcétas, Polémon et Docimos lui disputaient le commandement, il leur dit : « C’est bien là le dicton : De perte, pas un mot ! » [41] Comme il avait promis aux soldats de leur payer leur solde dans trois jours, il leur vendait les fermes et les châteaux du pays, qui étaient pleins d’esclaves et de bestiaux. L’officier, commandant d’infanterie ou chef de mercenaires, qui avait acheté ces propriétés pour ses hommes, allait les assiéger avec les engins et les machines que lui fournissait Eumène ; et en proportion de la solde qui leur était due, les hommes se partageaient le butin. Ce procédé donna une popularité nouvelle à Eumène, et un jour que l’on trouva dans le camp des billets, répandus par les chefs des ennemis et où l’on offrait cent talents [42] avec des honneurs à celui qui tuerait. Eumène, les Macédoniens en furent exaspérés. Ils prirent une décision aux termes de laquelle mille des plus vaillants d’entre eux seraient toujours autour de lui comme gardes du corps, veilleraient sur sa personne et le garderaient la nuit à tour de rôle. Les hommes ainsi désignés obéirent, et ils étaient heureux de recevoir de lui les mêmes honneurs que les Rois de Macédoine accordaient à leurs amis [43] . Il avait en effet le pouvoir [44] de distribuer des chapeaux de pourpre et des chlamydes, ce qui était le don royal par excellence chez les Macédoniens.

IX. La prospérité grandit sans doute, même au moral, des hommes naturellement médiocres ; on reconnaît en eux de l’élévation et de la dignité par suite de la situation supérieure où on les voit. Mais une âme vraiment magnanime et ferme se fait voir plutôt dans les échecs et les adversités dont elle triomphe. Ce fut le cas d’Eumène. D’abord vaincu au pays des Orcyniens, en Cappadoce [45] , par Antigone, à la suite d’une trahison [46] , et poursuivi, il ne laissa pas le traître s’enfuir et rejoindre les ennemis ; il le fit arrêter et pendre. Puis, s’enfuyant par la route opposée à celle par où on le poursuivait, il changea de direction à l’insu des ennemis et rebroussa chemin. Arrivé au champ de bataille, il y campa, recueillit les cadavres et fit briser toutes les portes, dans les villages environnants, pour élever deux bûchers, où il brûla les corps des officiers et ceux des simples soldats. Il recouvrit leurs cendres de grands monceaux de terre et partit. Antigone, qui revint plus tard en cet endroit, admira son audace et sa constance. En partant Eumène tomba sur les bagages d’Antigone. Il pouvait prendre facilement beaucoup de personnes libres, une domesticité nombreuse et de grandes richesses amassées à la suite de tant de guerres et de pillages. Mais il craignit que, comblés de butin et de dépouilles, ses hommes ne fussent trop alourdis pour fuir et trop mous pour supporter les courses errantes et résister au temps, dans lequel il voyait son principal atout, pensant à la longue lasser Antigone. Toutefois, comme il lui était difficile de détourner directement les Macédoniens de saisir les biens qu’ils avaient sous la main, il leur dit de commencer par se bien traiter eux-mêmes et donner du fourrage à leurs chevaux avant de marcher à l’ennemi. Cependant lui-même envoyait secrètement prévenir Ménandre, qui avait l’intendance des bagages d’Antigone. Il l’avertissait dans son intérêt, en tant que son ancien ami intime, de prendre ses précautions et de se retirer le plus tôt possible de la plaine, où l’on pouvait courir, dans la région montagneuse voisine, inaccessible à la cavalerie et difficile à cerner. Ménandre eut bientôt compris le péril et se retira. Eumène alors envoya ostensiblement des éclaireurs et donna l’ordre à ses soldats de s’armer et de brider leurs chevaux, comme pour les mener à l’ennemi. Mais les éclaireurs vinrent rapporter que Ménandre était absolument imprenable, s’étant réfugié dans une position difficile. Eumène feignit d’en être contrarié et ramena son armée en arrière. Comme Ménandre, dit-on, rendait compte de cet incident à Antigone, les Macédoniens louaient Eumène et se montraient bien disposés pour un homme qui, pouvant réduire leurs enfants en esclavage et déshonorer leurs femmes, les avait épargnés et laissés échapper. Là-dessus Antigone répliqua : « Mais, innocents que vous êtes, ce n’est pas pour vos beaux yeux qu’il les a lâchés. Il avait peur de retarder sa fuite en se mettant aux pieds de pareilles entraves ! »

