La Marine des Anciens

Note extraite de La Bibliothèque historique et militaire, tome 3, 1842, publiée par CH. Liskenne et Sauvan

Dans le temps que Végèce écrivait, sur la fin du quatrième siècle, l’art de la marine était presque oublié. Depuis longtemps on ne combattait plus sur mer ; toutes les terres baignées par la Méditerranée étaient soumises vers la fin de la république et la bataille d’Actium fut le dernier exploit mémorable sur cet élément. Néanmoins Auguste conserva deux flottes pour purger la mer des pirates et assurer la navigation ; l’une qui se tenait à Misène, était destinée à protéger le commerce des Gaules, de l’Espagne et de toute la partie occidentale de l’Empire ; l’autre, placée à Ravenne, couvrait l’Orient. Le préfet de chaque flotte commandait dans les mers de son district ; il avait sous lui dix tribuns, avec autant de cohortes pour monter les vaisseaux qu’on mettait en mer. Chaque bâtiment avait d’ailleurs son capitaine, son pilote et ses mariniers.

Ces vaisseaux s’appelaient liburnes, du nom de la Liburnie, contrée faisant partie de la Dalmatie. Auguste, qui s’était bien trouvé de leur service à la bataille d’Actium, en conserva l’usage de préférence à d’autres. Ils étaient beaucoup plus légers et d’une meilleure construction car on sait qu’Antoine fut battu parce que ses vaisseaux, trop grands et trop lourds, devenaient difficiles à manoeuvrer.

Dans les désordres de l’empire, qui amenèrent sa décadence, on négligea l’entretien des deux flottes établies par Auguste, et la marine romaine tomba totalement. Zozime, contemporain de l’empereur Valens, convient que de son temps il ne restait aucun vestige des anciennes galères appelées birèmes, trirèmes, quadrirèmes. Végèce, qui vivait peu de temps après, ne parle en effet que des liburnes ; mais il ne dit pas moins qu’on faisait ces galères à plusieurs rangs de rames, depuis un seul pour les plus petites, jusqu’à cinq pour les plus grandes. Il paraît seulement qu’on avait abandonné toutes les autres espèces de construction, pour s’attacher à celle-ci.

Appien nous apprend que les Illyriens se servaient de ces bâtiments pour courir la mer d’Ionie dont ils infestaient toutes les îles, et que les birèmes des Romains en prirent leur nom. Les dromones étaient donc des espèces de birèmes et de trirèmes, portant depuis cent jusqu’à deux cents et deux cent quarante rameurs, non compris un certain nombre de soldats.

Comme les rameurs servaient à la manoeuvre et au combat, prenant les armes dès qu’on s’abordait, on mettait peu de soldats sur les galères ; celles des Athéniens qui combattirent à Salamine, ne portaient chacune que quatre archers et quatorze soldats pesamment armés. Les quinquérèmes des Romains, à la bataille d’Ecnome, contenaient 300 rameurs et 120 soldats. C’est la plus forte proportion qui ait été suivie ; elle était communément d’un cinquième ou d’un quart.

Les bâtiments des anciens n’avaient qu’un seul mât avec une voile : Xénophon nous apprend qu’il y avait aussi dans chaque galère une voile de rechange plus petite que l’autre. On s’en servait quand la mer était forte, et souvent lorsqu’on devait combattre, afin d’être plus maître de la manoeuvre qui dépendait alors presque toute de la chiourme. Toutefois, lorsqu’on eut de plus grands bâtiments, on fit les mâts assez hauts pour porter deux antennes. Cela devenait surtout nécessaire quand on dressait à la poupe des châteaux élevés qui interceptaient l’action de la voile basse, en lui coupant une partie du vent. On en vit même jusqu’à trois, ce qui était néanmoins fort rare, et n’avait lieu que dans des vaisseaux d’une grandeur extraordinaire, comme ceux d’Antigone et de Démétrius, successeurs d’Alexandre. Les voiles étaient de toile de lin dont les meilleures se faisaient en Égypte. On se servait aussi de peaux molles et bien apprêtées, surtout sur l’Océan, ce que César remarque des peuples de la Bretagne.

L’usage était de teindre les voiles, et la diversité des couleurs distinguait les vaisseaux ou les escadres comme le font à présent nos pavillons. Cela n’empêchait pas qu’il n’y eût un panonceau de toile ou de quelque étoffe à la poupe, et une flamme au dessus du mât.

Les premières ancres n’étaient qu’à une seule dent ; on les fit ensuite à deux, telles que nous les avons encore. Pline en cite l’inventeur ainsi que ceux du mât, des voiles, des rames, du gouvernail. Mais l’origine des usages anciens est toujours trop obscur, et le mérite de l’invention trop disputé, pour s’arrêter à ce qu’on en trouve dans les auteurs, qui sont d’ailleurs rarement d’accord entre eux [1] .

II.

