XÉNOPHON

Traduction de Pierre Chambry

LA RÉPUBLIQUE DES LACÉDÉMONIENS

NOTICE SUR LA RÉPUBLIQUE DES LACÉDÉMONIENS

Dans un dialogue des Mémorables, III, 5, le fils de Périclès demande à Socrate ce que les Athéniens doivent faire pour recouvrer leur ancienne vertu. « Ils n’ont, dit Socrate, qu’à étudier les moeurs de leurs ancêtres et à se conduire comme eux ; sinon, qu’ils imitent du moins ceux qui ont la prééminence, qu’ils prennent leurs institutions. S’ils les pratiquent avec le même zèle, ils seront aussi bons qu’eux ; avec plus de zèle, ils seront même meilleurs. — C’est dire, reprit le fils de Périclès, que notre ville est encore bien loin de la vertu. Quand les Athéniens suivront-ils l’exemple des Lacédémoniens dans leur respect pour la vieillesse, eux qui, à commencer par leurs propres pères, méprisent les vieillards ? Quand exerceront-ils leurs corps, comme eux, eux qui non seulement ne s’inquiètent pas du bon état de leurs corps, mais encore se raillent de ceux qui s’en occupent ? Quand obéiront-ils aux magistrats, eux qui se piquent de mépriser ceux qui les commandent ? Quand vivront-ils comme eux dans la concorde, eux qui, au lieu de s’aider les uns les autres, cherchent à se nuire et s’envient les uns les autres plus que les autres hommes ? »

Le traité Sur la République des Lacédémoniens semble avoir été écrit pour remplir le programme esquissé dans ce passage des Mémorables. Ce thème de l’excellence des institutions de Sparte était un dogme consacré dans le cercle des socratiques. Socrate, pour qui science et vertu se confondaient, ne pouvait estimer la démocratie athénienne, livrée à l’incompétence et à l’oppression de l’élite par la multitude jalouse. Les désastres de la guerre du Péloponnèse n’étaient pas faits pour réconcilier ses disciples avec la démocratie. C’est la turbulence et l’indiscipline des Athéniens qui avaient causé la défaite d’Aigos-Potamos. C’est la discipline des soldats de Lysandre qui avait assuré le succès de Sparte. Tous les esprits réfléchis à Athènes s’en étaient rendu compte. De là à proposer les institutions de Sparte comme modèle aux Athéniens il n’y avait qu’un pas, et sans doute Xénophon ne fut pas le premier à le franchir ; car tous les aristocrates de l’Attique étaient plus ou moins laconisants et prônaient les vertus Spartiates. Critias, un des Trente Tyrans, avait, avant notre auteur, composé un recueil intitulé les Républiques ou les Constitutions. Parmi ces constitutions figurait naturellement celle de Sparte, et Xénophon s’en inspira sans doute.

Pour juger des institutions Spartiates, il se place, non pas au point de vue des particuliers et de leur bonheur, mais au point de vue de l’Etat à la grandeur duquel tout est subordonné. C’est ce qui explique que ce tendre époux, cet excellent père de famille admire les institutions de Sparte relatives au mariage et aux enfants. Pour avoir des enfants vigoureux, les Spartiates donnent aux jeunes filles une éducation physique semblable à celle des garçons. Ils imposent au vieillard marié avec une jeune femme l’obligation de choisir un jeune homme pour faire des enfants à sa place. Ils permettent au célibataire d’en avoir avec la femme d’un autre, si cet autre y consent. Ces étranges coutumes, si contraires à l’idée que nous nous faisons de la famille et à celle que Xénophon s’en faisait lui-même, il les approuve, en se fondant sur la nécessité de procréer des hommes supérieurs en taille et en force.

Dès que les enfants comprennent ce qu’on leur dit, l’Etat Spartiate les arrache à leur famille et les met sous l’autorité d’un pédonome. On les élève à la dure : ils marchent pieds nus et n’ont qu’un vêtement pour toute l’année ; ils volent pour satisfaire leur appétit, et sont fouettés, s’ils se laissent prendre. Cette éducation ne va pas sans inconvénients pour la santé des enfants et le bonheur des familles. Xénophon n’a pas l’air de s’en inquiéter. Il s’agit uniquement de former de bons soldats pour défendre l’Etat. Il ne lui vient pas à l’idée de se demander si un pareil Etat mérite d’être défendu et si une telle vie vaut la peine d’être vécue.

La même tutelle de fer règle la vie des adolescents. On les soumet à des travaux continuels, à une continence austère, à une surveillance incessante.

Une institution spéciale, celle des hippagrètes, s’applique aux hommes faits. Trois hippagrètes choisissent chacun cent hommes et donnent les raisons de leur choix et de leurs exclusions. Ceux qui sont exclus deviennent les ennemis de ceux qui sont élus. Il en résulte une jalousie et une émulation qui produisent des rixes continuelles entre les uns et les autres. Les vieillards eux-mêmes doivent entretenir leur vigueur jusqu’à la fin et pour cela pratiquer l’exercice de la chasse.

Un trait caractéristique de la constitution Spartiate, ce sont les philities ou repas en commun des jeunes et des vieux, où les jeunes s’instruisent en écoutant les vieux, où l’on s’habitue à la sobriété et à la décence. Sparte, dès le temps de paix, ressemble donc à un camp.

Les Lacédémoniens pratiquent en outre un demi-communisme : ils commandent aux enfants les uns des autres, et se servent des esclaves, des chiens de chasse, des chevaux, et, au retour de la chasse, des vivres d’autrui.

Pour les maintenir dans la vertu, Lycurgue leur a interdit l’usage de l’or et de l’argent, et a fait frapper une monnaie si lourde qu’il faut un chariot pour transporter dix mines.

Sparte est le pays où l’on obéit le mieux aux magistrats. Les magistrats eux-mêmes sont soumis à l’autorité des éphores, qui peuvent leur interdire l’exercice de leurs fonctions. Cette exacte obéissance, Lycurgue l’obtint en faisant sanctionner ses lois par l’oracle de Delphes.

La qualité qu’on admirait le plus chez les Spartiates est le courage. Lycurgue le développa par des institutions qui assuraient aux braves une vie honorée et aux lâches une vie dégradée et malheureuse.

Enfin, en décidant que les sénateurs ne seraient pris que parmi les vieillards, il a encouragé la vieillesse à la vertu. La vertu est d’ailleurs une obligation publique imposée à tous les citoyens.

Après ces institutions communes à la paix et à la guerre, qui font l’objet des dix premiers chapitres, Xénophon étudie spécialement l’organisation de l’armée lacédémonienne et décrit le service, l’uniforme, les divisions de l’armée et la tactique, puis la castramétation et la vie dans les camps. Il traite ensuite des attributions du roi, en campagne, de la décadence des Lacédémoniens, et des rapports du roi avec la république dans les trois derniers chapitres, xiii, XIV et XV. Il y a dans la place donnée à ces chapitres un désordre évident. Le XVe, qui traite des rapports du roi et de la république, devrait logiquement suivre le XIIIe où il est question des attributions du roi en campagne, et le chapitre XIV sur la décadence des Lacédémoniens devrait servir d’épilogue à l’ouvrage, comme dans la Cyropédie le chapitre vm du livre VIII sur la décadence de l’empire perse occupe la dernière place. Faut-il rejeter le chapitre XV comme apocryphe ? Rien n’indique la main d’un faussaire, ni le fond, ni le style. Certains critiques ont rejeté au contraire le chapitre XIV, comme une palinodie inacceptable. Elle me semble, au contraire, indispensable. Comment les contemporains qui voyaient les Lacédémoniens courir après la richesse et attenter à la liberté des Etats grecs, auraient-ils cru aux effets bienfaisants que Xénophon attribuait aux lois de Lycurgue, s’il n’avait pris soin de leur dire que ces lois n’étaient plus obéies et que c’était précisément cette désobéissance qui était la cause de la décadence de Sparte ? Le chapitre est certainement authentique. S’il est mal placé par suite de l’inattention d’un copiste ou de tout autre accident fortuit, il suffit de le remettre à la fin, qui est sa place naturelle.