X. Ensuite, errant et cherchant à s’échapper, Eumène décida la plupart de ses soldats à partir, soit par intérêt pour eux, soit qu’il ne voulût pas traîner à sa suite des troupes trop peu nombreuses pour combattre et trop nombreuses encore pour passer inaperçues. Il se réfugia donc dans la forteresse de Nora, aux confins de la Lycaonie [47] et de la Cappadoce, avec cinq cents cavaliers et deux cents fantassins. Là encore, il donna leur congé à tous ceux de ses amis qui le lui demandèrent, faute de pouvoir supporter l’incommodité de ce séjour et les restrictions alimentaires. Il les laissa partir en les embrassant et en les comblant de marques d’affection. Antigone, étant survenu, le convoqua à une conférence avant le siège. Il répondit qu’Antigone avait beaucoup d’amis et de généraux capables de lui succéder, mais que de ceux dont lui, Eumène, défendait la cause, aucun ne le remplacerait. Il pria donc Antigone d’envoyer des otages, s’il voulait entrer en pourparlers avec lui. Antigone, se jugeant le plus fort des deux, objecta que c’était à Eumène de venir lui parler. Eumène répondit : « Personne à mes yeux n’est plus fort que moi, tant que je suis maître de mon épée ! » Antigone finit par envoyer dans la forteresse son neveu Ptolémée [48] , comme l’avait demandé Eumène, et celui-ci descendit. Les deux généraux s’embrassèrent et échangèrent des salutations cordiales et affectueuses, en raison de leur longue intimité. Ils conférèrent longuement, et Eumène ne fit pas mention de sa sûreté ni d’une réconciliation. Il réclama son maintien à la tête de ses satrapies et la restitution des dons qu’on lui avait ôtés. Cette attitude excita l’admiration des personnes présentes, ravies de sa fierté et de son courage. En même temps beaucoup de Macédoniens accouraient voir comment était fait cet Eumène ; car il n’y avait pas un autre chef dont on parlât tant depuis la mort de Cratère. Mais Antigone, craignant qu’on ne lui fît subir quelque violence, défendit d’abord à grands cris d’approcher et fit jeter des pierres aux arrivants. A la fin, il entoura Eumène de ses bras, et, faisant écarter la foule par ses gardes du corps, il le remit avec peine en lieu sûr.

XI. Antigone établit ensuite un retranchement autour de Nora. Il y mit une garnison et partit. Eumène se trouvait donc étroitement bloqué dans une place qui possédait en abondance du blé, de l’eau douce et du sel, mais rien d’autre à consommer, ni aucune douceur à joindre au pain. Cependant, avec le peu qu’il y avait, Eumène ménageait à ses compagnons une vie gaie, les invitant à tour de rôle à sa table et agrémentant le repas par une conversation pleine de charme et de grâce. Il avait un extérieur séduisant, qui, ne tenant rien de l’homme de guerre et du vieux soldat, restait élégant et juvénile ; et tout son corps était si bien fait, si admirablement proportionné, qu’on eût dit une merveille de l’art. Sans être un orateur, il avait un langage enjoué et persuasif, dont on peut juger par ses lettres. Comme les gens enfermés avec lui souffraient de l’étroitesse du lieu où ils se morfondaient dans de petits logements et qui avait deux stades de tour [49] , qu’ils prenaient eux-mêmes leur nourriture sans exercice et portaient la provende à leurs chevaux également oisifs, il voulut, non seulement leur ôter la langueur qui les minait par suite de l’oisiveté, mais encore les entraîner, tant bien que mal, à la fuite, si l’occasion s’en présentait. Il assigna donc à ses hommes pour promenoir la salle la plus grande de la forteresse, qui avait quatorze coudées [50] de long, en leur ordonnant d’allonger peu à peu le pas. Quant aux chevaux, il les fit sangler chacun avec de grandes brides attachées au plafond ; on les soulevait ensuite par les parties du cou, au moyen de poulies, de façon qu’avec leurs jambes de derrière, ils s’appuyaient à terre et qu’avec les pieds de devant ils ne touchaient le sol que de l’extrémité du sabot. Quand ils étaient ainsi suspendus, les palefreniers les excitaient à grands cris et à coups de fouet. Alors ces animaux, remplis d’humeur et de colère, sautaient sur les pieds de derrière et bondissaient ; mais avec les pieds qui étaient en l’air ils tâchaient de retomber sur le sol. En le piétinant avec bruit des pieds de derrière, ils allongeaient tout leur corps et exhalaient beaucoup de sueur et d’écume, et l’exercice n’était pas mauvais, ni pour la vitesse, ni pour la force. On leur donnait leur orge toute mondée, pour la leur faire absorber plus vite et digérer mieux.