La disposition des divers rangs de rames a été jusqu’à présent, un point de critique beaucoup discuté et peu éclairci. Les savants qui s’en sont mêlés n’ayant point eu égard à la justesse des proportions, ont adopté des opinions qui, à l’examen, deviennent insoutenables. Ceux-ci se sont figuré des étages où les rameurs étaient directement les uns au-dessus des autres ; ceux-là ont prétendu que le nombre des rangs de rameurs exprimait celui des hommes qu’on mettait à chaque rame.

Ces deux systèmes sont également hors de toute vraisemblance, quoiqu’ils aient été appuyés de passages qui leur paraissent favorables. Si les étages eussent été couverts l’un par l’autre, comme ceux d’une maison, en ne donnant pour chacun que quatre pieds et demi, une septirème aurait eu 31 pieds d’oeuvres hors de l’eau, et une décemrème 45. Un tel bâtiment devenait énorme, et n’aurait pu se tenir en équilibre sur la mer. La quinquerème, montrant 22 pieds et demi d’oeuvres mortes, eût été tout à fait disproportionnée.

Le second système n’est pas plus probable puisqu’il fausse les mesures et les rapports de la largeur du bâtiment à sa longueur ; car en supposant dix hommes par rame de chaque côté, on en verra vingt sur la même ligne. Comme on ne peut leur donner à chacun moins de deux pieds pour agir commodément, et qu’il faut entre les bancs de bâbord et tribord, une allée ou passage large de six pieds au moins, il en résulterait pour la galère une largeur de 46 pieds : celle-qu’auraient eue les bâtiments qui étaient de 12, de 15, de 20 rangs et au delà.

Au rapport d’Athénée, la longueur était septuple de la largeur : mais n’eût-elle été que sextuple, cela semble toujours prodigieux. Nos galères ordinaires n’ont que 143 pieds de long, et nos plus grands vaisseaux 176, de l’étrave à l’étambot. L’expérience a fait connaître qu’une longueur au-delà ne permet pas que toutes les parties du corps du vaisseau soient bien liées, et les expose à larguer de l’avant à l’arrière au premier mouvement. Un navire trop long ne peut être bien balancé sur son centre de gravité. La poussée ou résistance de l’eau sous la quille a trop de peine à le relever ; il s’agite, se tourmente et marche mal.

Les deux systèmes que je viens de rapporter, ayant paru insoutenables, on en a imaginé un troisième, pour établir trois ponts ou planchers différents, qui partageaient entre eux toute la longueur du vaisseau, sur lequel ils étaient disposés en amphithéâtre. Ces trois ponts étaient pour répondre aux trois ordres de rameurs qu’on avait reconnu devoir exister chez les anciens, à savoir les thalamites, les zygites et les thranites. Les premiers occupaient l’étage le plus bas vers la proue, les seconds celui du milieu, et les troisièmes le plus élevé vers la poupe, On mettait sur chaque étage un certain nombre de rames qui répondait à celui des rangs qu’on voulait établir dans la galère ; et en conséquence de cet arrangement, une birème avec six rames de chaque côté, deux par pont ; un trirème neuf, trois par pont ; une quinquerème quinze ; une octirème vingt-quatre, huit par pont ; et ainsi des autres, suivant toujours la même proportion

On prétendait expliquer par-là le problème du nombre des rangs dont une galère pouvait être composée, et lever toute difficulté sur celles que les historiens nous apprennent avoir été portées à 10, 15, 20, 30 et jusqu’à 40 rangs de rames. En effet on n’y trouve rien qui contrarie ce qui est dit sur ces sortes de galères : celles de douze rangs n’auraient eu que 36 rames par bord ; celles de quinze 45, ce qui n’est point incroyable.

On sait que Demétrius Poliorcète, fort versé dans la mécanique militaire, ou du moins fort amateur de nouvelles machines, avait fait construire des galères à 15 et à 16 rangs de rames, qui n’étaient point de simple ostentation, mais dont il faisait un très bon usage à la guerre : Plutarque tenait sans doute ceci de bon lieu, puisqu’il a soin d’avertir qu’il parle dans la pure vérité et sans exagération.

A l’égard des galères de 20, de 30 et de 40 rangs, la longueur en eût été véritablement démesurée ; mais aussi l’on n’ignore point que ces bâtiments étaient plutôt de parade que pour le service. Plutarque parle d’une galère à 40 rangs de Ptolémée Philopater, qui contenait 1000 rameurs et 3000 soldats. Sa longueur était de 108 coudées, et sa hauteur de 48. Le même Philopator avait deux galères de 30 rangs et une de 20 ; les autres étaient de 12, de 13 et au-dessous. On prétend que ce prince fit encore construire un vaisseau plus grand et plus magnifique que le premier, pour se promener sur le Nil avec toute sa cour ; il se nommait le Thalamègue.

Athénée fait aussi la, description d’un navire étonnant par sa grandeur, et que Hiéron II, tyran de Syracuse, avait fait bâtir. Il y avait de chaque côté trente chambres, des cuisines, des salles à manger, un appartement pour les femmes, une bibliothèque, et des galeries chargées d’arbres fruitiers. Trois cents charpentiers, aidés d’un grand nombre d’autres ouvriers, ne purent le finir qu’en un an.