Certains critiques croient trouver une dissonance entre les dix premiers chapitres et les cinq derniers. Ils soutiennent que l’auteur n’avait pas l’intention de traiter de la constitution de Sparte en général et qu’il voulait seulement montrer que Sparte devait sa puissance à l’excellence de ses institutions. Or les dix premiers chapitres répondent parfaitement à ce dessein. Mais les cinq autres sont plutôt des considérations sur la constitution de Sparte et ne répondent plus au dessein primitif. Cette distinction entre les dix premiers et les cinq derniers chapitres ne me semble pas fondée. L’organisation de l’armée, le choix d’un camp, qui sont l’objet des chapitres XI et xii, et les attributions du roi et ses rapports avec la république, qui sont l’objet des chapitres xiii et XV, rentrent parfaitement dans le dessein qu’avait Xénophon de montrer la supériorité des institutions Spartiates et de les proposer à l’imitation de ses compatriotes. « Si l’on veut savoir en quoi l’organisation de l’armée par Lycurgue est supérieure à tout autre système, on n’a qu’à écouter ceci. » Cette phrase, qui se lit au début du chapitre XI, montre bien que Xénophon est fidèle à son idée première. Il a pris soin aussi de dire, dans le chapitre XIII qu’il entend toujours, même en décrivant les pouvoirs du roi, proposer aux Grecs un modèle utile dans ce roi si parfaitement obéi. « Les sacrifices terminés, le roi appelle tout son monde et donne ses ordres. Si vous assistiez à cette scène, vous penseriez que tous les autres peuples ne sont, en fait de guerre, que des improvisateurs, et que les Lacédémoniens seuls sont vraiment des artistes en art militaire. » N’est-ce pas là la preuve que Xénophon n’a pas oublié la pensée formulée au début de son ouvrage ? Reconnaissons donc que le plan n’a pas subi de modification au cours de l’exposé. Si l’on replace le XIVe chapitre à sa place, la dernière, il n’encourt aucun reproche sérieux.

A quelle date fut composée la République des Lacédémoniens ? Avant la bataille de Leuctres, certainement, c’est-à-dire avant 371 avant J.-C ; car elle mit fin à l’hégémonie de Sparte, que suppose l’ouvrage. On peut croire d’autre part que le chapitre XIV sur la décadence des moeurs à Lacédémone a dû être inspiré non seulement par la tyrannie des harmostes, mais spécialement par l’attentat de Phébidas, qui, en pleine paix, s’empara de la Cadmée à Thèbes en ~381, et par celui de Sphodrias, qui essaya de s’emparer du Pirée en ~378, attentats qui suscitèrent en Grèce une vive indignation contre Sparte. On peut donc supposer que le traité fut écrit en ~378 ou ~377.


LA RÉPUBLIQUE DES LACÉDÉMONIENS

CHAPITRE PREMIER

LA GRANDEUR DE SPARTE EST DUE À LA CONSTITUTION DE LYCURGUE. COMMENT IL A RÉGLEMENTÉ LES MARIAGES POUR AVOIR DES ENFANTS VIGOUREUX.

1. Je songeais un jour que Sparte, qui compte parmi les Etats les moins populeux, a été de toute évidence le plus puissant et le plus illustre de la Grèce, et, frappé de ce fait, j’en cherchais la raison. Mais, quand j’eus considéré les institutions des Spartiates, je cessai de m’étonner.

2. C’est sur Lycurgue, qui leur a donné les lois dont l’observance a fait leur prospérité, que je reporte mon admiration et je le regarde comme un homme qui a poussé la sagesse jusqu’à la dernière limite. Au lieu d’imiter les autres Etats, il légiféra au rebours de la plupart d’entre eux et rendit ainsi son pays éminemment prospère.

3. Par exemple, pour commencer par le commencement, considérons la procréation des enfants. Chez les autres, les jeunes filles qui sont destinées à être mères et qui passent pour être bien élevées se voient mesurer le pain et les viandes aussi strictement que possible ; quant au vin, elles s’en abstiennent entièrement ou le boivent coupé d’eau. Les autres Grecs veulent que les jeunes filles vivent comme la plupart des artisans, qui sont sédentaires, et qu’elles travaillent la laine entre quatre murs. Mais comment peut-on espérer que des femmes élevées de la sorte aient une magnifique progéniture ?

4. Lycurgue, au contraire, pensa que les esclaves suffisaient à fournir les vêtements, et, jugeant que la grande affaire pour les femmes libres était la maternité, il commença par établir des exercices physiques pour les femmes, aussi bien que pour le sexe mâle ; puis il institua des courses et des épreuves de force entre les femmes comme entre les hommes, persuadé que si les deux sexes étaient vigoureux, ils auraient des rejetons plus robustes.

5. Voyant que, dans les premiers temps du mariage, les hommes s’accouplent à leurs femmes sans observer de mesure, il décida qu’on ferait le contraire à Sparte, et il établit qu’il serait honteux d’être vu entrant chez sa femme ou sortant de sa chambre. Dans ces conditions, les époux se désirent davantage l’un l’autre, et les enfants, s’il en naît, sont plus vigoureux que si les époux sont rassasiés l’un de l’autre.

6. En outre, il ne permet plus à chacun de se marier au temps qui lui convenait ; il ordonna que l’on prît femme dans la force de l’âge, persuadé que cette loi aussi contribuerait à la procréation de beaux enfants.

7. Il pouvait arriver néanmoins qu’un vieillard eût une jeune femme. Or, voyant qu’à cet âge on garde sa femme avec un soin jaloux, il fit une loi à rencontre de cette jalousie, et voulut que le vieillard, choisissant un homme dont il admirât les qualités physiques et morales, l’amenât à sa femme pour lui faire des enfants.

8. Si d’autre part un homme ne voulait pas cohabiter avec une femme et désirait pourtant avoir des enfants qui lui fissent honneur, Lycurgue l’autorisa à choisir une femme qui fût mère d’une belle famille et de bonne race, et, s’il obtenait le consentement du mari, à avoir des enfants d’elle.

9. Il permit beaucoup d’arrangements du même genre, parce que les femmes désirent tenir deux maisons à la fois, et les hommes donner à leurs enfants des frères qui font partie de la famille et participent à la puissance, mais sans prétendre à la fortune.

10. Sur la procréation des enfants, Lycurgue a donc établi des règles contraires à celles des autres. Est-il parvenu à donner à Sparte des hommes supérieurs en taille et en force ? Je laisse à qui le voudra le soin d’en juger.