XII. Le siège durait depuis longtemps déjà, quand Antigone apprit la mort d’Antipater en Macédoine [51] et le désordre des affaires à la suite du conflit entre Cassandre et Polysperchon [52] . Ses ambitions n’étaient plus médiocres ; il aspirait à la souveraineté universelle, et il voulut avoir Eumène pour ami et pour complice dans ses entreprises. Aussi envoya-t-il Hiéronyme pour conclure un accord avec lui, en proposant une formule de serment à prêter par Eumène. Mais Eumène la corrigea et proposa de soumettre sa formule et celle d’Antigone aux Macédoniens qui l’assiégeaient, pour savoir laquelle était la plus juste. Car Antigone, par convenance, faisait au début mention des Rois, après quoi le reste du serment ne s’appliquait qu’à lui. Eumène, au contraire, écrivit en premier lieu dans le serment les noms d’Olympias [53] et des Rois ; puis il jurait de ne pas être dévoué seulement à Antigone, et d’avoir pour amis non seulement ceux d’Antigone, mais ceux d’Olympias et des Rois. Ces stipulations étant manifestement plus justes, les Macédoniens firent prêter ce serment à Eumène et levèrent le siège. Puis ils envoyèrent une députation à Antigone pour lui demander d’échanger le même serment avec Eumène. Alors Eumène rendit tous les otages des Cappadociens qu’il avait à Nora, en recevant de ceux qui venaient les chercher des chevaux, des bêtes de somme et des tentes. Il réunit ensuite tous ceux de ses soldats qui, dispersés par la défaite, erraient dans le pays, et finit par avoir autour de lui près de mille cavaliers. Il s’enfuit avec eux, craignant un retour offensif d’Antigone. (C’était à juste titre ; car non seulement ce général avait ordonné de resserrer le blocus, mais encore il avait répondu en termes amers aux Macédoniens coupables d’avoir souscrit au serment corrigé par Eumène.)

XIII. Pendant sa fuite, on lui envoya des lettres de la part des gens de Macédoine qui craignaient l’avènement d’Antigone. Olympias l’engageait à venir prendre le jeune enfant d’Alexandre et l’élever, car la vie de ce pauvre petit était menacée. Polysperchon et le Roi Philippe lui ordonnaient, en tant que commandant l’armée de Cappadoce, de faire la guerre à Antigone et l’autorisaient à prendre dans le trésor de Quinda [54] cinq cents talents [55] pour rétablir ses propres affaires, et, pour la guerre, tout ce qu’il voudrait. Ils en avaient écrit à Antigène et à Teutamos, chefs des Argyraspides (Boucliers d’Argent) [56] . Après avoir reçu les lettres royales, ces officiers firent des politesses à Eumène, mais ne purent dissimuler leur envie et leur jalousie, car ils n’acceptaient pas de passer après lui. Eumène apaisa l’envie en refusant de prendre l’argent, dont il n’avait pas besoin. Restaient leurs aspirations au commandement. Comme ils étaient incapables d’être au premier rang et ne voulaient pas du second, ils recourut contre eux à la superstition. Il dit qu’Alexandre lui était apparu en songe et lui avait montré une tente royalement montée, avec un trône à l’intérieur. Puis le héros avait dit que ceux qui siégeraient là et y expédieraient les affaires l’auraient avec eux et qu’il présiderait à toutes leurs délibérations et à toutes leurs entreprises, pourvu que l’on commençât par lui [57] . Eumène convainquit aisément Antigène et Teutamos. Ces généraux ne voulaient pas se rendre chez lui, et, de son côté, il ne voulait pas se faire voir à leur porte. Ils firent donc dresser une tente royale avec un trône qu’ils appelèrent le trône d’Alexandre, et c’est là qu’ils allaient délibérer ensemble sur les grandes affaires. Ils avancèrent ensuite dans le haut pays [58] et Peuceste [59] , qui était un ami d’Eumène, vint le trouver avec les autres satrapes. Tous joignirent leurs troupes à celles d’Eumène, et, tant par le nombre des hommes d’armes que par l’éclat de leur équipement, ils réconfortèrent les Macédoniens. Mais ces satrapes eux-mêmes étaient devenus ingouvernables par l’autorité qu’on leur avait laissée, et amollis par la vie qu’ils menaient depuis la mort d’Alexandre. Ils mettaient en commun des orgueils tyranniques et entretenus par l’arrogance naturelle aux Barbares. Ils étaient donc désagréables et difficiles à concilier entre eux. Quant aux soldats macédoniens, ces chefs les flattaient sans réserve ; et, à force de dépenser pour eux de grosses sommes en repas et en sacrifices, ils firent, en peu de temps, du camp un mauvais lieu où l’on faisait toujours la fête, et de l’armée un foyer de manoeuvres électorales pour ou contre les généraux, comme dans un État démocratique. Eumène, sachant que ses collègues se méprisaient les uns les autres, mais le craignaient et épiaient l’occasion de le tuer, feignit d’avoir besoin d’argent et emprunta de grosses sommes en talents à ses pires ennemis, afin de leur donner confiance et de les amener à le ménager, dans l’intérêt de leur argent. De la sorte, il eut le bien d’autrui pour garde du corps, et, quand les autres donnent d’ordinaire de l’argent pour prix de leur sécurité, lui seul en reçut pour garantie de la sienne.