Ces ouvrages monstrueux, de pure vanité, n’étaient pas plus impossibles à élever que les pyramides d’Égypte. Les princes peuvent faire, quand ils veulent, de folles ostentations de leur puissance. Il ne s’agit que de multiplier les bras, et de prodiguer un argent qui, étant tiré du peuple, ne devrait être employé que pour son bonheur et son utilité.

Le faible du dernier système dont je viens de parler, porte sur ce qu’on aurait vu trop peu de rames dans les birèmes et trirèmes. Le nombre des rameurs devenait même insuffisant. Quand on supposerait qu’il y en aurait eu quatre par rame, puisqu’une birème n’avait que quatre rames à chaque bord, elle n’aurait possédé en tout que 32 rameurs, et une trirème 72 ; cela ne s’accorderait nullement avec le nombre d’hommes qui les montaient, et qui était communément de 200 à 240 au plus, sur lesquels il n’y avait que très peu de soldats. La vitesse et l’impulsion d’une galère pour choquer de l’éperon, venant presque entièrement de la chiourme, elle devait par conséquent être nombreuse et très forte.

Les trois opinions que j’ai rapportées, sont donc absolument insoutenables. J’ai cru devoir épargner au lecteur l’exposé peu intéressant des noms de leurs auteurs et de tous les savants qui ont voulu raisonner sur cette matière, ainsi que d’une infinité de citations, qui montrent plutôt leur érudition que leur goût et leur jugement.

Il suffit d’avoir fait connaître leurs erreurs ; car dans l’examen des choses de cette nature, ce n’est pas assez de rassembler des passages qui paraissent autoriser un sentiment, il faut encore le fonder sur la possibilité des mesures dans la pratique, et la justesse des proportions.

Deslandes, qui a fait aussi, dans son Essai sur la marine des anciens, un résumé des trois systèmes précédents, les désapprouve. Il démontre par des raisons très plausibles, et même par les lois de la statique, que les galères des anciens ne pouvaient pas être plus longues que les nôtres, et ne tiraient pas plus d’eau.

Il est constant que des bâtiments qui longeaient le plus souvent les côtes, qui en approchaient, librement, qui entraient avec facilité dans des rivières, que l’on tirait presque tous les soirs à terre pour les mettre à sec, ne devaient pas avoir beaucoup de creux, ni une grande pesanteur. Le peu de temps que les anciens mettaient à construire et équiper de grandes flottes, ne nous donne pas non plus une haute idée de leur marine. Mais comme les historiens peuvent avoir dénaturé les faits, il vaut mieux étudier les anciens dans leurs usages et leur pratique, examinant aussi avec soin certains lieux étroits et resserrés, comme des rades, des détroits, l’entrée d’un golfe, où se sont donnés souvent des combats entre des flottes assez nombreuses. L’histoire est parsemée de ces exemples, et l’on voit que la plupart des batailles sur mer se passent fort près des côtes.

Deslandes convient que les trois ordres de rameurs étaient placés sur des ponts différents, et que ces trois ponts étaient en amphithéâtre. Par cette disposition, si l’on suppose que chaque plancher ne dominait l’inférieur que de 24 ou 30 pouces, la hauteur d’une trirème, vers la poupe, n’avait que quatre à cinq pieds d’élévation de plus que si elle eût été à un seul pont. Il ne détermine point absolument le nombre des rames sur chaque pont, mais il présume, d’après un passage de Polybe, qu’il y avait dix bancs par étage : c’est-à-dire 20 rames, ce qui en faisait 30 pour chaque côté, nombre qui paraît très convenable à l’idée qu’on se forme de la force d’une trirème, et analogue à ce qui se pratique aujourd’hui. Quant aux galères à quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix rangs, et plus, il conjecture que l’on pouvait partager chaque étage en deux ou trois gradins qui s’élevaient très peu l’un au dessus de l’autre.

Ainsi pour faire une quadrirème, on coupait le second pont des zygites en deux gradins ; pour la quinquerème ; celui-des zygites et des thranites ; pour la galère à six rangs, on augmentait chaque pont d’un gradin, etc. Tout cela pouvait se faire sans augmenter beaucoup la hauteur du bord, et ne changeait rien à la disposition des trois ordres de rameurs qui subsistait toujours.

Ce sentiment aurait assez de probabilité, sans une difficulté qui se présente tout naturellement et à laquelle Deslandes n’a pas fait attention. C’est qu’on ne voit pas quel avantage cette augmentation de gradins pouvait procurer. On n’ajoutait rien par là à la force des rames ; au contraire, car en les élevant il fallait leur donner plus de longueur extérieure, et cet excédent ne pouvait que nuire à l’action du rameur, en le fatiguant davantage. On n’en augmentait pas non plus le nombre ; d’ailleurs il faut considérer que cette quantité de gradins, dans toute la longueur du bâtiment, aurait été fort gênante pour les communications, pour la facilité et la promptitude du service, soit dans la manoeuvre, soit dans le combat.