CHAPITRE II

ÉDUCATION DES ENFANTS : ILS SONT SOUS LA SURVEILLANCE DU PÉDONOME, ILS MARCHENT PIEDS NUS, N’ONT QU’UN VÊTEMENT POUR TOUTE L’ANNÉE ; ILS VOLENT POUR SATISFAIRE LEUR APPÉTIT. L’AMOUR DES GARÇONS RESTE CHASTE CHEZ LES SPARTIATES.

1. Après avoir traité des naissances, je vais expliquer le système d’éducation des Spartiates et des autres Grecs. Parmi les autres Grecs, ceux qui prétendent donner à leurs fils la meilleure éducation les placent sous la surveillance d’un serviteur, aussitôt que les enfants comprennent ce qu’on leur dit, et les envoient tout de suite à l’école pour apprendre les lettres, l’écriture, la gymnastique. En outre ils amollissent les pieds de leurs enfants en leur donnant des chaussures et ils énervent leurs corps en les faisant changer de vêtements : quant à la nourriture, on la mesure sur leur appétit.

2. Lycurgue, au contraire, se garda de laisser chaque père de famille préposer des esclaves à la conduite de ses enfants ; il chargea de les gouverner un de ceux mêmes qui remplissent les plus hautes magistratures, et qui s’appelle pédonome. Il lui donna le pouvoir de les rassembler, de les surveiller et de châtier rigoureusement les négligents. Il lui adjoignit des jeunes gens munis de fouets, pour les punir, quand il le fallait. Le résultat est qu’à Sparte il y a une grande réserve unie à une grande obéissance.

3. Au lieu de leur amollir les pieds en les chaussant, il enjoignit de les leur fortifier en les faisant marcher nu-pieds, persuadé que, s’ils en prenaient l’habitude, ils pourraient gravir beaucoup plus facilement les escarpements, descendre plus sûrement les pentes, et qu’ils sauteraient, bondiraient et courraient plus vite sans chaussures, à condition qu’ils eussent les pieds endurcis, que s’ils étaient chaussés.

4. Au lieu de les amollir par des habits, il introduisit l’habitude de ne porter qu’un seul vêtement pendant toute l’année, convaincu qu’ils seraient ainsi mieux préparés à supporter le froid et le chaud.

5. Quand à la nourriture, il enjoignit au préfet de s’en procurer juste assez pour que les enfants ne fussent pas alourdis par la réplétion et qu’ils apprissent à rester sur leur appétit, persuadés qu’ainsi élevés, ils seraient plus capables, au besoin, de continuer à travailler à jeun et, si on le leur commandait, de durer plus longtemps avec la même ration, qu’ils auraient moins besoin de mets délicats, qu’ils se contenteraient plus facilement de n’importe quelle nourriture,

6. qu’ils jouiraient d’une meilleure santé. Il jugea qu’un régime qui rendait la taille svelte était plus favorable à l’accroissement du corps qu’un régime qui produit l’embonpoint.

7. Pour qu’ils ne fussent pas trop pressés par la faim, il leur permit, non pas de prendre sans peine ce dont ils avaient besoin, mais de dérober certaines choses pour satisfaire leur appétit. Et ce n’est point parce qu’il était embarrassé de les approvisionner qu’il leur permit de se procurer leur subsistance par d’industrieux artifices — il n’est, je pense, personne qui l’ignore —, mais il est clair que celui qui veut voler doit veiller la nuit, ruser et tendre des pièges le jour et avoir des espions sous la main, s’il veut prendre quelque chose. Il est évident que toutes ces prescriptions avaient pour but de rendre les enfants plus adroits à se procurer le nécessaire et plus propres à la guerre.

8. On dira peut-être : Pourquoi donc, s’il regardait le vol comme une belle chose, a-t-il enjoint de donner force coups à celui qui se laissait prendre ? Je réponds qu’il en est de même pour tout ce qui s’enseigne : on punit celui qui exécute mal ce qu’on lui apprend. A Sparte aussi, on punit le voleur pris sur le fait, parce qu’il a mal volé.

9. De même, après avoir établi qu’il était beau de voler [à l’autel d’Orthia[1]] le plus grand nombre de fromages, il enjoignit à d’autres de fouetter les voleurs. Il voulait montrer par là qu’on peut, au prix d’une souffrance de peu de durée, s’assurer le plaisir d’une gloire durable. On y voit aussi que, là où il faut de la vitesse, l’indolent gagne peu d’avantages et s’attire force désagréments.

10. Afin que, même si le pédonome était absent, les enfants ne restent pas sans surveillance, Lycurgue donna pouvoir à tous les citoyens qui se trouveraient là de commander aux enfants ce qu’ils jugeraient bon et de les châtier, s’ils commettaient quelque faute. Il rendit par là les enfants encore plus respectueux, et, en fait, il n’y a rien que les Spartiates, enfants et hommes faits, respectent autant que les magistrats.

11. Et pour que, si parfois il ne se trouvait là aucun homme fait, les enfants ne fussent point sans chef, il chargea les plus avisés des préfets de commander chacun une division. Ainsi, à Sparte, les enfants ne restent jamais sans chef.

12. Je crois devoir parler aussi de l’amour entre garçons, parce que ce point aussi touche à l’éducation. Or chez les autres Grecs, par exemple chez les Béotiens, les hommes faits et les enfants forment des couples qui vivent ensemble ; chez les Eléens, on achète par des présents les faveurs des garçons à la fleur de l’âge ; ailleurs il est absolument interdit aux soupirants d’adresser la parole aux enfants.

13. Lycurgue avait encore sur cet objet des principes opposés. Quand un homme qui était lui-même honnête, épris de l’âme d’un jeune garçon, aspirait à s’en faire un ami sans reproche et à vivre avec lui, il le louait et voyait dans cette amitié le plus beau moyen de former un jeune homme. Mais si quelqu’un ne semblait épris que du corps, il le déclarait infâme, et il fit ainsi qu’à Lacédémone les amants n’étaient pas moins retenus dans leurs amours pour les enfants que les pères à l’égard de leurs fils et les frères à l’égard de leurs frères.

14. Que certains aient peine à le croire, je ne m’en étonne pas ; car, dans beaucoup d’Etats, des lois ne s’opposent point à cet amour des garçons.

15. Voilà ce que j’avais à dire de l’éducation des enfants dans la Laconie et dans le reste de la Grèce. Quelle est celle des deux qui produit les hommes les plus disciplinés, les plus retenus, les plus maîtres des désirs qu’il faut réprimer, en décide qui voudra.


CHAPITRE III

ÉDUCATION DES ADOLESCENTS.