XIV. Cependant les soldats macédoniens, se croyant hors de danger, se laissaient acheter par leurs corrupteurs, allaient leur faire la cour et servaient de gardes du corps à ces gens atteints de la maladie du commandement. Mais lorsqu’Antigone, avec une armée considérable, eut établi son camp près du leur, la situation prit une voix pour réclamer le seul général digne de ce nom. Alors les soldats ne furent pas seuls à regarder du côté d’Eumène ; chacun de ces fameux satrapes, grandi dans les débauches de la paix, fut trop heureux de s’effacer et d’occuper sans rien dire le poste qu’on lui assignait. Et en effet, à l’affaire du Pasitigris [60] qu’Antigone essaya de passer sans que les généraux préposés à la défense de ce fleuve s’en fussent même aperçu, Eumène fut seul à lui tenir tête. Il engagea le combat, tua beaucoup de monde et remplit le fleuve de morts ; il fit aussi quatre mille prisonniers. Mais c’est surtout à l’occasion de la maladie dont il fut atteint que les Macédoniens montrèrent bien qu’ils croyaient les autres capables de les festoyer magnifiquement et de leur offrir des réjouissances, mais lui seul de commander et de faire la guerre. Car Peuceste, en Perse, leur avait servi un banquet splendide et donné une victime à sacrifier par homme. Il espérait arriver de la sorte au premier rang. Peu de jours après, on marchait à l’ennemi. Eumène, par suite d’une maladie dangereuse, se faisait transporter en civière hors des rangs pour éviter le bruit, car il ne pouvait reposer. Mais en avançant un peu les soldats virent tout à coup, en haut de certaines collines, les ennemis s’apprêter à descendre dans la plaine. L’éclat des armes dorées resplendissait au soleil sur les sommets ; les ennemis s’avançaient en bon ordre de formation ; dans le haut, on voyait les éléphants chargés de tours et les cottes de pourpre dont se paraient les soldats pour aller au combat. A ce spectacle, les hommes des premiers rangs s’arrêtèrent en se criant les uns aux autres d’appeler Eumène, car ils n’avanceraient pas s’il n’était à leur tête. Ils appuyèrent leurs armes contre le sol et se firent passer la consigne de rester sur place. Ils criaient en même temps à leurs chefs de se tenir tranquilles, plutôt que de combattre et de s’exposer aux coups de l’ennemi sans Eumène. Instruit de ces démonstrations, Eumène vint à eux en faisant presser le pas à ses porteurs. Il fit tirer des deux côtés les rideaux de sa litière et tendit de loin la main droite avec joie. Et les hommes, quand ils le virent, le saluèrent aussitôt en langue macédonienne, et relevèrent leurs boucliers, qu’ils frappèrent avec leurs piques. Ils provoquaient l’ennemi, maintenant que leur chef était là.