Je crois donc qu’il ne faut pas s’arrêter à cette idée qui n’est point fondée sur des motifs assez solides. Je vais à mon tour exposer ma pensée. Les erreurs des autres étant reconnues, sont autant de pas faits pour nous conduire à la vérité : ce sont des fausses routes marquées où l’on ne saurait plus s’égarer. Si je n’ai pas trouvé la véritable, elle sera peut-être réservée à celui qui viendra après moi.

Les premiers moyens dont les hommes se servirent pour naviguer furent vraisemblablement des radeaux qu’ils conduisaient avec des perches sur les rivières ou le long des côtes. Ils employèrent aussi des troncs d’arbres creusés comme les sauvages de l’Amérique, auxquels ils appliquèrent la rame. Bientôt après, on inventa la voile et l’on fit des cordages d’écorce d’arbres, ou de joncs ; car ce ne fut que dans la suite qu’on mit le chanvre en usage ; on a eu fort longtemps des navires construits d’osier recouvert de peaux ; le creux seul était de bois de sapin. On en a fait aussi qui étaient entièrement de joncs, de cannes, ou d’osier recouvert de cuir. Cela se pratiquait surtout chez les peuples qui habitaient les côtes de l’Océan. Les Normands en avaient encore de semblables lorsqu’ils commencèrent à se répandre en Europe.

L’expérience occasionnant tous les jours de nouvelles remarques, et les arts prenant un accroissement, celui de la marine commença de se former. On fit des navires plus grands, plus solides, et plus propres à soutenir la mer. Pline désigne par longae naves, les premiers bâtiments longs que nous appelons galères, et il cite cinq auteurs [2] qui en attribuaient chacun l’invention à un personnage différent ; incertitude ordinaire dans toutes les choses dont l’origine est reculée.

Ce qu’il y a de certain, c’est que du temps de la guerre de Troie, ils étaient encore très médiocres, à un seul rang de rames, et ne portant que 50, 100 ou 120 hommes au plus, comme on le voit dans Homère. Tous les soldats tiraient à la rame et il n’y avait point d’autres gens sur ces galères, si ce n’est dans celles qui portaient les princes et les généraux. Thucydide dit même, qu’elles n’étaient pas pontées, mais faites comme de simples bateaux, ce qui se pratiquait encore de son temps par les pirates, pour n’être pas si facilement découverts. Ce ne fut donc qu’après la guerre de Troie qu’on inventa les birèmes, que Pline attribue à un certain Damastes Erythréen. Enfin les Grecs, auparavant fort pauvres et qui ne s’occupaient que de piraterie, étant devenus plus riches et plus puissants, s’adonnèrent davantage à la navigation. « Les Corinthiens furent les premiers qui changèrent la forme des vaisseaux ; et au lieu de simples galères, ils en firent à trois rangs. » Thucydide dit qu’Aminoclès de Corinthe en construisit quatre de cette espèce aux Samiens. 300 ans avant le temps où il écrivait son histoire il ajoute que 40 ans après cette époque, il se donna un combat naval entre ceux de Corinthe et de Corcyre, le plus ancien dont il soit fait mention. Il faut bien peser le sens de tous les passages de cet historien, qui, plus que les autres, serviront à fixer nos idées.

Quoique les galères à trois rangs fussent connues depuis Aminoclès, et que plusieurs peuples se fussent rendus redoutables sur mer, comme les Ioniens, les Samiens, les Phocéens et les Carthaginois, Thucydide dit, « qu’on se servait encore beaucoup plus de vaisseaux longs ou galères simples qui n’avaient qu’un seul rang de cinquante rames ; que toutefois un peu avant la première guerre des Perses, sous Darius, successeur de Cambyse, les habitants de Corcyre et les tyrans de Sicile avaient plusieurs galères à trois rangs. Qu’à l’égard des Athéniens, des Eginètes et quelques autres, ils n’avaient que de petites flottes composées de vaisseaux longs, jusqu’à ce que Thémistocle eût persuadé les Athéniens de faire des galères à trois rangs ; et que ce fut par leur moyen qu’ils gagnèrent la bataille de Salamine : encore le tillac n’y régnait il pas tout du long ».

Les vaisseaux longs, appelés de même par les Grecs et les Latins, n’étaient pas pontés ; il n’y avait qu’un simple plancher qui régnait de l’avant à l’arrière et couvrait la sentine ; c’était dessus qu’étaient établis les bancs des rameurs, entièrement à découvert. Les bords ne devaient être élevés qu’autant qu’il fallait pour couvrir le rameur assis, et comme ces bâtiments plats tiraient peu d’eau, le toulet, ou point d’appui de la rame, pouvait se trouver à deux pieds et demi de la flottaison.

Lorsqu’on fit des birèmes, on ponta la moitié du bâtiment du côté de la poupe ; et par ce moyen, les rameurs de cette partie se trouvèrent plus élevés que les autres de la hauteur du pont sur lequel on les plaça. Il est constant que dans les birèmes, ils étaient tous à découvert, et qu’il y en avait à peu près autant en bas qu’en haut.