1. Quand les enfants passent à l’adolescence, à ce moment les autres Grecs leur ôtent leurs gouverneurs et les retirent de l’école ; personne ne les commande plus ; on les laisse libres. Lycurgue suivit une tout autre méthode. 2. Il avait remarqué que c’est à cet âge que la nature inspire le plus d’orgueil, que la brutalité a le plus d’empire, que la passion du plaisir se fait sentir avec le plus de violence. Aussi leur imposa-t-il les plus grands travaux et s’ingénia-t-il à leur donner le plus d’occupation. 3. Il établit que ceux qui s’y soustrairaient n’auraient aucune part aux fonctions honorables. Obéissant à ses prescriptions, non seulement les magistrats, mais encore les tuteurs de chacun des adolescents veillèrent à ce qu’ils ne s’attirassent point par leur mollesse le mépris de leurs concitoyens. 4. En outre, voulant imprimer fortement la modestie dans leurs coeurs, il leur enjoignit de tenir dans les rues les deux mains sous leur manteau, de marcher en silence, de ne point regarder autour d’eux, mais de fixer les yeux sur ce qui était à leurs pieds. On vit bien alors que le sexe mâle, même pour la continence, l’emporte sur le sexe féminin. 5. En tout cas, on n’entend pas plus leur voix que s’ils étaient de pierre, il est plus difficile de leur faire tourner les yeux qu’à des statues d’airain, et on les croirait plus modestes que les vierges mêmes dans leur chambre. Et quand ils viennent aux repas publics, c’est tout juste si on les entend répondre aux questions qu’on leur pose. Tels sont les soins que Lycurgue prit des adolescents.


CHAPITRE IV

l’émulation chez les hommes faits.

1. Mais c’est des hommes dans la force de l’âge qu’il s’occupa tout spécialement ; car il était persuadé que, s’ils étaient ce qu’ils devaient être, ils auraient une très grande influence pour le bien de l’Etat. 2. Comme il voyait dans les concours que, plus l’émulation est forte, plus les choeurs méritent d’être entendus et les combats gymniques d’être vus, il pensa que s’il mettait aux prises les hommes faits dans une lutte de vertu, eux aussi parviendraient au plus haut degré de valeur. Comment les mit-il aux prises ? C’est ce que je vais exposer.

3. Les éphores choisissent parmi ceux qui sont dans la force de l’âge trois hommes qu’on appelle hippagrètes. Chacun de ceux-ci en enrôle cent autres et donne les raisons pour lesquelles il les préfère et exclut les autres. 4. Ceux qui n’ont pas eu l’honneur d’être choisis deviennent les ennemis et de ceux qui les ont rejetés et de ceux qui leur ont été préférés, et ils s’observent les uns les autres, pour voir s’ils commettent quelque manquement aux lois de l’honneur.

5. Et telle est cette rivalité très agréable aux dieux et très utile à l’Etat, qui fait accomplir tous les devoirs exigés d’un honnête homme, qui fait déployer tous ses efforts à chacun des deux partis pour maintenir toujours sa vertu entière, et qui porte chaque membre à secourir l’Etat, s’il le faut, de toutes ses forces. 6. Ils sont contraints aussi d’exercer leur vigueur ; car leur rivalité fait qu’ils se battent à coups de poing, quand ils se rencontrent ; mais tout homme qui survient a le droit de séparer les combattants. Si quelqu’un désobéit à ce médiateur, le pédonome l’emmène devant les éphores, et ceux-ci lui infligent une forte punition pour lui apprendre à ne jamais se laisser dominer par la colère au point de désobéir aux lois.

7. Ceux qui ont passé l’âge de la jeunesse et parmi lesquels on choisit les plus hauts magistrats sont, chez les autres Grecs, dispensés des exercices du corps, quoiqu’ils restent astreints au service militaire. Lycurgue au contraire établit qu’il serait très honorable pour les gens de cet âge de pratiquer la chasse, si quelque devoir public ne les en empêchait, afin qu’ils pussent, tout aussi bien que les hommes dans la force de l’âge, supporter les travaux de la guerre.


CHAPITRE V

LES PHILITIES OU REPAS EN COMMUN.

1. J’ai énuméré à peu près toutes les occupations que la législation de Lycurgue a prescrites à chaque âge ; je vais essayer à présent d’exposer le régime qu’il a imaginé pour tous. 2. Avant lui, les Spartiates, commes les autres Grecs, mangeaient chez eux ; mais, remarquant qu’ils s’y abandonnaient généralement à la mollesse, il les fit sortir pour prendre leurs repas en commun et en public, sûr moyen, selon lui, de prévenir la désobéissance aux lois. 3. Et il leur mesura la nourriture de manière qu’il n’y eût ni excès ni pénurie. La chasse leur procure souvent des extras, que les riches remplacent quelquefois par du pain de froment, en sorte que la table est toujours garnie, jusqu’à ce qu’ils se séparent, mais sans entraîner de grandes dépenses. 4. Il supprima aussi la coutume qui contraint les convives à boire, et dont l’effet est de faire chanceler les corps et les âmes, et il permit à chacun de boire, quand il aurait soif, persuadé que, de cette façon, la boisson était le plus inoffensive et le plus agréable.

Comment des gens qui mangent ainsi en commun pourraient-ils se perdre eux-mêmes ou leur maison par gourmandise ou ivrognerie ? 5. Dans les autres Etats, les gens du même âge se réunissent généralement entre eux, et la réserve n’a guère d’accès à ces réunions. A Sparte, Lycurgue mêla les âges, pour que les jeunes pussent profiter largement pour leur instruction de l’expérience des vieillards ; 6. car c’est l’habitude dans les philities de rappeler ce qui s’est fait de beau dans le pays, en sorte qu’il n’y a là aucune place pour la violence, ni pour les excès de l’ivresse, ni pour les actes honteux, ni pour les propos obscènes. 7. Les repas au-dehors ont encore d’autres bons effets, c’est que les Spartiates sont obligés de marcher pour regagner leur logis, et doivent prendre garde à ne pas broncher sous l’influence du vin ; car ils savent qu’ils ne resteront pas là où ils ont pris leur repas et qu’ils doivent user des ténèbres comme de la lumière ; car, tant qu’on est au service, on n’a pas le droit de marcher avec une torche pour s’éclairer.

8. Lycurgue avait remarqué encore qu’avec la même nourriture ceux qui travaillent ont un beau teint, la chair ferme, et de la vigueur, et que les oisifs paraissent boursouflés, laids et faibles. Cette observation ne lui parut pas négligeable. Réfléchissant que même un homme qui prend de la peine de son propre mouvement ne laisse pas de paraître solide et résistant, il voulut que le plus vieux dans chaque gymnase prît soin que le travail ne fût jamais inférieur aux rations allouées. 9. Et pour moi, il ne s’est pas trompé sur ce point non plus. Aussi aurait-on peine à trouver des hommes plus sains et plus dispos que les Spartiates ; car ils exercent également leurs jambes, leurs mains et leur cou.


CHAPITRE VI

DEMI-COMMUNISME DES SPARTIATES : ILS COMMANDENT AUX ENFANTS DES AUTRES, ET SE SERVENT DES ESCLAVES, DES CHIENS DE CHASSE, DES CHEVAUX ET DES VIVRES LES UNS DES AUTRES.

1. Voici encore des points où les institutions de Lycurgue s’opposent à celles de la plupart des autres peuples. Dans les autres Etats, chacun est maître de ses enfants, de ses serviteurs et de ses biens. Lycurgue, au contraire, s’est proposé de régler l’organisation de la société Spartiate de telle manière que, sans se nuire, ils puissent jouir dans une certaine mesure des biens des autres et il a décidé que chaque père de famille aurait autorité sur les enfants des autres comme sur les siens. 2. Mais, comme on sait que les enfants que l’on commande ont aussi des pères, on les commande naturellement avec les ménagements qu’on voudrait pour les siens. Si un enfant qui a été battu le rapporte à son père, celui-ci est répréhensible, s’il ne donne pas à son fils une nouvelle correction, tant ils ont confiance qu’aucun d’eux ne commande rien de mal aux enfants !