XV. Cependant Antigone, apprenant par ses prisonniers qu’Eumène était malade et qu’on le portait dans une litière, fort mal en point, pensa que ce ne serait pas une grosse affaire d’écraser les autres, celui-là étant hors de cause. Il se hâta donc de conduire son armée au combat. Mais les troupes d’Eumène s’étant rangées en ordre de bataille, il alla reconnaître à cheval leur ordonnance et leur disposition. Il en fut stupéfait et resta sur place assez longtemps ; puis il aperçut la litière qui se déployait d’une aile à l’autre. Alors il poussa un grand éclat de rire, comme il en avait l’habitude, et dit à ses amis « C’est cette litière, paraît-il, qui se battait contre nous ! » Aussitôt après il ramena ses hommes en arrière et regagna son camp. Mais quand les soldats d’Eumène eurent un peu respiré, la démagogie recommença. Ils se montrèrent insolents envers leurs chefs et s’attribuèrent comme quartiers d’hiver presque toute la province de Gobène [61] , en sorte que les derniers campaient à peu près à mille stades [62] des premiers. Antigone averti marcha aussitôt contre eux. En arrêtant sa retraite, il avait pris une route pénible et sans eau, mais directe et courte, espérant que, s’il les surprenait dispersés dans leurs quartiers d’hiver, la masse ne pourrait même plus rejoindre facilement les généraux. Il s’engagea donc dans un pays inhabité, où des vents terribles et de grandes gelées contrariaient sa marche en retardant l’armée. Pour y remédier, il fallut allumer de grands feux, ce qui signala ce mouvement de troupes à l’attention de l’ennemi : les Barbares qui habitaient les montagnes regardant vers le désert, s’étonnèrent de cette quantité de feux et envoyèrent prévenir Peuceste par des messagers portés à dos de dromadaires. Cet officier, en apprenant la nouvelle, fut absolument éperdu, et, voyant les autres aussi effrayés que lui, il se mit à fuir, en attirant à sa suite tous les soldats qu’il rencontrait en route. Mais Eumène dissipa le trouble et la crainte de ses hommes en promettant d’arrêter l’avance des ennemis de façon à retarder leur arrivée de trois jours. On le crut, et il envoya en même temps des messagers porter l’ordre de rassembler les troupes qui étaient dans leurs quartiers d’hiver, et aussi les autres, en toute hâte. Lui-même monta à cheval avec les autres généraux ; et, choisissant un endroit visible de loin pour des gens qui faisaient route dans le désert, il le circonscrivit et le mesura de façon précise ; puis il y fit allumer des feux nombreux à intervalles réguliers, comme dans un camp. L’ordre fut exécuté, et, Antigone en voyant ces feux dans les montagnes, fut pris de lassitude et de découragement ; car il crut avoir à en découdre avec des ennemis avertis depuis longtemps. Afin donc de ne pas être obligé de combattre, avec une armée accablée de fatigue et épuisée par la marche, contre des hommes dispos et refaits par un bon hiver, il abandonna le raccourci, et, conduisant ses troupes à travers les bourgs et les villes, il les reprit tranquillement en mains. Mais il ne trouvait personne pour s’opposer à sa marche, contrairement à ce qui se passe d’ordinaire quand on a l’ennemi en face de soi, et les gens du pays disaient qu’ils n’avaient pas vu d’armée, mais que la position était pleine de feux allumés. Il comprit alors qu’il était joué par Eumène, ce qui l’irrita fort, et il fit avancer son armée pour livrer, à ciel ouvert un combat décisif.

XVI. A ce moment la plus grande partie des troupes rassemblées autour d’Eumène admiraient son talent et l’invitaient à commander seul. Cet état d’esprit de l’armée excita le chagrin et le dépit des chefs des Boucliers d’Argent, Antigène et Teutamos, qui formèrent un complot contre Eumène. Ils réunirent la plupart des satrapes et des généraux pour décider quand et comment il faudrait le tuer. L’avis unanime fut d’employer ses services pour le combat et de le tuer aussitôt après. Eudame, chef des cornacs, et Phédime allèrent en secret annoncer à Eumène cette résolution, non par dévouement ou affection pour lui, mais de crainte de perdre l’argent qu’ils lui avaient prêté. Eumène les remercia ; puis, rentrant sous sa tente, il dit à ses amis qu’il vivait dans une horde de bêtes fauves. Il fit ensuite son testament, déchira et détruisit ses papiers, ne voulant pas qu’après sa mort on tirât de ses dossiers secrets des prétextes à incriminer et à calomnier ses correspondants. Après avoir pris ces dispositions, il se demanda s’il laisserait la victoire aux ennemis ou s’il s’enfuirait à travers la Médie et l’Arménie pour rentrer en Cappadoce. Il n’arrêta rien devant ses amis. Mais, après avoir repassé dans son esprit tous les aspects divers de la situation, il finit par ranger son armée en bataille. Il encourageait les Grecs et les Barbares ; mais lui-même était réconforté par la phalange macédonienne et les Boucliers d’Argent, qui déclaraient que l’ennemi ne supporterait pas leur choc. C’étaient en effet les plus âgés des soldats de Philippe et d’Alexandre, vrais athlètes de guerre qui n’avaient connu jusqu’alors ni défaite, ni échec, et dont beaucoup avaient soixante-dix ans, aucun, moins de soixante. Aussi en marchant contre les hommes d’Antigone criaient-ils : « Vous vous en prenez à vos pères, mauvaises têtes ! » Tombant sur eux avec colère, ils écrasèrent d’un seul coup toute l’infanterie, sans rencontrer de résistance, et firent main basse sur la plupart des combattants. De ce côté, la défaite d’Antigone était complète ; mais, dans le combat de cavalerie, il avait le dessus. La tenue de Peuceste fut des plus lâches et des plus viles ; Antigone put donc s’emparer de tout le bagage, grâce à sa présence d’esprit dans les moments critiques. Il était d’ailleurs favorisé par la nature du terrain, une vaste plaine, peu profonde, dont le sol dépourvu de consistance était sablonneux, friable, fait d’une substance sèche et saline, qui, raclée par les sabots de tant de chevaux et les pieds de tant d’hommes emportés dans une course furieuse, se soulevait en nuages de poussière obstinée, blanchissant l’air et troublant la vue. Voilà comment Antigone put aisément, à l’insu de tous, s’emparer du bagage des ennemis.