C’était de même dans les dromones, qui n’étaient autre chose que des birèmes. Il n’est pas moins certain que les trous où passaient les rames du rang inférieur n’étaient pas fort au-dessus de l’eau, puisque l’empereur Léon dit qu’il serait à propos de trouver moyen de faire entrer l’eau par cet endroit dans la galère ennemie.

Il n’y avait donc alors que deux ordres de rameurs, les thalamites et les thranites. On demandera peut-être si les thalamites occupaient toute la longueur du bâtiment. L’empereur Léon décide nettement la question, en fixant le même nombre de bancs et de rameurs pour le bas que pour le haut. Cela fait juger que le pont, ou tillac n’était pas fort élevé, du moins autant qu’il eût fallu pour tenir dessous des rameurs : ou bien que cette partie fut réservée pour les munitions et les provisions de bouche. En effet, on ne pouvait leur donner une autre place.

Maintenant pour faire une trirème, on prolongeait le pont dans toute la longueur de la galère ; et l’on formait vers la poupe un tillac un peu plus élevé. Elle était alors, ce que les Latins appelaient constrata et les Grecs cataphracte. Les thalamites gardaient toujours le bas qu’on appelait navis pavimentum ; mais ils étaient alors couverts, ce que je prouverai bientôt.

Les thranites étaient sur le tillac la partie la plus élevée, et les zygites occupaient le reste du pont jusqu’à la proue. Ainsi ils se trouvaient directement au-dessus des thalamites, et plus bas que les thranites. Ils étaient comme ceux-ci à découvert ; c’est pourquoi on les appelait socii navales, parce qu’il n’y avait que ces deux ordres qui pussent combattre, et qu’ils étaient en effet camarades et compagnons d’armes. Aussi devaient-ils être armés défensivement, comme les soldats, et l’empereur Léon l’ordonne expressément.

Ses plus grandes dromones étaient de véritables trirèmes ; et il les distingue très bien des moyennes qui n’étaient que des birèmes. Sur celles-ci il ne met que cent rameurs partagés également aux bancs inférieurs et aux supérieurs. Sur les grandes « on pourra, dit-il, en mettre deux cents et même plus : cinquante seront pour les bancs d’en bas, et cent cinquante pour ceux d’en haut qui seront tous armés pour combattre ». On voit par là que le rang d’en bas ne pouvait pas tenir toute la longueur de la galère, et qu’il n’en devait occuper que la moitié comme dans les birèmes. Il laisse cent cinquante hommes pour les rangs d’en haut. Par leur disposition, cent auraient suffi pour rameurs ; mais il y comprenait ceux qui devaient être purement soldats, et ceux qu’il fallait aussi pour la manœuvre des voiles.

Rien, ce me semble, de plus clair et plus simple que ce que je viens de dire, et de plus conforme aux proportions naturelles des bâtiments de cette espèce. J’ai montré que les toulets des rames les plus basses ne pouvaient être qu’à deux pieds et demi, ou trois pieds de la flottaison. Le bâtiment étant ponté et devenant plus pesant, cette hauteur devait  encore diminuer. Ainsi donnons lui seulement deux pieds ; les toulets du rang des zygites devaient être quatre pieds et demi au dessus des premiers, et ceux des rames des thranites deux ou trois pieds en sus. Cela fait en tout huit pieds et demi pour le tillac et six pieds et demi pour le reste du pont ; à quoi ajoutant un pied de bord au dessus des toulets des rangs supérieurs, cela fera neuf pieds et demi pour là plus grande hauteur vers la poupe, et sept pieds et demi vers la proue.

Avant d’aller plus loin, il est à propos de prouver, comme je l’ai annoncé, que les thalamites étaient au-dessous du pont. Les auteurs anciens comme Thucydide, Polybe, Arrien et quelques autres, ne font aucune mention des zygites, c’est-à-dire des rameurs du milieu. Ils paraissent ne désigner que deux sortes de rames ; celles du bas qui étaient fort courtes, et qu’Aristote appelle, par cette raison, rames tronquées ; celles du haut, qui étaient les plus longues et fatiguaient davantage les rameurs.

Thucydide parle de ces deux rangs fort clairement, mais sans désigner les noms des ordres de rameurs. Polybe cite nommément l’étage des thranites ; Arrien, en parlant de la flotte avec laquelle Alexandre descendait l’Hydaspe, dit qu’elle était composée de quatre-vingts galères à trente rames ; et un peu après il ajoute que celles à double rang eurent celui d’en-bas fracassé, en passant le confluent de l’Hydaspe dans l’Acesinez, parce qu’on ne put retirer les avirons.

Le rang des zygites et celui des thranites étaient souvent confondus ensemble, et censés n’en faire qu’un, parce qu’ils étaient tous sur le pont et à découvert : à l’égard des thalamites ils étaient tellement renfermés qu’ils n’avaient aucune communication avec les autres.