3. Il a permis aussi de se servir, en cas de besoin, des domestiques d’autrui. Il a de même établi la communauté des chiens de chasse dans la mesure que voici : si on a besoin de chiens, on invite leur propriétaire à la chasse, et, s’il n’est pas de loisir, il les prête avec plaisir. On se sert de même des chevaux. Si on est indisposé, si on a besoin d’une voiture, si l’on veut se rendre vite quelque part, on prend le premier cheval qu’on voit, on s’en sert, et on le ramène, comme de juste, à sa place.

4. Voici encore une pratique qu’il établit et qui n’est pas habituelle ailleurs. Lorsqu’on s’est attardé à la chasse et qu’on n’a pas de quoi manger, faute de s’être pourvu de vivres, c’est une règle établie par lui que ceux qui ont dîné laissent le reste de leur repas, et que ceux qui manquent de vivres rompent le cachet et prennent ce qu’il leur faut, puis recachettent et laissent le reste. Il résulte de cette communication mutuelle de biens que même ceux qui ont peu ont part à tout ce qui est dans le pays, lorsqu’ils ont besoin de quelque chose.


CHAPITRE VII

TOUTE PROFESSION LUCRATIVE EST INTERDITE ; L’USAGE DE L’OR ET DE L’ARGENT PROHIBÉ.

1. Voici encore d’autres usages opposés à ceux du reste de la Grèce que Lycurgue a établis à Sparte. Dans les autres Etats, tout le monde s’enrichit tant qu’il peut : l’un cultive la terre, l’autre arme un vaisseau, un troisième fait du commerce, les autres vivent de différents métiers.

2. A Sparte, Lycurgue a défendu aux hommes libres de toucher à aucune affaire d’argent ; assurer la liberté de l’Etat, telle est, selon lui, la seule affaire qu’ils doivent regarder comme la leur. 3. Et en effet pourquoi rechercherait-on la richesse là où le législateur, en ordonnant d’apporter la même part à la table commune et de vivre du même régime, a fait en sorte qu’on ne désire pas l’argent pour mener une vie luxueuse. Ce n’est pas non plus pour des habits qu’on voudrait s’enrichir ; la parure d’un Spartiate n’est pas dans le luxe des vêtements, mais dans la bonne constitution de son corps. 4. Ce n’est pas non plus pour avoir de quoi dépenser en faveur de ses commensaux qu’il faudrait amasser de l’argent, puisque Lycurgue a établi qu’il est plus glorieux de servir ses amis en travaillant de ses mains qu’en prodiguant l’argent. Il a fait voir que l’un est l’oeuvre du coeur, l’autre, l’oeuvre de la richesse.

5. Quant à s’enrichir par des voies injustes, il l’a empêché par des mesures comme celles-ci. Tout d’abord il a établi une monnaie telle que même une somme de dix mines entrant dans une maison ne saurait échapper ni aux maîtres ni aux serviteurs : elle tiendrait une place énorme et il faudrait un chariot pour la transporter. 6. Et puis on perquisitionne pour rechercher l’or et l’argent, et, si l’on en trouve quelque part, le détenteur est mis à l’amende. Pourquoi dès lors courrait-on après la richesse là où la possession de l’argent cause plus d’ennuis que l’usage ne donne de plaisirs ?


CHAPITRE VIII

LES SPARTIATES OBÉISSENT AUX MAGISTRATS, ET LES MAGISTRATS SONT SOUMIS A L’AUTORITÉ DES ÉPHORES. LA LÉGISLATION DE LYCURGUE A ÉTÉ SANCTIONNÉE PAR APOLLON DELPHIEN.

1. Que Sparte soit l’endroit où l’on obéit le mieux aux magistrats et aux lois, c’est ce que nous savons tous. Cependant je crois que Lycurgue ne tenta même pas d’établir cette discipline avant d’avoir gagné à son avis les citoyens les plus considérables de l’Etat. 2. Ce qui me le fait croire, c’est que, dans les autres Etats, les plus puissants ne veulent même pas avoir l’air de craindre les magistrats, et regardent cette crainte comme une marque de bassesse. A Sparte, au contraire, les hommes les plus considérables sont les plus soumis aux autorités ; ils se font gloire de leur humilité et se piquent, quand on les appelle, d’obéir, non en marchant, mais en courant, persuadés que, si eux-mêmes donnent l’exemple d’une obéissance empressée, les autres suivront ; et c’est en effet ce qui est arrivé.

3. Il est probable aussi que ces mêmes citoyens aidèrent Lycurgue à établir l’autorité des éphores, parce qu’ils avaient reconnu que l’obéissance est un bien inestimable dans l’Etat, dans une armée, dans une maison. Ils jugèrent que, plus cette magistrature aurait de puissance, plus elle en imposerait aux citoyens et les résoudrait à obéir. 4. En conséquence, les éphores ont le droit de frapper d’une amende qui bon leur semble ; ils sont maîtres de la faire payer sur-le-champ, de révoquer des magistrats en exercice, d’emprisonner, d’intenter une action capitale. Revêtus d’une telle autorité, ils ne laissent pas, comme dans les autres Etats, les magistrats élus user arbitrairement de leur pouvoir durant toute l’année ; mais, comme les despotes et les présidents des jeux gymniques, dès qu’ils surprennent un magistrat qui manque à la loi, ils le punissent immédiatement.

5. Parmi beaucoup d’autres moyens ingénieux que Lycurgue imagina pour déterminer les citoyens à obéir aux lois, en voici un que je mets au rang des meilleurs, c’est qu’il ne remit point ses lois au peuple avant de s’être rendu à Delphes avec les citoyens les plus considérables et d’avoir demandé aux dieux s’il serait meilleur et plus avantageux à Sparte d’obéir aux lois qu’il avait tracées. Le dieu ayant répondu qu’il y avait tout avantage à leur obéir, Lycurgue les promulgua alors, après avoir établi qu’il n’était pas seulement illégal, mais impie de désobéir à des lois consacrées par l’oracle.


CHAPITRE IX

INFAMIE ATTACHÉE A LA LÂCHETÉ.

1. Lycurgue mérite encore d’être admiré pour avoir imprimé aux citoyens l’opinion qu’une belle mort est préférable à une vie honteuse. Et en effet, à bien examiner la chose, on verra qu’il y a moins de morts chez ceux qui pratiquent cette maxime que parmi ceux qui préfèrent fuir le danger. 2. A dire vrai, le courage a l’avantage d’assurer une plus longue vie que la lâcheté ; car le courage est plus facile, plus agréable, plus fertile en ressources et plus fort. Il est évident que la gloire aussi s’attache, avant toutes choses, à la valeur, et, de fait, tout le monde veut avoir les braves pour alliés. 3. Mais comment il s’y prit pour obtenir ce résultat, c’est ce qu’il convient de ne pas omettre. Il fit entendre clairement qu’une vie heureuse serait assurée aux braves, une vie malheureuse aux lâches[2]. 4. Dans les autres Etats, en effet, quand un homme est lâche, on se contente de l’appeler lâche ; mais il se promène sur la place au même endroit que le brave, il s’assied près de lui et fréquente la même gymnase, s’il le veut. A Lacédémone, au contraire, on rougirait de recevoir le lâche à sa table et de lutter avec lui à la palestre. 5. Souvent, quand deux camps se forment pour jouer à la balle, on le laisse de côté, et, dans les choeurs, on le relègue aux places méprisées. Dans la rue, il doit céder le pas ; dans les assemblées, se lever même devant de plus jeunes que lui ; il doit nourrir chez lui ses parentes non mariées, et celles-ci doivent supporter la honte de ne pas trouver de maris ; il doit voir son foyer sans femme et cependant payer l’amende du célibataire. Il ne peut pas se promener, le visage joyeux, ni se comporter comme les gens sans reproche ; autrement il reçoit des coups des meilleurs que lui. 6. Quand je vois une telle infamie peser sur les lâches, je ne m’étonne aucunement qu’à Sparte on préfère la mort à une vie déshonorée et ignominieuse.