XVII. Le combat fini, Teutamos envoya tout de suite une ambassade pour réclamer les bagages. Antigone promit de les rendre aux Boucliers d’Argent et d’avoir pour ces vieux soldats toutes les attentions possibles, pourvu qu’on lui livrât Eumène. Ils prirent alors l’affreuse résolution de le remettre vivant à ses ennemis. Ils commencèrent par s’approcher de lui de façon à ne pas éveiller ses soupçons, et en l’épiant. Les uns gémissaient sur leurs bagages, les autres l’engageaient à prendre courage, puisqu’il était vainqueur, les autres mettaient en cause ses collègues dans le commandement. Ensuite, tombant sur lui, ils lui prirent son poignard et lui attachèrent les mains derrière le dos avec sa ceinture. Quand Nicanor fut envoyé par Antigone pour prendre livraison du prisonnier, Eumène demanda la parole pendant qu’on le menait à travers les rangs des Macédoniens. Ils protesta qu’il ne voulait ni prier ni implorer, mais parler à ses hommes de leur véritable intérêt. Le silence s’étant fait, il se plaça en un lieu élevé, et, étendant ses mains enchaînées, il dit : « Antigone, ô les plus vils des Macédoniens, pouvait-il rêver de commémorer votre honte par un trophée comparable à celui que vous dressez vous-mêmes, à votre déshonneur, en livrant prisonnier votre général ? N’était-il pas horrible déjà, quand vous étiez vainqueurs, de vous reconnaître vaincus dans vos bagages, comme si l’argent, et non les armes, faisait la victoire ? Il y a pis maintenant ; et vous faites de votre chef la rançon de vos défroques. Ainsi l’on m’emmène, moi, sans que j’aie subi de défaite vainqueur de mes ennemis, je suis perdu par la faute de mes alliés. Vous du moins, au nom du Zeus des armées et de tous les dieux gardiens des serments, tuez-moi ici de vos propres mains. De toute façon, là-bas comme ici, mon meurtre sera votre oeuvre, Antigone ne vous en voudra pas ; il lui faut le cadavre d’Eumène : vivant, qu’en ferait-il ? Mais si vous entendez épargner cette peine à vos mains, il suffira de délier l’une des miennes. Si vous ne voulez pas me confier une épée, jetez-moi, pieds et poings liés, aux bêtes. Faites cela, et je vous délie de vos engagements envers moi ; je vous reconnais pour des soldats très respectueux et très soumis. »