On lit dans Appien qu’une galère ayant été percée à fleur de la flottaison, l’eau pénétra avec tant d’impétuosité dans la case des thalamites qu’ils y périrent tous, et que les rameurs d’en haut, instruits de cet accident, eurent le temps de se sauver. On trouve encore que dans un combat, le feu ayant pris à l’étage supérieur, cette partie était toute en flamme avant que ceux d’en bas en eussent la moindre connaissance. Ces deux passages prouvent assez bien, ce me semble, que les thalamites étaient enfermés sous le pont.

Il y avait toujours un petit château de poupe pour loger le pilote et les principaux officiers ; mais lorsque la galère était constrata ou tout à fait pontée, on pouvait alors élever de grands châteaux à la poupe et à la proue, pour dominer beaucoup les ennemis. On devait placer sur le pont de grosses machines de jet, et des grues, pour faire tomber des masses sur le vaisseau qu’on allait combattre. Aussi n’est-ce que depuis l’usage des trirèmes que ces choses furent pratiquées, et l’empereur Léon n’en parle que pour les grandes dromones qui étaient des trirèmes.

La trirème était le vrai bâtiment de guerre porté à sa perfection. Tout ce qui était au-dessus ne venait que de certaines augmentations qu’on jugea pouvoir être avantageuses. Végèce nous apprend la facilité qu’il y avait de faire d’une trirème, une quadrirème et une quinquerème.

Voici ce qui me parait de plus probable sur cet article. Pour élever la galère au rang d’une quadrirème, on donnait au tillac une hauteur qui permit de prolonger dessous les bancs des zygites. Cette partie du pont dominait l’autre de deux ou trois pieds. Il n’était question que d’augmenter cette hauteur, jusqu’à quatre pieds et demi ou cinq pieds, ce qui était très aisé ; la galère paraissait alors avoir quatre rangs de rameurs, deux à la poupe et deux à la proue, quoique dans le fond il n’y en eût toujours que trois. Voulait-on faire une quinquerème, on formait trois rangs entre le mât et la poupe, et deux vers la proue.

Lorsqu’il était question d’une galère à six rangs on élevait trois rangs l’un sur l’autre à la proue, et de même autant à la poupe, ceux-ci dépassant de quelques pieds les premiers. Pour la septirème le pont était partagé en trois parties : à celle de la proue il y avait deux rangs de rames, à celle du milieu trois, et à celle de la poupe deux. La partie du milieu dominait celle de la proue, et se trouvait elle-même dominée par celle de la poupe.

En prolongeant un rang d’en bas vers la poupe, il était aisé d’en faire une octirème. La novemrème devait être aussi partagée en trois, et chaque partie avoir trois étages de rames. Il faut évaluer la hauteur de chaque étage, à quatre pieds huit pouces, ce qui fait quatorze pieds. Ainsi ce bâtiment n’avait que quatorze pieds d’oeuvres mortes vers la proue, et dix-huit vers la poupe ; ce qui n’est pas une hauteur extraordinaire, et n’exigeait pas des rames au delà de quarante pieds.

Je conviens qu’elles devenaient difficiles à manier, et qu’un seul homme ne suffisait pas ; aussi n’est-il pas douteux qu’on y appliquait plusieurs rameurs ; et je juge que cette augmentation devait être en raison de la longueur des rames. Au second étage, on en mettait deux ; au troisième, vers la proue, trois au moins, et quatre vers la poupe.

Quelques auteurs, comme Jean Scheffer et Scaliger, ont voulu prouver qu’on chargeait de plomb la partie intérieure de la rame pour la contrepeser avec celle qui sortait ; mais, comme cela n’ajoutait rien à la force de la vogue il n’aurait pas moins fallu augmenter le nombre des rameurs.

Les Grecs et les Romains ont été d’ailleurs trop éclairés pour négliger cet avantage. Peut-être que cet usage se perdit dans la décadence de l’empire, ou fut négligé, car on prétend qu’André Doria, amiral de l’empereur Charles V, le renouvela ;  du moins paraît-il qu’il s’avisa, le premier parmi les modernes, de donner quatre hommes à chaque rame. Les français l’imitèrent et en ajoutèrent un cinquième, ce qui se pratique encore aujourd’hui.

Les trirèmes étant, comme je l’ai fait voir, les vrais navires de guerre, on n’entendait pas autre chose lorsqu’on parlait de vaisseaux pontés, et lorsque, dans le nombre, il y avait des quadrirèmes, quinquerèmes et au-dessus, on les désignait nommément. Tite-Live distingue deux sortes de trirèmes : minoris formae, et majoris formae. Les premières étaient les trirèmes proprement dites, les secondes des bâtiments portés à quatre, cinq, six et sept rangs. Nous distinguons de même les différents ordres de nos vaisseaux de guerre, qui sont tous compris sous le nom général de vaisseaux de ligne.

Par les différentes coupes des étages, on portait donc les galères jusqu’à neuf et dix rangs de rames, sans que pour cela il y en eût plus de trois l’un au-dessus de l’autre. Je ne pense même pas qu’on ait jamais été au-delà. Si l’on voit des galères de quinze, seize et jusqu’à vingt rangs, je crois bien, avec Deslandes, que cela ne venait que d’une disposition particulière des étages, et de certaines augmentations qu’on y faisait ; mais ce n’était pas uniquement pour placer, comme il le dit, des machines.