CHAPITRE X

EN DÉCIDANT QUE LES SÉNATEURS SERAIENT PRIS PARMI LES VIEILLARDS, LYCURGUE A ENCOURAGÉ LA VIEILLESSE A LA VERTU. IL A FAIT A TOUS LES CITOYENS UNE OBLIGATION DE PRATIQUER TOUTES LES VERTUS CIVILES.

1. C’est une belle chose, à mon avis, que la loi par laquelle Lycurgue contraint à exercer la vertu jusqu’à la vieillesse. En plaçant au terme de la vie l’épreuve pour être élu au Conseil des Anciens, il a obtenu que la pratique de la vertu ne fût pas négligée même dans la vieillesse. 2. Il faut l’admirer aussi pour l’appui qu’il a prêté à la vieillesse des gens de bien. En donnant aux vieillards le droit de juger les procès capitaux, il a fait qu’on rend plus d’honneurs à la vieillesse qu’à la force des jeunes gens.

3. Et il est naturel que la lutte pour le Conseil soit, de toutes, celle qui excite le plus d’émulation ; car, si glorieux que soient les combats gymniques, ils n’attestent que la force du corps, tandis que la lutte pour être sénateur met à portée de juger des belles âmes. Or d’autant que l’âme est supérieure au corps, autant les luttes des âmes sont plus dignes d’émulation que celles des corps.

4. Comment ne pas admirer hautement cette mesure de Lycurgue ? Ayant remarqué que, là où le culte de la vertu est laissé à la volonté des citoyens, les gens vertueux sont impuissants à agrandir leur patrie, ce grand homme contraignit tous les Spartiates à pratiquer publiquement toutes les vertus. Aussi, comme les particuliers l’emportent sur les particuliers, selon qu’ils pratiquent ou négligent la vertu, ainsi Sparte l’emporte naturellement sur tous les Etats, puisque chez elle seule le culte du beau et de l’honnête est une obligation publique.

5. N’est-ce pas aussi une belle chose que celle-ci ? Tandis que les autres Etats punissent ceux qui font tort à leur prochain, Lycurgue infligea des peines non moins sévères à ceux qui visiblement ne cherchaient pas à devenir les meilleurs possible. 6. Il pensait, ce me semble, que ceux qui réduisent les autres en esclavage, les dépouillent ou les volent ne font tort qu’à leurs victimes, mais que les méchants et les lâches trahissent leur pays tout entier ; aussi a-t-il eu raison, à mon sens, de leur infliger de plus grands châtiments.

7. Il a fait aussi une obligation indispensable de pratiquer toutes les vertus civiles. A tous ceux en effet qui satisfont à la loi il a donné les mêmes droits de citoyen, sans tenir aucun compte de la faiblesse physique ni de la pauvreté ; mais si quelqu’un se dérobe à la peine d’accomplir les prescriptions légales, il a décidé que celui-là ne sera plus compté dans la classe des égaux.

8. Il est bien certain que ces lois sont très anciennes, puisque Lycurgue vivait, dit-on, au temps des Héraclides. Mais si vieilles qu’elles soient, elles sont encore à présent tout à fait nouvelles pour les autres peuples, et, chose déconcertante, tout le monde loue ces institutions, mais aucune cité ne se décide à les imiter.


CHAPITRE XI

ORGANISATION DE L’ARMÉE LACÉDÉMONIENNE : LE SERVICE, l’uniforme, les divisions de l’armée, la tactique.

1. Ces excellents règlements sont communs à la paix et à la guerre. Mais si l’on veut savoir en quoi l’organisation de l’armée par Lycurgue est supérieure à tout autre système, on n’a qu’à écouter ceci.

2. Tout d’abord les éphores font proclamer de quelle année à quelle année les cavaliers et les hoplites, puis les artisans doivent le service. De la sorte, les Lacédémoniens disposent en campagne de toutes les ressources qu’on trouve dans la vie civile. On doit leur fournir tous les instruments indispensables à l’ensemble de l’armée, et les charger soit sur des chariots, soit sur des bêtes de somme ; de cette façon ce qui manque ne saurait guère échapper. 3. Dans l’équipement qu’il imagina pour les troupes en bataille, il enferma une casaque rouge et un casque d’airain. Il crut que ce vêtement ressemblait moins que tout autre à celui des femmes et qu’il convenait tout à fait pour la guerre : car c’est le plus facile à nettoyer et le moins salissant. Il permit à ceux qui ont dépassé la première jeunesse de porter les cheveux longs, pensant que de cette manière ils paraîtraient plus grands, plus fiers et plus terribles.

4. Les hommes ainsi équipés furent divisés en six mores de cavaliers et d’hoplites. Chacune de ces mores, composées de citoyens, a un polémarque, quatre lochages, huit pentécontères, seize énomotarques. Selon le commandement, ces mores marchent tantôt par énomoties isolées, tantôt par trois, tantôt par six énomoties.

5. L’opinion commune est que la formation de l’infanterie lacédémonienne est très compliquée : c’est le contraire de la vérité. Dans l’ordonnance des troupes lacédémoniennes, les chefs de file sont des officiers, et chaque file porte avec elle ce qui lui est nécessaire[3].

6. Il est si facile de comprendre cette ordonnance que quiconque sait distinguer un homme d’un autre ne saurait s’y tromper ; car les uns sont chargés de conduire, les autres ont l’ordre de suivre. L’énomotarque ordonne de vive voix, comme un héraut, de passer de l’ordre en colonne en ligne de bataille, et la phalange se fait ainsi mince ou dense, par conversion ; il n’y a rien dans ces mouvements de difficile à comprendre. 7. Cependant pour combattre, en cas de confusion, à côté du premier venu indistinctement, ils ont une tactique qui n’est plus facile à saisir, sauf pour ceux qui ont été élevés sous les lois de Lycurgue.