XVIII. Ces paroles d’Eumène attendrissaient la masse, et l’on entendit des gémissements. Mais les Boucliers d’Argent criaient de l’emmener, sans s’arrêter à de pareilles sornettes : « Ce n’est pas une affaire, disaient-ils, qu’un maudit Chersonésien ait à se repentir des tourments qu’il a infligés aux Macédoniens en mille guerres ; la catastrophe, c’est que les meilleurs des soldats d’Alexandre et de Philippe, après tant de fatigues, soient privés du prix de leurs luttes et réduits à mendier leur subsistance ; c’est que leurs femmes dorment déjà depuis trois nuits avec les ennemis. » En tenant ces propos, ils pressaient la marche du prisonnier. Antigone, craignant d’être débordé par la foule (car il n’était resté personne dans le camp d’Eumène), envoya dix de ses plus forts éléphants et un grand nombre d’hommes d’armes, Mèdes et Parthes, pour faire circuler. Ensuite il n’eut pas le courage de voir lui-même Eumène, à cause de leur ancienne intimité. Comme ceux qui avaient reçu en dépôt la personne du captif lui demandaient comment ils le garderaient, il répondit : « Comme un éléphant, ou comme un lion ! » Mais peu après il eut pitié de lui. Il lui fit ôter ses chaînes les plus pesantes et lui permit de recevoir un des esclaves de son service intime pour le masser. Il autorisa aussi ceux des amis d’Eumène qui le désireraient à passer la journée avec le prisonnier et à lui apporter le nécessaire. Il délibéra plusieurs jours de suite à son sujet, écartant les opinions et les suggestions diverses. Néarque de Crète et Démétrios, fils d’Antigone, se donnaient du mal pour sauver Eumène ; mais les autres, à peu près tous, s’acharnaient à réclamer sa mort. On dit qu’Eumène demandait une fois à son gardien Onomarque pourquoi enfin Antigone, s’étant emparé d’un ennemi personnel et d’un adversaire de guerre, et l’ayant à sa discrétion, ne le tuait pas promptement ou, s’il voulait être généreux, ne le relâchait pas tout de suite. Onomarque répliqua insolemment : « Ce n’est pas à présent, c’était au moment du combat qu’il fallait regarder la mort en face ! » — Zeus m’est témoin, reprit Eumène, que c’est ce que je faisais alors ! Demande plutôt à ceux qui en sont venus aux mains avec moi ! Mais je sais bien que je n’avais jamais rencontré quelqu’un de plus fort que moi ! » — Alors, dit Onomarque, puisque maintenant tu l’as trouvé, ce plus fort, pourquoi n’attends-tu pas son moment à lui ? »

XIX. Pour en revenir au sujet, quand Antigone décida de faire mourir Eumène, il lui supprima la nourriture. Étant resté deux ou trois jours sans manger, il s’acheminait de la sorte vers sa fin. Mais le camp ayant été levé tout à coup, on envoya un homme l’achever [63] . Quant à son corps. Antigone le remit à ses amis, en leur permettant de le brûler et de recueillir les cendres dans une urne d’argent pour les rendre à sa femme et à ses enfants. Eumène étant mort dans ces conditions, le destin ne confia le châtiment des officiers et des soldats qui l’avaient trahi à personne d’autre qu’Antigone. Regardant les Boucliers d’Argent comme des impies et des brutes, il les mit entre les mains de Sibyrtios, gouverneur d’Arachosie [64] , avec ordre de les écraser et de les faire disparaître n’importe comment, de façon que nul d’entre eux ne rentrât en Macédoine et ne revît la mer de Grèce.



[1] Cardie, ville de la Chersonèse de Thrace, sur le golfe Mélas.

[2] Duris de Samos (350-280 av. J.-C.), élève de Théophraste, historien et quelque temps tyran de Samos.

[3] La Chersonèse de Thrace, colonisée par les Athéniens, puis occupée par Philippe. Aujourd’hui presqu’île de Gallipoli.

[4] Le pancrace réunissait la lutte au pugilat avec les poings nus, sans cestes.

[5] Perdiccas ( ?-321 av. J.-C.), l’un des principaux lieutenants d’Alexandre, qui lui laissa son anneau. Il exerça une sorte de régence sous Philippe-Arrhidée. Antipater, Cratère et Ptolémée s’étant ligués contre lui, il fut vaincu et ensuite tué par ses propres soldats.

[6] Héphestion ( ?-325 av. J.-C.), le célèbre favori d’Alexandre.

[7] Artabaze, général perse, rallié à la Macédoine. Sa fille avait épousé en premières noces Memnon de Rhodes, général au service de Darius Codoman, mort en 333 av. J.-C.

[8] Héraclès fut mis à mort par le régent de Macédoine Polysperchon en 310 av. J.-C.

[9] D’après Arrien (Anabase VII, 4, 6) ces deux soeurs s’appelaient Artacame et Artonis.

[10] Cf. Vie d’Alexandre, LXX.

[11] Personnage qui n’est pas mentionné ailleurs.

[12] Cf. Vie d’Alexandre, X.

[13] L’Océan ; la Méditerranée est la mer Intérieure.

[14] 1.668.000 francs-or [1950].

[15] 5.560.000 francs-or [1950].

[16] En 325 av. J.-C. cf. Vie d’Alexandre, LXXII.

[17] Les amis du Roi voulaient proclamer Roi l’enfant qu’attendait alors Roxane, et qui fut Alexandre Aegos. L’infanterie prenait parti pour Philippe Arrhidée, demi-frère d’Alexandre.

[18] C’est là qu’Alexandre était mort.