Un emplacement pour des machines, sans autre objet, ne constituait pas un rang de rames, et ne pouvait en prendre le nom. Il est donc plus vraisemblable que l’on coupait les différents étages en plusieurs parties, comme trois, quatre ou cinq, et que l’on désignait l’ordre de la galère par le nombre de rames placées à chaque coupe.

Pour bien entendre ceci, il faut se représenter le corps du bâtiment divisé en trois parties dans sa longueur, et chaque partie ayant trois étages directement l’un sur l’antr. Si l’on place sur chaque étage de ces trois coupes dix rameurs, la galère sera dite deyeres ; si l’on en place quinze, pentekaideyeres, et elle aura quarante-cinq rames dans sa longueur, de la proue à la poupe ; si l’on en met seize, elle sera dite eykaideyeres, et aura quarante-huit rames de longueur. Une galère que nous appelons à trente rangs avait quatre-vingt-dix rames de longueur, ce qui en fait deux cent soixante-dix pour un côté dans les trois étages, et quatre cent cinquante pour le tout.

Si l’on considère qu’au second et au troisième étage on mettait plusieurs hommes à chaque rame, et que dans les bâtiments d’une grandeur extraordinaire, on devait en mettre aussi plusieurs au premier, on trouvera tout simple que la galère de Ptolémée Philopator, qui était à quarante rangs, ait eu quatre mille rameurs.

Ce ne fut que depuis Alexandre qu’on vit à la mer des bâtiments de dix, douze, quinze, vingt rangs de rames. Démétrius, fils d’Antigone, grand amateur de la mécanique militaire, se piqua de renchérir sur tout ce qui s’était fait avant lui ; il fit construire des tours pour les sièges d’une hauteur surprenante, et il voulut de même avoir des vaisseaux plus grands qu’aucun de ceux qu’on eût encore vus. Quoique Plutarque nous assure qu’ils étaient malgré cela d’un mouvement prompt et léger, et que Lysimaque fût étonné de la facilité avec laquelle ils manoeuvraient, il est toujours constant que les meilleurs vaisseaux pour le combat et les plus communs étaient les trirèmes et quinquerèmes.

Les septirèmes et au-dessus étaient assez rares ; du moins les Romains s’en tinrent sagement sur cet article à ce  qu’ils avaient appris des Carthaginois et des Illyriens, les plus habiles navigateurs de ce temps.

Dans la flotte de César Auguste, à la bataille d’Actium, toutes les galères étaient depuis trois jusqu’à six rangs, pour les plus fortes. Antoine, au contraire, n’en avait point au-dessous de six, et beaucoup allaient jusqu’à neuf, ce qui fut la cause de son désastre.

Elles ressemblaient, dit un ancien, à des châteaux qui faisaient gémir la mer, sous leur poids et travailler les vents. Le goût de ces grands vaisseaux s’était introduit depuis Démétrius, et se conservait surtout en Orient, où les rois d’Égypte le portèrent jusqu’à l’excès ; mais ces lourdes masses ne furent jamais d’un grand service, et l’on voit même que dans la plupart des combats les septirèmes et les décemrèmes ont presque toujours été prises ou percées par de moindres vaisseaux.

Quoique notre marine ne ressemble point à celle des anciens, elle ne doit pas moins se former sur les mêmes principes : solidité et légèreté. Les gros vaisseaux, que nous appelons du premier rang, de cent pièces de canon et au-delà, ne sont pas les plus utiles, et coûtent considérablement ; toutes les rades ne leur conviennent point, et ils sont souvent en danger de toucher. Cette fameuse flotte de Philippe II, appelée l’invincible, composée de cent cinquante gros vaisseaux, fut vaincue par cent vaisseaux anglais beaucoup plus petits. On vit dans cette bataille, comme à celle d’Actium, l’avantage de la manoeuvre et de la légèreté sur la grandeur et la gravité. Les Anglais battirent encore en 1605 la flotte espagnole, et ont eu depuis divers succès par la même cause.

Tout ce que j’ai dit sur la marine ancienne ne regarde que les vaisseaux faits particulièrement pour le combat. Les autres, qui servaient au commerce ou pour le transport, étaient construits différemment. Ils allaient aussi à voiles et à rames, mais avec un seul rang ; on les faisait élevés et spacieux. César, dans sa seconde expédition d’Angleterre, jugea néanmoins à propos de leur donner moins de bord et plus de largeur, afin de les retirer plus aisément à sec.

Ces bâtiments de charge portaient les bagages, les vivres, des munitions, des chevaux, et même des éléphants. Pyrrhus fut le premier qui osa y embarquer ces animaux, lorsqu’il entreprit son expédition en Italie. Il fallut des navires bien plus grands encore pour le transport des obélisques que les empereurs firent conduire d’Égypte à Rome. Celui dont parle Pline sous C. Caligula devait être prodigieux, s’il est vrai que son lest fut de cent mille boisseaux de lentilles. Ce navire ne fit qu’un seul voyage, et fut ensuite coulé à fond devant le port d’Ostie afin de servir de fondement au môle qu’on y éleva pour sa défense.