8. Voici d’autres manoeuvres que les Lacédémoniens exécutent avec aisance et qui semblent tout à fait difficiles aux tacticiens. Quand ils marchent en colonne, les énomoties suivent naturellement à la queue l’une de l’autre. Si, dans ce cas, l’ennemi se montre sur le front, en ordre de bataille, ordre est donné à l’énomotarque de faire passer ses hommes sur le front par un à gauche, et l’ordre passe par toute la colonne, jusqu’à ce que l’armée soit rangée en phalange face à l’ennemi. Si, dans cette disposition, l’ennemi se montre par-derrière, toute la file opère une contremarche, de manière que les plus braves soient toujours face à l’ennemi. 9. Et, si le chef se trouve à gauche, ils n’y voient pas d’inconvénient, ils y trouvent même parfois avantage. Si en effet l’ennemi tentait de les encercler, il se heurterait, non au côté découvert, mais au côté protégé par les boucliers. Mais si, pour une raison ou pour une autre, il paraît à propos que le chef soit à l’aile droite, ils font marcher les troupes face à gauche, puis les rangent face à droite, jusqu’à ce que le chef soit à droite et la queue à gauche. 10. Si un corps ennemi apparaît sur la droite, pendant qu’ils marchent en colonne, ils n’ont pas d’autre peine que de faire virer chaque loche comme une galère qui tourne sa proue vers l’ennemi, et alors le loche qui était en queue se trouve à droite. Si les ennemis s’avancent sur la gauche, on s’oppose aussi à leur manoeuvre, soit en se dérobant au pas de course, soit en retournant les loches face à l’adversaire ; alors le loche qui était en queue se trouve à gauche.


CHAPITRE XII

DE LA CASTRAMÉTATION ET DE LA VIE AU CAMP.

1. Je vais dire aussi comment, suivant Lycurgue, il faut placer un camp. Les angles d’un carré étant inutiles, il fit le camp circulaire, à moins que l’armée n’eût derrière elle une montagne sûre, un mur ou une rivière. 2. En ce qui concerne les gardes, il en plaça pendant le jour, près de la place d’armes, qui regardaient vers l’intérieur ; car ce ne sont pas les ennemis, mais les amis qu’ils sont chargés de surveiller. Du côté des ennemis, la garde est faite par des cavaliers aux points d’où la vue est la plus étendue.

3. Contre les attaques possibles de l’ennemi pendant la nuit, il chargea les Scirites[4] de veiller en avant des lignes ; aujourd’hui ce service est fait aussi par des étrangers, s’il s’en trouve qui soient présents dans le camp.

4. Ils ne circulent jamais sans avoir leur pique à la main, pour la même raison, sans aucun doute, qu’ils tiennent les esclaves loin des armes. Quand ils s’écartent pour satisfaire les besoins de la nature, il ne faut pas s’étonner qu’ils ne s’éloignent les uns des autres et des armes qu’autant qu’il le faut pour ne pas s’incommoder mutuellement ; car c’est pour leur sûreté qu’ils agissent ainsi.

5. Ils déplacent souvent leur camp et pour faire du mal à l’ennemi et pour servir leurs amis. La loi prescrit à tous les Lacédémoniens de s’exercer tant qu’ils sont en campagne. La conséquence est qu’ils ont d’eux-mêmes une opinion plus haute et une fierté que n’ont pas les autres. Leurs promenades ou leurs courses ne doivent pas s’étendre au-delà de l’espace occupé par leur more, de sorte que personne ne se trouve loin de ses armes. 6. Après les exercices, le premier polémarque donne par la voix d’un héraut l’ordre de s’asseoir. C’est leur manière de passer l’inspection ; il commande ensuite de déjeuner et de relever rapidement les avant-postes. Après cela, on s’amuse et on se repose jusqu’aux exercices du soir. 7. Ces exercices terminés, le héraut appelle au dîner, puis quand ils ont chanté les louanges des dieux auxquels ils ont offert des sacrifices suivis d’heureux présages, ils reposent près de leurs armes.

Voilà bien des détails ; mais on ne doit pas s’en étonner, puisque, de toutes les pratiques militaires qui méritent l’attention, on n’en trouverait guère qui aient échappé aux Lacédémoniens.


CHAPITRE XIII

ATTRIBUTIONS DU ROI, QUAND IL EST EN CAMPAGNE.

1. Je vais parler aussi des pouvoirs et des honneurs que Lycurgue a attribués au roi, quand il est en campagne. D’abord c’est l’Etat qui nourrit le roi, à la guerre, ainsi que son état-major. Il loge dans sa tente les polé-marques, afin qu’étant toujours en sa compagnie, ils soient plus à même de délibérer avec lui, en cas de besoin. Il y loge aussi trois hommes de la classe des égaux[5], qui se chargent de leur procurer le nécessaire, de manière que rien ne puisse les distraire des soins de la guerre.

2. Mais je vais reprendre les choses au commencement, et dire comment le roi se met en campagne avec l’armée. D’abord, avant de sortir de la ville, il fait un sacrifice à Zeus Conducteur et aux dieux qui lui sont associés[6]. Si les présages sont bons, le porte-feu prend le feu à l’autel et marche en tête de l’armée jusqu’aux frontières du pays. Là, le roi sacrifie, à nouveau, à Zeus et à Athéna. 3. Quand ces deux divinités donnent des présages favorables, alors il franchit les frontières du pays, et le feu de ces sacrifices conduit la marche ; on ne le laisse jamais éteindre et il est suivi de victimes de toutes sortes. Chaque fois qu’on fait un sacrifice, le roi le commence avant le point du jour, pour obtenir avant tout autre la bienveillance des dieux. 4. Aux sacrifices sont présents les polémarques, les lochages, les pentécontères, les commandants des contingents étrangers, les chefs du train des bagages et ceux des généraux des cités qui le désirent. 5. Il y assiste aussi deux éphores, qui ne se mêlent de rien, à moins que le roi ne les appelle, mais ont l’oeil sur tout ce qui se passe et contiennent naturellement tout le monde dans le devoir.

Les sacrifices terminés, le roi appelle tout son monde et donne ses ordres. Si vous assistiez à cette scène, vous penseriez que tous les autres peuples ne sont, en fait de guerre, que des improvisateurs, et que les Lacédémoniens seuls sont vraiment des artistes en art militaire.

6. Quand le roi conduit l’armée, si aucun ennemi ne se montre, personne ne le précède, sauf les Scirites et les cavaliers envoyés à la découverte ; mais, si l’on prévoit qu’il y aura bataille, le roi prend la tête de la première more et la mène face à droite, jusqu’à ce qu’il se trouve entre deux mores et deux polémarques. 7. Ceux qui ont leur place à la suite sont rangés en ordre par le plus ancien de la tente publique. Font partie de cette tente ceux des égaux qui logent avec le roi, les devins, les médecins, les joueurs de flûte, les commandants de l’armée et les volontaires qui s’y trouvent. De cette manière, on ne manque de rien de ce qui est nécessaire ; car il n’est rien qui n’ait été prévu.

8. Il y a encore des pratiques qui me paraissent fort utiles et que Lycurgue a imaginées en vue de la bataille. Quand on immole une chèvre, au moment où l’on est en présence de l’ennemi, la loi veut que tous les joueurs de flûte présents jouent de leurs instruments et que chaque Lacédémonien se ceigne la tête d’une couronne ; on leur commande aussi de polir leurs armes. 9. En outre il est permis aux jeunes gens de faire une raie à leurs cheveux[7] pour entrer dans la bataille, afin qu’ils aient l’air joyeux et confiant. En outre, les hommes font passer à l’énomotarque les encouragements ; car la voix de l’énomotarque qui est en dehors de la file ne parvient pas à toute la section ; c’est au polémarque à veiller à ce que tout se fasse dans l’ordre.