[19] Les satrapies étaient les anciennes vice-royautés perses, L’empire d’Alexandre se trouva partagé, après sa mort (323 av. J.-C.) en trente-deux gouvernements.

[20] Anciennes provinces perses d’Asie Mineure.

[21] Sur la côte méridionale du Pont-Euxin, aujourd’hui Trébizonde.

[22] Léonnat, de Pella, un des lieutenants d’Alexandre. Il reçut en partage la Mysie ; mais, étant passé en Europe pour soutenir Antipater contre les Grecs en 322, il fut vaincu et tué par les Athéniens.

[23] Antigone (382-301 av. J.-C.). Roi d’Asie, défait et tué par Lysimaque à Ipsos.

[24] Les autres diadoques.

[25] Antipater ( ?-319 av. J.-C.), nommé par Alexandre régent de Macédoine en 334, lors du départ de ce Prince pour l’Asie.

[26] En Thessalie. Les assiégeants étaient commandés par Léosthène. Cf Vie de Phocion.

[27] Cléopâtre, soeur d’Alexandre, mariée en 336 av. J.-C. au Roi d’Épire Alexandre, qui mourut en 326. Tuée en 308, sans doute par ordre d’Antigone.

[28] 27.800.000 francs-or [1950].

[29] Il s’agit de Philippe Arrhidée et du fils posthume d’Alexandre, l’un faible d’esprit, l’autre, au berceau. Perdiccas gouvernait sous leur nom.

[30] Au sud-est de l’Asie Mineure, en face de Chypre.

[31] Ce personnage, dont il a été fait mention au chapitre I, avait reçu le gouvernement de l’Arménie.

[32] Cratère ( ?-321 av. J.-C,) avait reçu, à la mort d’Alexandre, le gouvernement de la Macédoine et de la Grèce, conjointement avec Antipater.

[33] A la bataille de Crannon, en 322 av. J.-C.

[34] Ptolémée Ier ( ?-283 av. J.-C.), nommé gouverneur d’Égypte à la mort d’Alexandre et Roi de ce pays en 306.

[35] Alcétas était le frère de Perdiccas.

[36] Allusion à la brouille d’Antipater avec Perdiccas.

[37] On ne sait rien de plus sur ce général.

[38] Il se considérait toujours comme délégué des deux Rois.

[39] La fiction de la royauté des héritiers légitimes d’Alexandre ne pouvait survivre à Perdiccas.

[40] Célènes, grande ville au sud de la Phrygie, aux sources du Méandre et du Marsyas. Eumène, poursuivi par Antigone, ce qui n’est encore indiqué qu’assez vaguement par Plutarque, descendait vers le sud-est.

[41] Les concurrents ne voulaient voir que les avantages du commandement, et non les risques.

[42] 556.000 francs-or [1950].

[43] L’appellation d’ami du Roi est un titre officiel.

[44] Par une concession de Perdiccas au nom des deux Rois.

[45] Il était alors remonté vers le nord, pour rejoindre sa satrapie.

[46] Celle d’Apollonide, commandant d’une de ses divisions de cavalerie.

[47] Dans le sud-est de la Phrygie.

[48] Ne pas confondre ce personnage avec le fondateur de la dynastie égyptienne.

[49] 368 mètres, dit l’amiral Jurien de la Gravière.

[50] Un peu plus de six mètres.

[51] A la fin de 320 ou dans les premiers jours de 319 av. J.-C.

[52] Antipater avait désigné comme régent de Macédoine à sa place son vieil ami Polysperchon au lieu de son fils Cassandre, maintenu dans la dignité militaire de chiliarque.

[53] La mère d’Alexandre.

[54] Quinda, place forte de Cilicie, où l’on avait transféré le trésor royal de Suse.

[55] 2.780.000 francs-or [1950].

[56] Ces deux officiers avaient la garde du trésor. Les Boucliers d’Argent, au nombre d’environ trois mille, étaient l’élite des soldats d’Alexandre.

[57] Tout serait censé se faire en son nom.

[58] En 317. Antigone était alors en Mésopotamie.

[59] Peuceste avait obtenu le gouvernement de la Perse après la mort d’Alexandre.

[60] Le Pasitigris prend sa source aux portes de Suse et se jette dans le golfe Persique.

[61] A l’ouest de la Susiane.

[62] 182 kilomètres. Cette dispersion devait rendre la concentration très difficile.

[63] Cet homme l’étrangla, soi-disant à l’insu d’Antigone.

[64] Le crime finit toujours par être puni ; Plutarque écrit des Vies Morales.