Nous avons pense qu’on lirait avec intérêt le chapitre de l’empereur Maurice où il parle des dromones. Ce morceau nous semble d’ailleurs d’autant plus précieux, qu’il est le seul qui puisse nous faire connaître en détail et avec exactitude les moyens employés par les anciens pour construire un pont et passer une rivière devant l’ennemi.

MANIERE DE PASSER UN FLEUVE QUAND L’ENNEMI EST SUR LE BORD OPPOSÉ.

Il faut tenir prêts les vaisseaux, les navires de charge qui portent les bagages ; et les vivres, ceux qui servent à la navigation, et les autres qui sont destinés pour la construction du pont avec leurs cordes, leurs poutrelles et madriers, afin qu’ils suivent et côtoient l’armée qui marche par terre. On en formera des divisions, qui obéiront chacune à un préfet, et qui seront distinguées par la couleur d’un pavillon attaché mât du navire. Le tout sera sous les ordres d’un général, qui aura sous lui des mérarques. S’il y a beaucoup de dromones, on les divisera en trois escadres, ayant chacune un buccinateur et un porteur d’ordres. Elles seront toutes armées, du moins la plus grande partie, de petites balistes couvertes par des mantelets de tissu de crin ou de cordes, afin d’écarter les ennemis qui, s’approcheraient du bord pendant qu’elles naviguent. On les renforce par des châteaux, et l’on y met le nombre d’archers nécessaires. On marque sur la rive le lieu où elles doivent aborder et où les équipages campent selon l’ordre de leurs divisions. On fait un appel de tous les bâtiments de la flotte, pour voir s’il n’en manque aucun. Lorsqu’on se met en mouvement, les dromones voguent à la tête, et les navires de charge derrière elles ; mais, comme ils sont plus pesants et qu’à peine ils peuvent les suivre il faut laisser quelques dromones pour les escorter. Comme ils sont distingués et séparés par divisions, ainsi que le bagage de terre, ils suivront le même ordre en naviguant. La place de leur camp ne sera pas éloignée de celui des dromones, et, pour les mettre en sûreté contre les courses de l’ennemi et les entreprises qu’il a coutume de tenter pendant la nuit, on les entourera d’un fossé. Si les ennemis paraissaient avec une flotte et qu’il fallût combattre, les dromones se rangeraient en ligne, avec assez de distance entre elles pour qu’elles pussent voguer à leur aise et que les rames ne s’embarrassassent point les unes dans les autres. Elles occuperont, si cela se peut sans risque, toute la largeur du fleuve, et ce qui sera l’excédant formera une seconde ligne à la distance d’un jet de flèche, même une troisième au cas qu’il reste encore des vaisseaux.

Mais, supposé qu’au lieu de cela les ennemis soient en force sur la rive opposée, et que l’on voulût faire un pont pour y passer, on commencera l’ouvrage de son côté avec ce qui sera préparé pour cet effet, à savoir : les grands bateaux, les câbles, les poutrelles et les madriers. Lorsqu’on sera parvenu à la portée du trait de la rive opposée, les dromones, qui portent les balistes et autres machines semblables, se rangeront à la tête de l’ouvrage pour le couvrir et faire éloigner les ennemis.

Elles tiendront toujours ce poste, en s’avançant à mesure que le pont s’allongera, de sorte qu’il s’achèvera de cette manière, peu à peu sans aucun danger. Lorsqu’il sera bien affermi et arrêté par des cordages de l’un et de l’autre côté, aussitôt on élèvera sur la rive où sont les ennemis des tours avec des bois, des briques, ou simplement des pierres sèches, pour garder la tête du pont. Mais d’abord on aura pris la précaution de faire en avant un bon fossé en demi-cercle, qu’on bordera d’infanterie avec des balistes, afin de protéger la construction de ces tours. Ensuite l’armée passera, soit infanterie, cavalerie et bagages.



[1] Voici le passage de Pline l’Ancien auquel il est (sans doute) fait référence : L’observation des astres dans la navigation est due aux Phéniciens, la rame à la ville de Copae, la largeur qu’elle a à la ville de Platée, les voiles à Icare, le mât et l’antenne à Dédale ; le navire propre à porter les chevaux, aux Samiens ou à Périclès d’Athènes ; les vaisseaux longs pontés aux Thasiens (auparavant on combattait seulement de la proue et de la poupe) ; l’addition d’éperons à Pisée le Tyrrhénien, l’ancre à Eupalamus ; l’ancre à deux dents à Anacharsis ; les grappins et les mains de fer à Périclès d’Athènes, le gouvernail à Tiphys . Le premier qui fit la guerre avec une flotte fut Minos… (VII, 57, 17) — Ugo Bratelli.
[2] Voir la note 1 — Ugo Bratelli.