10. Quand le temps de camper paraît être venu, c’est le roi qui en décide et qui indique où il faut placer le camp. C’est encore au roi qu’il appartient[8] d’envoyer des députés aux peuples amis ou ennemis. Quand on a une affaire à traiter, on s’adresse d’abord au roi. 11. Si quelqu’un se présente pour demander justice, le roi le renvoie aux hellanodices ; s’il demande de l’argent, aux trésoriers, et, s’il amène du butin, aux commissaires chargés de le vendre. Les choses étant ainsi réglées, le roi n’a plus d’autre affaire en campagne que de remplir envers les dieux les fonctions de prêtre et à l’égard des hommes, celles de général.


CHAPITRE XIV

LES LACÉDÉMONIENS ONT DÉGÉNÉRÉ PARCE QU’ILS N’OBSERVENT PLUS LES LOIS DE LYCURGUE.

1. Si l’on me demandait si je crois que les lois de Lycurgue subsistent encore aujourd’hui dans leur intégrité, cela, vraiment, je n’oserais plus l’affirmer. 2. Je sais qu’autrefois les Lacédémoniens préféraient vivre ensemble chez eux dans la médiocrité plutôt que de gouverner des Etats dépendants et de recevoir des hommages corrupteurs. 3. Je sais aussi qu’auparavant ils craignaient d’être surpris à posséder de l’or, et qu’à présent il en est qui se font gloire d’en amasser. 4. Je n’ignore pas non plus que jadis on bannissait les étrangers et qu’on défendait aux citoyens de voyager hors de leur pays, de peur qu’ils ne fussent infectés des vices de l’étranger. Je sais qu’aujourd’hui l’ambition de ceux qui passent pour être les premiers, c’est d’être toute leur vie harmostes dans un Etat étranger. 5. Il fut un temps où ils travaillaient à être dignes de commander ; à présent ils se donnent beaucoup plus de peine pour obtenir le commandement que pour s’en rendre dignes. 6. Voilà pourquoi au temps passé les Grecs allaient prier les Lacédémoniens de se mettre à leur tête contre ceux par lesquels ils se croyaient opprimés, et qu’à présent, au contraire, beaucoup s’unissent les uns aux autres pour les empêcher de reprendre l’hégémonie. 7. Toutefois il ne faut pas du tout s’étonner qu’on leur fasse ces reproches, puisqu’il est visible qu’ils n’obéissent point aux dieux ni aux lois de Lycurgue.


CHAPITRE XV

DES RAPPORTS DES ROIS DE SPARTE AVEC LA RÉPUBLIQUE.

1. Je veux relater aussi le pacte que Lycurgue établit entre le roi et la cité ; car c’est le seul gouvernement qui subsiste tel qu’il fut constitué au début ; pour les autres gouvernements, il est facile de se rendre compte qu’ils ont subi et subissent encore aujourd’hui des modifications.

2. Il ordonna donc que le roi ferait au nom de l’Etat tous les sacrifices publics, en vertu de sa descendance divine, et qu’il conduirait l’armée partout où la république l’enverrait.

3. Il lui permit aussi de prendre des parts honorifiques sur les victimes et lui choisit, dans plusieurs des villes voisines de Sparte, des terres suffisantes pour lui assurer une juste aisance, sans lui procurer des richesses excessives. 4. Pour que les rois aussi prissent leurs repas hors de chez eux, il leur attribua une tente publique, et les honora d’une double portion au dîner, non pour qu’ils mangeassent le double des autres, mais pour qu’ils eussent de quoi honorer ceux qu’ils voulaient distinguer. 5. Il leur permit aussi de se choisir deux compagnons de table chacun ; on les appelle Pythiens[9]. Il leur permit aussi de prendre un cochon sur chaque portée de truie, afin qu’un roi eût toujours des victimes sous la main, s’il avait besoin de prendre conseil des dieux.

6. Près de sa maison, le roi a un étang qui lui fournit l’eau en abondance, et à combien d’usages sert un étang, nul ne le sait mieux que ceux qui n’en ont pas. Tout le monde se lève de son siège devant le roi ; seuls, les éphores ne se lèvent pas de leurs sièges officiels. 7. Ils se prêtent mutuellement serment tous les mois, les éphores au nom de la république, le roi en son propre nom. Le roi, par son serment, s’engage à régner conformément aux lois établies de la république, et la république, par celui des éphores, à conserver intacts les droits du roi, tant qu’il sera fidèle à son serment.

8. Tels sont les honneurs qu’on rend au roi, dans son pays pendant qu’il est vivant ; ils ne dépassent pas beaucoup ceux des particuliers ; car Lycurgue n’a pas voulu donner aux rois l’occasion de s’abandonner à l’orgueil et à la tyrannie, ni inspirer aux citoyens l’envie de leur puissance.

9. Quant aux honneurs que le roi reçoit à sa mort, l’intention des lois de Lycurgue est de montrer qu’on honore les rois de Lacédémone, non pas comme des hommes, mais comme des demi-dieux.


[1] Les mots entre crochets sont sans doute une interpolation. Plutarque et Pausanias nous apprennent qu’une fois l’an on fouettait les enfants et les adolescents devant l’autel d’Artémis Orthia ; mais cette coutume, qui a pour origine un ancien sacrifice humain remplacé dans la suite par le fouet, semble n’avoir rien de commun avec la punition des jeunes garçons qu’on surprenait à voler.
[2] Mêmes idées dans la Cyropédie III, in, 52 et 53. A Chrysantas qui l’exhorte à haranguer les soldats avant la bataille, Cyrus répond : « Suffit-il d’un discours pour leur inculquer la ferme conviction qu’il vaut mieux mourir en combattant que sauver ses jours en fuyant ? Ne faut-il pas, si l’on veut graver de telles pensées dans l’esprit des hommes d’une manière durable, ne faut-il pas qu’il y ait d’abord des lois qui assurent aux braves une existence honorée et digne d’un homme libre et qui condamnent les lâches à traîner une vie abjecte, pénible, indigne d’être vécue ? »
[3] Littéralement : chaque file a tout ce qu’elle doit fournir ou se fournir à elle-même. Le sens n’est pas clair.
[4] Les Scirites, établis dans les montagnes qui formaient la frontière nord-est de la Laconie, paraissent avoir été dans leurs rapports avec les Spartiates dans une condition intermédiaire entre l’alliance et la sujétion. Ils formaient un corps d’infanterie, sans doute d’infanterie légère, puisqu’on les plaçait aux avant-postes dans les campements, à l’avant et à l’arrière pendant les marches.
[5] Les όμοιοι ou égaux composaient la classe aristocratique, qui seule avait part au gouvernement de la cité. On ignore comment ils étaient recrutés.
[6] C’est-à-dire à Castor et à Pollux ; Haase lit « et son état-major ».
[7] Je lis avec Weiske και χομαν διαχεχριμένω, d’après Plutarque, Lyc. 22, au lieu de χεχριμένω. Je donne ensuite à εύδόχιμον le sens de qui a bonne opinion, confiant ; car le sens habituel qui a bonne réputation ne s’accorde pas avec le texte, qui est sans doute altéré.
[8] Weiske lit τουτ’ ού βασιλέως, au lieu de τουτο βασιλέως, c’est-à-dire : il n’appartient pas au roi.
[9] Ce nom de Pythiens leur venait de ce qu’ils étaient chargés d’aller consulter l’oracle de Delphes ou d’Apollon Pythien.